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Billet de blog 19 octobre 2009

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Travail, richesse et socialisation - une conférence Utopia

 Conférence Travail, richesse et socialisationpar Dominique MEDA, philosophe  Depuis 2005, UTOPIA , mouvement politique écologique, socialiste et altermondialiste, organise un cycle de conférences mensuelles dont le principe est de faire réagir un politique ou syndicaliste aux propos d'un chercheur.Le 14 mars 2006, Dominique MEDA, est partie d'une remise en cause du PIB comme outil d'évaluation de la richesse produite. Elle critique ensuite l'assimilation de la richesse à la simple production de biens matériels. D'autres indicateurs, déjà existants, fourniront une meilleure visibilité aux gouvernements pour piloter leurs politiques.      

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Conférence Travail, richesse et socialisation

par Dominique MEDA, philosophe

Depuis 2005, UTOPIA , mouvement politique écologique, socialiste et altermondialiste, organise un cycle de conférences mensuelles dont le principe est de faire réagir un politique ou syndicaliste aux propos d'un chercheur.

Le 14 mars 2006, Dominique MEDA, est partie d'une remise en cause du PIB comme outil d'évaluation de la richesse produite. Elle critique ensuite l'assimilation de la richesse à la simple production de biens matériels. D'autres indicateurs, déjà existants, fourniront une meilleure visibilité aux gouvernements pour piloter leurs politiques.

Pour vous tenir informés du programme des conférences de l'année, rendez vous sur le site des conférences d'UTOPIA

texte de Dominique Méda

Téléchargez la conférence

Lors de la conférence Travail, richesse et socialisation, la sociologue DominiqueMéda[1] interrogel'association systématique du concept de richesse à celui de production,association qui, par extension, réduit la richesse au taux de croissance. Ellerappelle que cette dualité richesse / production a été construite au XIXemesiècle sous l'influence des économistes Thomas Malthus et Jean Baptiste Say,soucieux de faire reconnaître l'économie comme une science positive. Pourapprécier la richesse d'une nation, ils préconisent de recourir à des donnéesvérifiables, c’est-à-dire de mesurer la diminution ou l'accroissement des biensmatériels. Cette définition, totalement réductrice, exclut notamment du calculles biens immatériels qui pourtant contribuent au développement des sociétés.

La comptabilité nationale des nationsindustrialisées, en se focalisant sur la production, retiendra un agrégat peuéloigné de ce concept, qui fait le lien entre richesse d'une société etproduction marchande, tandis qu'en parallèle, l'économie marginalistetransforme profondément le concept d'utilité : définie comme « la facultéqu'ont certaines choses de satisfaire les besoins des hommes », l'utilités'applique désormais à tout bien capable de satisfaire le désir d’un seul. Enfin, la philosophie marxiste consolide l'assimilationde la richesse à la production. En transformant l'environnement naturel de l'homme, la production est conçuecomme un acte spirituel, une humanisation de la nature.

D. Méda conteste lapertinence de cette définition de la richesse, toujours présente sous la forme de l'indice PIB(Produit Intérieur Brut)[2][3].Cet outil central de mesure de la richesse au Xxeme siècle n'est, selon elle,plus adapté à la réalité économique et sociale des sociétés contemporaines,qu'elles soient développées ou en développement.

· LePIB : un indice anachronique. Le Pib est contestable parce qu'il apporte une vision biaisée dudéveloppement des sociétés. Premièrement, il ne valorise pas des activitésindispensables à la survie des sociétés et au bonheur des individus[4](tempsavec les proches, temps domestique, temps politique…). La non intégration deces activités à la mesure de la richesse revient à les considérer commetotalement improductives donc ayant une valeur nulle. Par ailleurs, le Pib n’est pas affecté par les inégalités dans la participationà la production ou la consommation, Il ne fournit donc pas d'indicationssur la décohésion sociale. Enfin, il ne montre pas les dégradations quel'activité économique peut opérer sur l'environnement naturel et surl'organisation sociale d'une société.

· Pourestimer la richesse d'une société donnée, D. Méda préconise de recenser le patrimoinecollectif (naturelet social) « dont nous héritons » et d'en observer l'évolution. Lepatrimoine social est constitué notamment de l'état de santé des personnes, del'état de nos relations sociales, de notre niveau d'éducation, etc. Il devraitfaire l'objet de la même vigilance que celle accordée au patrimoine naturel etécologique, car le productivisme l'affecte au même titre que l'environnement[5]. Le PIB n'est qu'une somme de valeursajoutées. Il n'explique pas comment ce capital collectif a été utilisé,amélioré, ou détruit pour permettre cette production, comptée au final, commeun enrichissement.

Il faut donc trouver des indicateurs qui donnent à voir lesdégradations opérées sur le capital collectif, mais aussi les dividendes qu'onpourrait obtenir en investissant dans le social.

· Ces indicateursalternatifs existent.Déjà popularisés aux USA et au Canada, ils constituent, selon DM, unealternative plus crédible. Parmi les indicateurs qui ont retenus son attention,on trouve l'indicateur de développement humain (IDH), l'Indice de Santé Sociale(ISH) et l'Indice de bien être économique, qui intègrent de nouvelles donnéespour évaluer la richesse d'une société. L'indice de bien être économique, par exemple, mesure la richesse d'unesociété en se fondant sur 4 composantes : la consommation, le stock de richesse(sont ils entamés ou pas ?), l'égalité (taux de pauvreté et répartition desrevenus), la sécurité économique (comment les risques encourus par les personnesont ils été pris en charge?). L'indice de progrès véritable correspond, lui,plutôt à un PIB corrigé.

Alors que la courbe du PIB est en augmentation, les indicesalternatifs sont toujours soit stables, soit déclinants.

· Critiques: Les institutionséconomiques internationales contestent la légitimité des indices alternatifs,basés sur des critères qualifiés d'arbitraires. D. Meda précise que cescritères ont déjà fait l'objet de discussions au sein de forums démocratiques.

· Enconclusion, D.Meda estime qu'il faut continuer à développer et à définir des indicateursalternatifs au PIB, en mettant en évidence les couts évités.

Bernard Marx, membre de Confrontations Europes,s'associe à DM, pour dire que le productivisme et le consumérisme nous fontcourir le risque d'une d'épuisement planétaire, sans mieux être social.

Néanmoins, il estimeque la mesure de la croissance des richesses par le PIB est utile etnécessaire. Le PIBest un indicateur de la vie dans le monde tel qu'il est. Le ralentissement de lacroissance en France illustre ses difficultés à se positionner dans le mondeactuel.

Il déplore quel'économie ne soit plus au coeur du débat politique, devenant « l'affairede ceux qui possédent [alors que] le social est l'affaire de ceux qui protestent. ».

Il note la tendance,assez négative, de la gauche à rendre le marché responsable d'une mauvaiseredistribution des richesses. Certes, le marché est incapable d'intégrerd'autres valeurs que la rentabilité pour construire de la richesse, cependant,en France la dépense publique manque d'efficacité.

La mesure de larichesse est aussi liée, au niveau micro économique, à la comptabilité d'entreprise. Or, cette activité fait l'objet d'une réforme internationale,fondée sur la vision unilatérale qu'ont les actionnaires. L'entreprise n'estplus une communauté de travail, elle se réduit à un paquet d'actifs, qui sevalorise comme capital. Tout est capital, tout est capitalisable.

Pour construire unecohérence nouvelle, Bernard Marx considère qu'il faudra proposer une visionnouvelle de l'entreprise et de sa gouvernance.

Jean PierreDupuy, philosophe, s'intéresseau rapport entre philosophie et économie.

Il ajoute unequatrième réponse à l'analyse de DM sur le rapport entre société et production.Il rappelle que le père fondateur de l'économie, Adam Smith, définit larichesse comme ce qui est désiré par les autres. Et pour JPD, cette obsessionde l'argent, de la production, de la consommation ne mesure absolument pas lebonheur mais plutôt le malheur.

Contrairement àDominique Méda, il considère que la recherche d'un indicateur alternatif au PIBn'est ni utile, ni nécessaire, voire même irréalisable.

La création d'un telindicateur risquerait de faire basculer la réflexion du coté du scientisme. Cetindicateur serait insuffisant pour rendre compte d'un concept aussi complexe,que la richesse, dont les composantes sont duales (Travail/Emploi). Enfin,trouver l'indicateur adéquat reviendrait à fonder l'indicateur du bonheur, en vu de le faire croitreindéfiniment. Or, ce qui fait l'homme c'est la contradiction permanente entrele respect des normes absolues (obligation ou devoir) et le consequentialisme(une action moralement juste est une action dont les conséquences sont bonnes).Avec cet indicateur « du bonheur », toutes les décisions seraientsubordonnées à leurs conséquences, en sacrifiant si nécessaire le respect denormes absolues.


[1] http://www.cee-recherche.fr/fr/fiches_chercheurs/dominique_meda.htm

[2] Le PIB est la valeur totale de laproduction interne de bienset services dans un pays donné au cours d'une année donnée par les agents résidant àl’intérieur du territoire national (Source Wikipédia)

[3] le PIB est égal à la somme desemplois des comptes d'exploitation des secteurs institutionnels : rémunérationdes salariés, impôtssur la production et les importations moins les subventions, excédent brutd'exploitation et revenumixte. (Source Insee)

[4] Temps passé avec les proches ,temps consacré à la politique, à l'investissement collectif

[5] Une entreprise qui recourt à de lamain d'oeuvre précaire, pour gagner en productivité, va affecter le petitcapital social de ses salariés(niveau de santé, de formation, d'éducation)

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