Aujourd'hui, 21 Dèc 2018, nous apprenons que Sa Sainteté a fermement demandé aux prêtres pédophiles de se dénoncer eux mêmes à la justice civile de leur pays. On est tenté d'applaudir. C'est en effet un progrès considérable si on se souvient que saint Paul, un des fondateurs du christianisme interdisait carrément aux premiers chrétiens d'aller régler leurs différents devant "les tribunaux des païens". C'est aussi un progrès si on se souvient que pour le droit canon aujourd'hui encore en vigueur dans l'église catholique, seul un prêtre peut juger un prêtre.
A y regarder de plus près, cependant, cet encouragement de l'auto dénonciation à la justice civile semble plus vertueux qu'efficace. En fait, il est surtout là pour cacher le refus de la dénonciation systématique à cette même justice par ceux qui sont les premiers à être au courant du crime, soit un confrère ou un évêque.
Du point de vue catholique, s'agissant du traitement des cas de pédophilie ecclésiastique, le point crucial est le suivant: dans quel cadre, dans quelles circonstances, le confrère ou l'évêque du coupable ont été mis au courant? Si c'est dans la cadre de la confession, alors c'est le secret le plus absolu qui s'impose à eux. Ils DOIVENT se taire.Et de nombreux commentateurs du droit canonique partagent une conception assez extensive de cette omerta obligatoire: la direction de conscience, l'entretien spirituel voire l'échange de préoccupations pastorales genre comment prêcher, comment faire le catéchisme sont aussi couverts par elle. Et mettez vous un instant, en situation: un prêtre avoue à son évêque ou à un autre prêtre qu'il a commis un crime abominable et son confident ne se pose pas le moindre cas de conscience: est-ce possible?
Tant que le pape ne se prononcera pas clairement sur ce point, ses déclarations contre la pédophilie dans l'église n'impressionneront que ceux qui en sont loin et ignorent ses lois les plus sacrées. Les autres, ceux qui sont encore à l’intérieur pourront toujours lui opposer, en conscience, le secret de la confession.
Sans cette clarification, il sera toujours impossible d'établir la non complicité de l'appareil ecclésiastique avec les prêtres pédophiles. Imagine t on des législateurs soucieux de préciser les limites du secret de la confession avec des questions du genre : l'aveu a t il été spontané ou provoqué? Jusqu'à quel point? Dans quel lieu? Consenti dans la position à genoux, assis, debout, suivi ou non d'une demande de confession..etc.. etc..
Heureusement, la solution est plus simple: en France par exemple, s'agissant de la protection de l'enfance, l'obligation du secret professionnel passe après le devoir de dénonciation de la situation et si possible du coupable. Un médecin découvrant dans son cabinet qu'un mineur est en danger a le devoir d'en informer la justice. S'il ne le fait pas, il risque d'être mis en accusation pour non assistance à mineur en danger.
Allons, très saint père, encore un effort, allez jusqu'au bout ! S'agissant de mineurs en danger, délivrez tous les prêtres, tous les évêques et tous les cardinaux du secret de la confession. Ça! ce serait un scoop et un progrès probablement définitif ! Sinon, votre silence sur ce point décisif continuera de nourrir les soupçons de complicité qui vous collent à la peau.