Monsieur le Ministre,
Dimanche 20 août, la pelouse d’un golf a été détériorée, et son système d’irrigation mis hors service. Vous vous en êtes ému sur X (la plateforme du milliardaire étatsunien Elon Musk, climato-dénialiste notoire), évoquant « violence » et « saccage ». Sur cette même plateforme, deux jours plus tôt, vous déclariez pourtant que face à la canicule (symptôme du réchauffement climatique), « les professionnels sont engagés avec responsabilité » – mais si les professionnels étaient effectivement en train de faire leur possible pour l’atténuation du réchauffement climatique et l’adaptation à ses conséquences, les golfs ne seraient plus irrigués. Passons.
Passons également sur le symbole que représentent les golfs : si le sport n’est aujourd’hui pas formellement réservé à une élite fortunée, il demeure cher et sociologiquement marqué (20% des joueurs font partie des 5% des plus riches du pays). Tant pis d’ailleurs si en France, les 10% plus riches émettent à eux seuls autant de gaz à effet de serre que la moitié du pays. Autant de chiffres qui permettent d’éclairer un peu la colère. Oh, et ne parlons pas non plus du fait que les pelouses, greens compris, sont un non-sens écologique, consommatrices de ressources et nuisibles pour la biodiversité.
Oui, passons sur tout ça, puisqu’il n’est pas question ici de votre incompétence mais de votre hypocrisie. Elle est double.
Vous parlez de saccage, mais arracher un peu d’herbe et un tuyau, ça n’est pas saccager. C’est bien entendu illégal, ça n’est assurément pas pacifique, mais ça n’est pas saccager. Saccager, c’est détruire méthodiquement des écosystèmes pour le profit de quelques-uns, c’est piller nos ressources communes au profit d’un modèle agricole dénoncé de toutes parts, c’est polluer irrémédiablement des terrains et des cours d’eau au mépris des règlementations. Je n’entends pas faire la police du langage (thème cher à la droite et source inépuisable de paniques morales), mais essayons tout de même de conserver un socle de définitions communes afin de pouvoir communiquer sereinement.
Vous déclarez encore : « Il n’y aura jamais de dialogue possible avec ceux qui entendent imposer leur loi par la violence ». Alors que précisément ceux qui méprisent les règles de la République, qui refusent le dialogue et n’hésitent pas à utiliser la violence pour museler toute opposition, ce sont les membres de la FNSEA. La FNSEA qui s’attaque directement aux services de l’État, qui menace de séquestrer des élus, la FNSEA qui agresse, tabasse, harcèle (j’arrête ici l’énumération, la suite est disponible chez Basta !). La FNSEA, pourtant, pour qui les portes de votre ministère sont si grandes ouvertes qu’on ne sait plus s’il faut parler de porosité ou de symbiose. « Ceux qui entendent imposer leur loi par la violence » ? C’est vous, Monsieur le Ministre, vous, le reste de votre Gouvernement et le Président de la République, dont l’usage de la force est inquiétant pour l’État de droit, dont la pratique démocratique repose sur une combination d’effets de manche et de coups de matraque.
Monsieur le Ministre, vous êtes un hypocrite. Mais si vous ne l’étiez pas, vous ne seriez pas ministre de l’Agriculture.