Alors, que faire ? La réponse vous appartient, et je n'ai aucune recette en magasin. » E.P.
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Si je souscris à l’essentiel du papier d’Edwy Plenel auquel tant d’entre nous ont souhaité réagir aujourd’hui, je ne peux néanmoins m’empêcher d’être plutôt déçu par cet aveu en forme de conclusion.
Je remarque d’ailleurs qu’en dehors de quelques rares contributeurs, les seules solutions ici proposées reprennent peu ou prou le vieux slogan « du passé faisons table rase », ce qui, je m’en excuse, me semble tout de même un peu court dans le contexte politique auquel nous devons faire face.
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En effet, ça n’est pas faire injure aux lecteurs et contributeurs de Mediapart que de considérer qu’ils font dans leur grande majorité partie de ceux de nos concitoyens qui ont le moins à perdre (en dehors de leur confort intellectuel) d’une situation où le Sarkozysme triomphant irait au-delà de 2012.
Retraités, membres de la fonction publique, cadres, étudiants, etc., autant de statuts qui les mettent un peu plus que la grande majorité des Français ordinaires à l’abri de la crise qui a commencé à faire sentir ses effets et qui va sans aucun doute continuer en les amplifiant encore. J’en parle à l’aise, en faisant bien entendu moi-même partie.
Depuis ce relatif abri, la posture visant à crier haro sur le baudet me semble ainsi plus aisée que lorsque ce sont les fondamentaux de ses conditions mêmes d’existence qui se trouvent immédiatement mis en cause.
Une première analyse (contestable sans doute et qui sera contestée) me fait donc penser qu’une bonne part des transferts de voix du PS (et aussi du MODEM) vers EE sont bien moins révélateurs d’une désaffection de leurs gros bataillons d’électeurs du passé, que d’un mouvement d’humeur de ceux qui constituaient jusqu’à présent leurs socles résiduels, à savoir les classes moyennes supérieures, jouissant de revenus acceptables et d’un niveau élevé d’éducation.
Car ce ne sont ni les jeunes, ni les plus défavorisés qui ont été à l’origine des recompositions actuelles, la plupart d’entre eux ne s’étant même pas dérangés pour participer à ce scrutin.
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Mouvement d’humeur, disais-je, que celui qui a pu consister pour nombre de soutiens à Ségolène Royal (militants et sympathisants PS), à aller cette fois-ci voter contre leur camp, au risque d’ailleurs d’aller bien au-delà de ce qu’eux-mêmes avaient en leur temps reproché à leurs (ex ?) camarades en matière de soutien insuffisant à leur candidate.
Mouvement d’humeur que celui de ceux qui ont répudié leur inclinaison passée vers le MODEM, alors même que leur ex champion n’a guère fait autre chose que de poursuivre et amplifier le sillon qu’il avait commencé à tracer lors de la présidentielle.
Mouvement d’humeur enfin que celui des autres électeurs traditionnels du PS qui n’ont pas supporté que le parti auquel ils apportaient traditionnellement leurs suffrages ne soit pas parvenu à effacer en seulement quelques mois les traces de plus de 10 ans d’immobilisme Jospino-Hollandais…
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Loin de moi néanmoins l’idée d’exonérer les actuels responsables du PS de leurs lourdes responsabilités. Mais qui peut sérieusement croire que c’est en faisant subir aujourd’hui au PS le même sort que celui qu’a vécu le PCF en son temps que l’échéance de 2012 serait la mieux préparée ?
Qui peut croire que l’idée d’une primaire ouverte, seule antidote réaliste aux effets si clairement délétères pour la gauche du présidentialisme de la Vème République, pourra plus facilement s’imposer dans le cadre d’un PS résiduel arc-bouté sur le noyau dur de ses apparatchiks les plus caricaturaux ?
Qui peut affirmer aujourd’hui qu’accélérer la chute du parti qui a structuré la gauche de gouvernement pendant 30 ans n’est pas accepter en même temps de faire l’impasse sur l’échéance cruciale de 2012, tant il semble improbable de pouvoir restructurer cette même gauche dans un temps aussi court ?
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Si un certain nombre d’entre nous pensent que cette impasse là est la condition de la « vraie » reconstruction de la « vraie » gauche (qu’elle soit d’ailleurs écologiste ou anticapitaliste), qu’ils songent néanmoins à ce que la poursuite de l’aventure Sarkozyste entrainera inéluctablement en matière de remise en cause des libertés publiques et des droits sociaux, du renforcement de la dérive oligarchique de notre République, etc., sans même parler des tentations aventuristes en matière de politique étrangère…
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En résumé, pour ceux que le PS a tant déçu, 2 solutions se présentent aujourd’hui: l’investir pour essayer de le faire enfin changer (prise de conscience du poids fondamental des enjeux institutionnels, ouverture réelle vers l’extérieur, capacité à ré-attirer vers lui l’électorat populaire), ou simplement se contenter de tirer sur l’ambulance…
Billet de blog 13 juin 2009
Commentaire à l'article d'Edwy Plenel - "Lettre à ces socialistes qui nous désespèrent" du 9 Avril 2009
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