Je ne suis ni journaliste ni écrivain. Je suis une Assistante de soins en gérontologie à la retraite. C'est un titre que je revendique, même s'il n'est pas reconnu. Je ne sais que prendre soin de mes semblables. Aussi je vous prie de m'excuser pour le défaut de rédaction. De plus, plus proche des résidents que des réseaux sociaux, j'ai du mal à maitriser le web. Je vais tenter de vous expédier cet écrit en pièce jointe. Merci de votre compréhension. Peut être, si cela vous intéresse, vous ferais-je parvenir mon histoire au sein de cet établissement et les leçons que j'en ai tiré. Cordialement.
PLAIDOYER CITOYEN POUR UN EHPAD BIENVEILLANT ENVERS SES RESIDENTS ET SON PERSONNEL
A tous les « oubliés » de la Santé Publique et des EHPAD
Il y a péril en la demeure voire même non-assistance à personne en danger.
« Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur (physique et/ou psychique). Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort ».
Loi KOUCHNER du 4 mars 2002
Mais je souhaiterai tout d'abord, recentrer le débat ouvert depuis des années, remis au goût du jour par la pandémie que nous venons de subir et par le livre « les fossoyeurs ». Ces deux événements ont révélé au grand jour les faiblesses de notre système de Santé Publique Citoyenne et combien les politiques sociales et économiques de nos dirigeants successifs ont été mortifères.
Il ressort :
Des inégalités de territoire de soins : désertification médicale qui était prévisible depuis le début des années 2000.
Des inégalités de soins : Traitement des urgences à l'hôpital public, traitement de soins d'urgence « doux » pour le privé ???(imposé par L'ARS).
Des inégalités financières entre établissements publics et privés (tarification à l'acte)
Des inégalités de responsabilité face aux aléas thérapeutiques (choix du patient, choix du soin, choix de l'intervention)
Des inégalités de droit et de devoir, et de surveillance entre privé et public
Bref, l'hôpital va mal, les médecins vont mal, les EHPAD publics et privés aussi, le personnel para-médical va mal…
Le manque de Cap, de cohésion, de vision à long terme, engendre des situations anxiogènes dont soignants, patients et familles ne peuvent se prémunir, se guérir.
Les différents organismes (Sécurité Sociale, ARS, Départements) intervenants, ne travaillant que pour lui-même, délitent les responsabilités et rendent difficile toute cohésion financière et sociale dans le domaine de la santé publique et privée.
La mise en concurrence Santé Publique/Santé Privée, en n'ayant pas les mêmes exigences de Santé Citoyenne et des objectifs divergents, rend la situation injuste pour ceux qui sont soumis à un stress permanent.
Cet état de fait ne peut qu'engendrer perte de sens, violence (infligée ou subis). Le manque de reconnaissance et de personnel ne peut que conduire à des excès.
Ensuite, je voudrais citer au moins deux lois qui ont eu un impact déterminant sur la politique de Santé Publique ces 20 dernières années et qui en outre sont au cœur de la problématique.
La loi Kouchner de 2002 qui s'articule sur 4 grands axes : renforcer le droit des usagers, l'élargissement des missions de l'action sociale, mieux organiser et coordonner les différents acteurs du domaine médico-social et social et améliorée la planification. Et, pour la personne âgée, la création de nombreux réseaux paramédicaux facilitant le parcours de soins de son domicile à l'EHPAD.
Il en résultera entre autres, que le patient doit avoir un consentement éclairé des actes et des traitements qui lui sont proposés. De fait, le médecin a un devoir d'information qui peut mettre en jeu sa responsabilité si tel n'a pas été le cas. La loi du 30 mars 2002 relative à la responsabilité médicale : faute et réparation des aléas thérapeutiques, en a découlé.
En somme, une loi qui permettait de remettre le patient, le résident au sein de la préoccupation de la Santé Publique et de protéger les médecins et les établissements de santé de toutes dérives thérapeutiques ( accident médical, affection iatrogène, infection nosocomiale). Depuis cette loi, l'Office Nationale d'Indemnisation des Accidents Médicaux a été créé afin d'indemniser les victimes.
La loi du 21 juillet 2009 « Hôpital, Patient, Santé, Territoire ». Elle permet la fusion de diverses administrations en une entité, l'Agence Régionale de la Santé. Celle-ci, grâce à divers sous-organismes administratifs, assure le pilotage de la politique de santé publique et elle régule l'offre de santé en région. Après adhésions au Contrats Pluriannuels d'Objectifs et de Moyens, elle contrôle la qualité des soins, le respect des droits des patients, des résidents, la sécurité des locaux et de l'organisation, la sécurité du circuit des médicaments, la gouvernance et le management, de la Santé Publique et Privée, mais également des EHPAD publics et depuis peu des EHPAD privés. L'accréditation remise par l'ARS, pour respect du contrat, permet l'octroi de financement public. Cette loi impose également, aux établissements de santé, la formation continue de leur personnel.
Quel impact ces différentes lois ont eu :
La loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner :
Sur la Santé Publique
Cette loi qui permettait aux patients, à leur famille d'accepter ou non des soins en toute conscience de la finitude, ne pouvait que déplaire aux soignants aux egos surdimensionnés, qui jusque-là étaient maître de leur décision « sauver à tout prix ». Leur conviction ne pouvait être remise en question et, pour se couvrir de tout aléa thérapeutique discutable, ils s'imposent des démarches administratives, légitimes sûrement, mais qui demandent du temps de rédaction et un système juridique efficient pour compléter les manques et être irréprochable :
- Les contrats pluriannuels d'Objectifs et de Moyens ou convention tripartite
- La Tarification à l'acte,
- La mise en concurrence avec les cliniques privées.
Sur l'EHPAD public
Cette loi porteuse de sens, a permis à deux directrices successives, courageuses et opiniâtres et un cadre infirmier humaniste, de guider, soutenir par tous les moyens, leurs personnels soignants. Ensemble, ils avaient le même cap. Ensemble, ils se sont formés. Ensemble, ils se sont créé une « éthique professionnelle » : soutenir et accompagner dans le respect et dans la dignité, le résident. Mais ensemble, ils sont confrontés à la dérive bureaucratique chronophage et la quête incessante de moyens financiers (la convention tripartite), et la défection des pouvoirs publics en matière de soutien et de contrôle.
La loi du 21 juillet 2009 dite loi Bachelot : création de l'ARS (Agence Régionale de la Santé) organisme de contrôle et de financement.
Sur la santé Publique
- Modernisation des établissements de santé et organisation territoriale du système de santé : grâce aux CPOM passés avec le privé et le public, grâce à la fermeture d'établissements publics obsolètes, de services, de lits, d'accueil d'urgence, vous voilà à la tête de biens immobiliers dont vous avez pu juger l'efficience sur l'ensemble du territoire.
- Accès de tous à des soins de qualité : là encore vous pouvez juger de la pertinence de votre politique de soins : plus de médecins, des patients en souffrance, plus de personnel formé ou du personnel soignant en perte de sens, des citoyens qui doutent et n'ont plus confiance, alors ! la qualité !, quand l'insécurité règne, c'est le cadet de leurs soucis.
- Prévention et Santé Publique : je ne m'éterniserai pas sur le sujet, la pandémie s'en est chargée. Heureusement que sur l'ensemble du territoire, les soignants se sont mobilisés. En faisant fi de vos contrats de qualité et de moyens, ils ont su se montrer responsables, avec l'aide minimaliste des établissements privés qui assuraient les urgences de « soins doux ». Comment avez-vous tarifé les soins à l'acte pour les deux ? Et si les politiques cessaient ce comportement mercantile ?
Sur l'EHPAD
Afin de compenser la diminution de capacité de lits dans les services, et d’accueil aux urgences hospitalières, les postes IDE sont privilégiés. Arrivée de personnel soignant plus rompu aux soins hospitaliers qu'à l'accompagnement de la personne âgée, transformant ainsi l'EHPAD et l'unité Alzheimer en annexe hospitalière, contre leur volonté pour certaines, mais elles ont dû plier ou partir.
Départ à la retraite de la directrice qui n'a pu transmettre le flambeau, le cap, car son successeur sera nommé environ, un an plus tard. Pendant ce laps de temps, l'établissement connaîtra une succession de directeurs intérimaires.
Les egos réveillés, par l'absence d'une direction stable, une perte d' objectifs collectifs entraînent une bataille de pouvoir et disloquent la cohésion des équipes, provoquant le départ de personnel formé, un turn-over important avec de moins en moins de personnel soignants diplômés. Les remplacements intérimaires de direction n'y changeront rien. Les plus résistants du personnel restant devront gérer les directives administratives de l'ARS (dossiers de soins, projets de vie, grille AGGIR...), l'encadrement succinct des personnels rentrant et la pandémie, assurer l'accueil de nouveaux résidents et les accompagner dans les gestes de la vie quotidienne. Ils devront également assurer les soins dit hospitaliers (surcroît de traitements médicamenteux), revenir pour combler les arrêts-maladies, sur les congés, sur les RTT. La fatigue et le stress que cela engendre, crée un climat délétère détestable, qui règne sur tout l'établissement. Les résidents sont malmenés dans leurs habitudes. Mal être, mal vivre, mal mourir sont toujours présents, renforcer par leur cure de solitude intensive : réduction de la motricité, fonte musculaire, plus de contact familial, désocialisation, perte de l'élan vital, altération générale...
De plus, il est très difficile, pour la cadre de santé d'assurer un bon roulement des planning, de trouver des remplaçants au pied levé, de s'occuper du suivi des dossiers des résidents, projets de soins, projets de vie (seule preuve tangible face à la vindicte des familles, et pas de horde de juristes pour vérifier si le dossier est complet), de pallier les soins infirmiers, de remplir la grille AGGIR, de régler les conflits naissant entre le personnel, entre le personnel et les résidents, entre le personnel et les familles...
Les médecins intervenants sont soit à la retraite, soit sur le départ.
Que va devenir cet établissement qui accueille 96 résidents, avec une unité « Alzheimer » toute neuve, sortie de terre après 7 ans de négociation, réduite à être l'annexe de l'EHPAD en l'espace de 7 ans, après le passage de l'ARS. Il est maintenant équipé de beaux rails de transfert installés récemment dans un grand nombre de chambres, utilisés à tout va, sans concertation, pour le bien du soignant, et celui du résident ?
Sera-t-il rayé de la carte géographique des soins au titre du non-respect de ses engagements ? Avez-vous un autre établissement tout neuf, avec du personnel formé à l'accompagnement de la personne âgée pour accueillir les résidents ?
Doit-on toujours parler de soins de qualité ? L'état de dépendance auquel les soignants les ont réduits à cause de vos politiques drastiques sociales et économiques, mérite bien un GIR 1 pour tous ! Vous vous débrouillerez financièrement avec la Sécurité Sociale, l'ARS région Auvergne-Rhône- Alpes et le département de l'ALLIER !
Afin que ce plaidoyer citoyen sur la santé porte et soit entendu de l'ensemble des citoyens et des politiciens qui nous gouverne, il est nécessaire de constituer :
un groupe d'individus partageant un intérêt commun. Mais, il est très difficile d'obtenir une mobilisation à long terme, car il est composé bien souvent de personnes qui doivent faire face au cours de leur vie, à des priorités non choisies. C'est pourquoi, je m'adresse à l'ensemble des soignants, des patients, à leurs familles, ainsi qu'à toutes les associations à but non lucratif, fondations qui luttent chaque jour pour le respect de la dignité humaine, les centres de formations continues des personnels soignants...
Permettez moi de vous associer à cette démarche, afin de faire entendre vos voix auprès des pouvoirs publics.
Cette association vous permettra de mutualiser les efforts, de partager les connaissances, les ressources voire les responsabilités. Vous permettra de reprendre confiance et ainsi rendre sa noblesse à la médecine, et ensemble, vous progresserez pour le bien de l'humanité.