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Billet de blog 21 mai 2025

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Féministes en public, agresseurs en privé

Dans les milieux de gauche, les discours féministes sont omniprésents. Mais derrière les beaux principes d’égalité, trop de militantes subissent le mépris, la domination, et parfois les violences sexuelles de leurs « camarades ». Ce texte est un cri : pour dire que oui, à gauche aussi, des femmes sont agressées. Et que non, l’étiquette « progressiste » n’efface pas les comportements toxiques.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La gauche, terrain prétendument acquis au féminisme

Militante à gauche depuis plusieurs années, j’ai participé à des campagnes, des manifestations, des réunions, des tractages. J’y ai trouvé des personnes sincères, engagées, généreuses. Mais j’y ai aussi connu l’humiliation silencieuse, l’effacement systématique, la violence non dite.

À gauche, on se targue d’être du bon côté. On parle d’égalité, d’intersectionnalité, de lutte contre toutes les dominations. Le féminisme y est brandi comme un étendard moral. Mais ce féminisme est souvent un masque, un vernis, une posture. Dans les faits, nos organisations, nos collectifs, nos AG reproduisent les mêmes mécanismes de domination que ceux que nous dénonçons ailleurs.

Le mansplaining comme outil de contrôle politique

Je ne compte plus les fois où un homme m’a coupée en réunion pour "réexpliquer" ce que je venais de dire. Les fois où l’on m’a conseillé de "parler moins fort", d’être "plus pédagogue". Les fois où ma parole a été traitée comme une émotion à calmer, jamais comme une pensée politique à écouter.

Le mansplaining n’est pas une anecdote, c’est une stratégie de domination. Il sert à rappeler qui détient la légitimité politique, qui a le droit de parler fort, de faire autorité. Et ce droit, dans nos milieux pourtant progressistes, est toujours plus facilement accordé aux hommes.

Ces hommes plus féministes que les féministes

Il y a une figure bien connue dans les orgas et collectifs : celle de l’homme qui se dit "allié", "déconstruit", "plus féministe que toi". Celui qui cite bell hooks à la virgule près, mais ne t’écoute jamais. Celui qui organise des ateliers sur les violences sexistes, mais refuse toute remise en question de son comportement. Celui qui se place en tuteur, en référent, en donneur de leçons.

Ces hommes n’aiment pas les femmes. Ils aiment le pouvoir que leur donne le fait de parler à leur place. Leur féminisme est une posture, une stratégie de légitimation. Et bien souvent, ils utilisent cette posture pour dissimuler des comportements violents.

Derrière les discours, des agressions couvertes

J’ai vu des camarades agressées par des hommes qui se disent féministes. J’ai vu des orgas refuser de prendre leurs plaintes au sérieux. J’ai vu des collectifs demander le silence au nom de "l’unité". J’ai vu des militantes partir, seules, brisées, pendant que leurs agresseurs continuaient à faire des discours dans les manifs, à apparaître dans les médias, à se faire applaudir.

Mais j’ai aussi vu, et vécu, quelque chose de plus insidieux : la culpabilité de parler. La peur d’être celle qui "met le feu", qui "divise", qui "fait tomber un camarade". On se demande : Et si ça faisait imploser le groupe ? Et si je passais pour une saboteuse ? Et si on disait que j’instrumentalise le féminisme ?

Ce sentiment est ravageur. On intériorise l’idée que le combat collectif vaut plus que notre propre sécurité. Qu’il faut taire ce qu’on a subi pour ne pas affaiblir l’organisation, pour ne pas alimenter l’image d’une gauche "en crise", pour "ne pas donner de billes à l’ennemi". Alors on garde pour soi. On encaisse. On s’efface. On protège la structure, même quand elle ne nous protège pas.

À gauche aussi, les femmes portent le poids du silence. Et à gauche aussi, les agresseurs sont couverts au nom de la stabilité politique.

C’est fini, on ne se taira plus

Nous n’avons plus à choisir entre la lutte collective et notre intégrité. Nous n’avons plus à nous taire pour ne pas gêner. Nous n’avons plus à accepter les violences parce qu’elles viennent de "notre camp".

Le féminisme n’est pas un outil de communication. Ce n’est pas un costume pour les hommes de gauche. C’est un combat quotidien, radical, qui commence par l’écoute des femmes et la fin de l’impunité.

Alors oui, nous parlerons. Nous dirons leurs noms quand il le faudra. Nous dénoncerons leurs méthodes, leur domination, leur hypocrisie. Et nous construirons nos propres espaces, où le féminisme ne sera plus un slogan, mais une pratique vivante.

Car la révolution ne se fera pas sans les femmes. Elle ne se fera pas contre elles. Et elle ne se fera jamais avec ceux qui les écrasent en prétendant les défendre.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.