Au lendemain de l'intervention de M. Sarkozy sur TF1, beaucoup de voix se lèvent pour critiquer le Président sur sa façon d'appeler ses interlocuteurs, Monsieur pour certains hommes, et le prénom pour les femmes, le noir et l'arabe. Je laisse ce sujet à Rue89 et autres qui sauront le traiter avec soin. Mon cerveau a tilté sur un mot, oui, un seul mot du Président mais qui révèle ce qui commençait à germer en moi. Ce mot c'est "Vos", terme utilisé par Nicolas Sarkozy en s'adressant à Rex, infographiste de Villiers-le-Bel, au sujet des jeunes de banlieues. Non, je ne rêve pas, il a bien dit "Vos jeunes" à Rex. Voilà ce qui a tilté. Maintenant, il me faut exposer ce qui a germé en moi.
Depuis un certain temps, je réfléchis à la façon dont doit être traitée la question des banlieues. Bien entendu, le problème est complexe et selon la personne qui l'étudiera, les raisons de cette violence seront différentes: "C'est l'immigration le problème!" s'écriera le FN, "C'est l'incompatibilité de l'Islam avec nos valeurs." s'écrieront d'autres, "Le problème est social." s'efforceront de dire les derniers; si bien que chacun peut se prononcer sur ces raisons à travers le prisme de ses valeurs. D'ailleurs, Le Pen l'a compris en proposant d'effectuer des statistiques ethniques en prison. Si demain ces statistiques révélaient que 80% de détenus dans une certaine prison sont musulmans, quelle devrait-être la conclusion? Que le problème c'est l'Islam? Et pourtant, en posant uniquement le problème de cette façon, il n'y a qu'un pas -que beaucoup franchiront- pour conclure de cette façon.
Mais ce qui m'interpelle le plus, ce ne sont pas les interventions de M. Le Pen non, ce qui m'interpelle le plus, c'est la norme. En effet, la norme veut que lorsque je brûle des voitures je suis Français d'origine X, Y ou Z, mais que lorsque je marque deux buts en finale de la Coupe du Monde je suis Français, tout simplement. Vous vous dites: encore un parano. Et vous avez totalement raison. Ma paranoïa me pousse aujourd'hui à postuler ceci: pour nombre de politiciens, de media, de citoyens, le problème des banlieues n'est PAS un problème français. Si bien que dès qu'un de ces jeunes français commet un acte de délinquance, on se sent obligé de le renvoyer à son origine rejetant ainsi la faute sur celle-ci. Je tiens à préciser que ce "on" ne renvoit pas à Marine ou Jean-Marie mais à des media classiques, lus et regardés par des millions de français. Ainsi, lorsque je commets une faute, c'est dû à mon origine qui, cela a été prouvé scientifiquement, possède des gènes de violence contenus dans la mélanine.Oui, le problème des banlieues est fortement corrélé à l'immigration. Même si les chiffres montrent que les délinquants ne sont pas immigrés mais français, il faut tout de même souligner que ces français sont issus de l'immigration et donc que l'immigration est le problème (le "donc" est évident).
Ainsi, lorsque je suis impliqué dans une affaire d'agression impliquant les forces de l'ordre et qui éclate à la une des journaux, en tant que français, non, justice ne me sera pas faite Mme Alliot-Marie est bien trop occupée, non, ma sécurité n'est pas garantie et les forces de l'ordre n'auront pas le droit à la fameuse remontée de bretelles publique car M. Hortefeux est occupé lui aussi. Cette fois ci, les ministres ont décidé de ne pas "récupérer" médiatiquement cette affaire. Décidément, je n'ai pas de chance... jusqu'à ce qu'un ministre décide enfin de se présenter, et ce ministre c'est Eric Besson, Ministre de l'Immigration, etc. Je dis "ect." car j'ai beau cherché, je n'ai guère trouvé pourquoi Besson est intervenu dans cette affaire. Suis-je mal intégré? Non, je suis à Sciences Po. Identité Nationale? Développement Solidaire? Quel rapport avec mon affaire? Voilà le message, clair, limpide, envoyé à nous, français issus de l'immigration: dès que vous êtes impliqués dans une affaire, que vous soyez coupables ou victimes, l'Etat vous renverra à votre statut: celui d'immigré (et affiliation). (Je ne suis pas Anyss Arbib pour ceux qui en doutent).
Mais jusque là, j'accusais encore et toujours ma paranoïa. Même lorsque Sarkozy disait à Daniel Hamidou alias Dany Boon lors de la remise de la légion d'Honneur: "va faire une carrière avec ça", le "ça" désignant le nom de famille de Daniel, je n'ai cessé de mettre la faute sur ma paranoïa. Mais aujourd'hui, tout se tient. Lorsque Sarkozy dit à Rex: "Vos jeunes", c'est un lapsus qui révèle ainsi l'idée que se fait notre Président de la banlieue. Ce ne sont pas "Nos jeunes", ce sont "Vos jeunes". Ce n'est donc pas Notre problème, c'est le Votre. Ainsi l'Etat se dédouane de la violence des banlieues en rejetant la faute sur l'immigration.
Evidemment, je plaisantais lorsque je disais que le problème des banlieues est complexe. Ce ne peut être un problème social qui remettrait en cause notre système, c'est forcément l'immigration. Ouf!
Bilan de l'histoire: il faudrait peut être que j'aille me soigner.