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Billet de blog 6 mai 2014

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avocat du diable

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avocat du diable.

A tout procès en canonisation, il faut un avocat du diable. Je vais donc faire le  malin et chercher des poux sur la tête d’un saint.

D’abord  Jean Paul II m’a donné beaucoup de travail. Sa vie et son règne  ont été exceptionnellement longs. Et tous les délais prévus pour les procédures  de ce genre ayant été en son honneur raccourcis par Benoît XVI son successeur,  j’ai dû me  démener  dans l’urgence. 

Une précision : le  dernier pape à avoir  fixé les règles de la canonisation est Jean Paul II lui-même en 1983. Les mauvaises langues ne manqueront pas d’imaginer qu’il l’a fait en pensant qu’il serait le  premier à en profiter. Laissons-les à leur malveillance.

Jean Paul II fut-il un catholique héroïque ? Voilà la question que je me suis posé.

Pour y répondre,  j’ai examiné les reproches et accusations portés contre lui. Il y en a  beaucoup  et d’horizons très divers

Commençons par nos frères séparés : les  protestants,  c’est connu,  le culte des saints, ça ne leur plaît pas et il est exact que Jean Paul II a battu tous les records, plus de 1300 canonisations/béatifications en 26 ans c’est plus que le total enregistré au cours du demi millénaire précédent. Sauf que l’unité des chrétiens c’est bien joli, mais elle ne pourra jamais progresser aux dépends de la vérité et le culte des saints est chaleureusement  recommandé par le catéchisme de l’église catholique. Pour mémoire, c’est Jean Paul II qui en a publié la dernière version. Et ce n’est pas le moindre de ses mérites.

Les orthodoxes  ont cru que  le dernier concile  avait définitivement raboté  les « fastes et pouvoirs  de la monarchie pontificale ». Je regrette mais, ils  n’ont pas bien compris et  je ne voudrais pas les décevoir mais il serait incompréhensible  que Benoit XVI et François 1er ne partagent pas les  mêmes honneurs que Jean Paul II et Jean XXIII. Probablement ensemble pour bien montrer que le second ne fait aucune ombre au premier et vice versa. En la matière une sorte de tradition est en train de s’installer.

Parfois les critiques viennent des plus hautes sphères de  la  hiérarchie catholique elle-même. Jusqu’il y a peu archevêque de Milan, le Cardinal Martini  a  prétendu que Jean Paul II avait « écrasé les églises locales ». Heureusement que personne ne l’a  écouté. Il y avait du ressentiment là-dedans : tout le monde sait que ce jésuite  avait été dépité de  ne  pas  être lui-même monté sur le trône de Saint Pierre.

Certains anticléricaux ricanent sous cape  et se demandent pourquoi le pape François va canoniser les papes Jean et Jean Paul, si  de leur vivant et après leur mort,  on les appelle sans exception, très saint père ou sa sainteté. D’autres vont jusqu’à parler de  papolâtrie ou culte de la personnalité. Là, inutile d’ergoter,  il y a fort à parier  que les ennemis de la foi ne comprendront jamais rien à l’infaillibilité pontificale. Et on ne peut pas leur demander de s’agenouiller devant le représentant de dieu sur terre.

Mais tout de même,  s’interrogent  certains catholiques pratiquants,   Jean Paul II n’en a-t-il pas trop fait avec les voyages,  la télé et les JMJ. C’était un bon communicateur, ok. Il avait une expérience de comédien, mais  l’évangélisation c’est pas la communication.  Et bien, après avoir longuement réfléchi, je le dis, ceux-là sont des retardataires, des ennemis du progrès.  Ce  qu’il faut voir c’est que le pape  n’a rien cédé sur le fond. Prenez le préservatif. A la différence de son successeur, Jean Paul II  n’a jamais  commis la maladresse de prononcer le mot devant des journalistes.  En ajoutant que son usage n’était pas la solution du problème du sida en Afrique. Lui il a dit la même chose autrement. Il a répété partout que le remède au sida c’était la chasteté et la fidélité et ça n’a pas fait de vagues. L’interdiction de tous les moyens contraceptifs n’a pas été remise en cause.   Interdiction dont il a lui-même réaffirmé qu’elle « a été inscrite par la main créatrice de  dieu dans la nature de la personne humaines ».  Si vous voulez mon avis, il ne faut pas mettre de  l’eau dans son vin mais il n’est pas indispensable de servir du vinaigre pour faire croire que le vin est très ancien.

Une des critiques les plus fréquentes vient de la gauche. Jean Paul II a été anticommuniste. La théologie de la libération, il l’a enterrée et en a de toutes ses forces encouragé les ennemis les plus intransigeants : l’Opus dei,  il en a canonisé le fondateur. Et le créateur des  Légionnaires du Christ, un prêtre  mexicain très combatif, soit disant héroïnomane,  il ne l’a  jamais lâché non plus. Y compris quand   d’anciens séminaristes ou ses  propres enfants ont osé raconter qu’ils avaient été violés par lui. Mais je vous le demande,  si le chef suprême du clergé catholique n’avait pas défendu  le monde libre et  chacun de ses prêtres, qui l’aurait fait ?  Dans les  pays de l’est, quand elle voulait abattre les curés qui gênaient le pouvoir, la police avait pour habitude de leur coller des affaires de mœurs sur le dos. Fallait-il prendre ces accusations pour argent comptant ?

C’est comme pour  le soit disant scandale des prêtres pédophiles.   Que n’a-t-on pas dit ? En 1997, notre saint père   aurait demandé  aux évêques Irlandais de faire  remonter les informations directement à Rome plutôt que de  les transmettre à la justice de leur pays.  Un moment on a cru que Dublin  allait rompre ses  relations avec le Vatican au prétexte que les évêques et la curie  auraient fait passer la réputation de l’église avant le châtiment des coupables.

En 2001, pour avoir sexuellement abusé de plusieurs mineurs, un prêtre  français a été condamné à 18 ans de réclusion par un tribunal de la république.  Accusé de l’avoir  couvert,  Mgr Pican, son évêque a écopé d’une peine de 3 mois de prison avec sursis et son courage aurait été salué par le cardinal romain en charge de ces affaires : «Je me réjouis d’avoir un confrère qui, … aura préféré la prison plutôt que de dénoncer son fils prêtre».

Aux Etats unis, selon les associations avides de compensations financières, plus de cent mille   enfants auraient été victimes de leurs curés et aumôniers. 

Et tout  récemment,  ce sont les Nations Unies  qui ont accusé le Vatican d’avoir davantage protégé les prêtres  violeurs que les enfants violés. C’est inimaginable  et le bon pape François a  eu raison de  leur décocher  une réponse définitive : « aucune institution n’a fait plus que nous » 

Il en va de même  pour le soit disant scandale  de la banque du Vatican : qui sont ces donneurs de leçons ?

 A supposer que dans ces affaires d’argent sale et de pédophilie, il  y ait eu quelques lourdeurs bureaucratiques, il n’y avait là que de  bonnes raisons  et , je suis prêt à le concéder,   une certaine naïveté : Jean Paul II était trop désintéressé pour s’occuper d’histoires d’argent,  trop vertueux  pour soupçonner un ami et surtout  prêt à tout pour défendre la  réputation de  ses prêtres et les prérogatives du dieu qu’il représentait.

Rassurez-vous,  je ne vais  pas passer sous silence les dernières années du pontificat. En le voyant sur le point de succomber sous le poids  de la maladie et de la souffrance, certains apôtres de l’estime de soi et de la joie de vivre, ont parlé de fierté mal placée, d’inhumanité, de  masochisme, de mise en danger de la gouvernance de l’église. Franchement, ces accusations sont infâmantes, ce n’est pas parce que Benoit XVI a choisi de démissionner que Jean Paul II a eu tort de  porter sa croix jusqu’au bout. Son amour de la souffrance, sa soumission à la seule volonté divine ont  été exemplaires à force d’être héroïques.

J’oubliais : méconnue du grand public, la dévotion de Jean Paul II envers la vierge  Marie   a été exceptionnelle. Au chapelet qu’il récitait très  souvent, il  a ajouté  de nouveaux mystères.  Et il est allé à Fatima remercier la  madone de lui avoir  sauvé  la vie. Plus que tout autre, ce pape aimait le  peuple,  sa  piété, ses reliques et ses pèlerinages.

Défense et illustration de son trône pontifical, piété mariale, anticommunisme, culte des   saints, protection du clergé,  rejet de la pilule et de la capote, faible estime pour les lois votées par les élus du peuple,  dolorisme, je n’ai qu’à m’incliner. Ce pape était tout à fait catholique.

J’aurais mieux fait de l’écouter ce bon peuple quand sur la place Saint Pierre, le jour des funérailles, il criait : santo subito. Ce qui veut dire : canonisation immédiate !  C’est de l’italien. Dans des temps plus  reculés, on parlait latin et on disait Vox populi, vox dei.

Charles Condamines.

Auteur entre autres  de « L’Eglise catholique au Chili : 1958 - 1976 » (Harmattan 1978) et de « Les chrétiens du Nicaragua » (Karthala, 1981 ), Charles  Condamines  est licencié en théologie  catholique et docteur en sociologie politique.

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