J’ai 24 ans. Je suis une femme adulte, responsable, capable de tenir une discussion, de me remettre en question, d’agir en conscience. Pourtant, dans certaines familles — comme la mienne —, être une fille, c’est parfois être considérée comme une éternelle mineure.
Comme si les décisions nous dépassaient. Comme si nous étions sous la tutelle symbolique d’une figure masculine supposée plus "sage", plus "mature", plus "légitime".
Parler de moi, mais pas avec moi
Ce que mon cousin a fait aujourd’hui, c’est précisément cela : refuser le dialogue direct avec moi, pour transmettre son message via une autorité masculine, mon grand frère.
Ce dernier est perçu, dans la famille, comme une sorte de tuteur moral : c’est vers lui que l’on se tourne pour me “recadrer”. Une sorte de relais patriarcal, discret, mais très efficace.
Et je m’interroge : aurait-il fait la même chose avec un cousin ? Aurait-il transmis le message à travers un oncle, un frère ou un père ? J’en doute fortement.
L’infantilisation des filles : une habitude bien ancrée
Il y a dans cette démarche quelque chose d’humiliant et de profondément infantilisant.
C’est nier ma capacité à recevoir une remarque, une critique, un conseil. C’est m’exclure de ma propre vie, en confiant à d’autres le soin de me “gérer”. Comme si, à 24 ans, on pouvait encore me “faire engueuler” par mon grand frère.
Comme si être une fille dans la famille, c’était rester une enfant un peu trop fragile pour être traitée d’égal à égal.
Cette posture-là, je l’ai vue chez d’autres. Des sœurs contrôlées, des cousines jugées, des filles surveillées de loin, sous couvert de “protection”. Mais la protection imposée sans respect, sans écoute, sans choix, ce n’est pas de l’amour.
C’est du contrôle.
Et en plus de ça, on attend de nous qu’on prenne soin de tout le monde
Comme si ça ne suffisait pas d’être surveillées, on nous colle aussi la charge affective. Il faut qu’on soit présentes, compréhensives, à l’écoute, qu’on apaise les conflits, qu’on joue les médiatrices.
On attend des filles qu’elles tiennent la maison émotionnelle à bout de bras, pendant qu’on les juge en silence.
On est censées tout encaisser, tout gérer, tout adoucir.
Et surtout, ne pas faire de vagues. Mais personne ne se demande si on en a la force, si on est d’accord, si c’est juste. Parce que c’est devenu "normal" qu’on prenne soin de tout le monde… sauf de nous-mêmes.
Je ne suis pas une assistante émotionnelle. Je ne suis pas un tampon familial. J’ai le droit d’exister pour moi, pas uniquement pour maintenir la paix ou faire plaisir.
Être une femme et poser ses propres limites
Il y a un moment où il faut dire stop. Où il faut remettre les choses à leur place, même si ça froisse, même si ça dérange. Parce que le respect n’est pas négociable, encore moins entre adultes.
Je suis tout à fait capable de répondre à une remarque. J’accepte le dialogue. J’accepte la critique, quand elle est juste et qu’elle me rend meilleure.
Mais je n’accepte plus qu’on me traite comme une enfant à qui il faut faire la leçon par personne interposée. Et je refuse qu’on m’impose, en plus, de tout porter pour les autres sans reconnaissance.
Ce que je souhaite pour toutes les filles de nos familles
Je souhaite que les filles aient le droit d’être entendues directement. D’être prises au sérieux. D’être respectées comme des personnes entières, autonomes, responsables.
Je souhaite que les frères, les cousins, les oncles cessent de se prendre pour des garants de notre moralité. Nous n’avons pas besoin d’être encadrées, corrigées, surveillées. Nous avons besoin d’espace pour exister pleinement.
Et surtout, je souhaite que dans nos familles, on apprenne à parler avec les filles — pas sur elles, ni à travers d’autres.
Parce qu’être une fille ne doit jamais signifier être mise sous tutelle.
✊ Conclusion
Si tu t’es reconnue en lisant ces lignes, sache que tu n’es pas seule. On est beaucoup à en avoir marre d’être surveillées, jugées, prises de haut… alors qu’on se bat déjà pour tenir debout.
Parlons-en. Partageons. Brisons le silence. Et surtout : reprenons notre place, entière et légitime, dans nos propres familles.
Être une fille, ce n’est pas être docile, effacée, ni disponible à tout moment.
On mérite le respect, pas le contrôle.