La Norvège connaîtra t elle dans les années à venir la malédiction des pays riches en matières premières, dont l'économie est tributaire de ressources qui viennent à se tarir ?
Pour se prémunir du "syndrome néerlandais", la Norvège, comme tous les pays de l'Opep, s'est dotée d'un fonds souverain, alimenté par les revenus du pétrole. Et pour éviter que le niveau de vie ne s'envole dans le pays, 4% seulement de la valeur du fonds est affectée aux dépenses publiques. Malgré cette précaution, le coût de la vie, le coût du travail et même les prix de l'immobilier restent particulièrement élevés en Norvège par rapport au reste de l'Europe. Ce qui leur pose un problème de compétitivité, objet de virulents débats au moment des dernières élections, et rappelé par l'OCDE dans son dernier rapport sur l'état des finances du pays. Sur les solutions à y apporter, le ministère des finances reste assez vague.
Reste la question des actifs du fonds, investis largement à l'étranger sous forme de participations au capital d'entreprises (jamais au dessus de 5%) et de soutien aux entreprises norvégiennes qui s'exportent. Les gestionnaires du fonds, parmi lesquels la Norsge Bank, défendent leur habile diversification des actifs, qui permet de miser sur la croissance de pays et d'industries d'avenir (les telecom, le secteur maritime notamment le transport, l'agroalimentaire ou les énergies renouvelables) Or pour ses détracteurs, le fonds prête à tout va, en dollars en euros, il est excessivement investi sur les marchés, ne thésaurise pas assez, ce qui le fragilise. Pas de danger en tous cas que le pays soit pris au dépourvu, puisque le fonds a de quoi absorber très largement sa dette.
A priori, la production de pétrole connait déjà ses premiers ralentissements. L'exportation de pétrole en tous cas recule de 9,1% en 2013. La compagnie nationale Statoil revoit à la baisse ses objectifs de production pour 2020. De là à affirmer que l'on se situe déjà au delà du pic pétrolier, il n'y a qu'un pas. Il y a bien le pétrole de l'Arctique, mais le prix du baril pour l'instant ne justifie pas que l'on s'y aventure, et de l'aveu des pétroliers eux mêmes, on ne dispose toujours pas des technologies adéquates. Ce n'est pas faute de miser énormément sur la R&D, et ce depuis 10 ans, pour perfectionner les techniques de forage.
Une hypothétique ruée vers l'Or Noir dans l'Arctique
En attendant cette hypothétique ruée vers l'or noir dans l'Arctique, nombreux sont les pays pétroliers qui font appel à l'expertise des entreprises norvégiennes en la matière : le Brésil le Nigéria le Canada les Etats Unis, et surtout la Russie. Cette dernière, distanciée sur le terrain de la recherche et de la formation à cause du chaos qui y régnait dans les années 90, juge très utile de pouvoir s'appuyer sur son voisin du Nord. Lequel exporte son savoir-faire dans de nombreux domaines : le secteur pétrolier et para pétrolier, mais aussi le domaine du transport maritime et de nombreuses technologies de pointe liées à la mer en général.
Malgré la baisse des exportations d'hydrocarbures, la balance commerciale de la Norvège reste largement excédentaire : 900 Mrds de NOK (112 Mrds d'euros) d'exportation pour 529 Mrds de NOK (66 Mrds d'euros) d'importations en 2013. A terme, le gaz naturel pourrait remplacer le pétrole comme premier produit d'exportation. Pour son électricité en tous cas, la Norvège ne dépend pas de l'import. Elle peut compter sur les énergies marémotrices, les barrages qui émaillent le littoral. A l'inverse de son voisin danois, elle mise très peu sur l'éolien et encore moins sur le nucléaire (la population est contre). Pourtant, elle dispose de substantielles ressources en thorium, un matériau fissile qu'elle destine de ce fait logiquement à l'export.
De son côté, l'industrie pétrolière norvégienne elle même diversifie ses centres d'intérêt. A cause des taxes sur les émissions de carbone par exemple, Statoil développe la capture du Co2. Mais le secteur participe aussi au financement de programmes de recherche sur les sources d'énergie alternatives, aux côtés de l'Etat. Celui-ci investit le terrain de la formation et de la recherche, notamment par le biais du Research council of Norway, et de ses programmes Energix ouClimit qui en appellent à la recherche, aux compagnies privées, aux universités etc. En résulte une multitude de consortium public/privé, industries/université, pétroliers/organismes de R&D/ Etat, qui avancent tous dans la même direction : fournir les solutions pour se passer du pétrole le plus tôt possible.
Structurellement l'économie norvégienne repose sur des niveaux élevés d'exportation des hydrocarbures qui ne sauraient être compensés par l'exportation de ses savoirs et de ses technologies. La Norvège est donc à l'aube de réformes de fonds notamment en fiscalité pour conjurer le sort. Il s'agit de guérir de son économie à deux vitesses. Parmi les relais de croissance figure notamment le transport maritime (propre) à travers les routes du nord et les échanges avec l'Asie qui préfigurent ce que pourraient être une balance commerciale saine, hors hydrocarbures. Ces échanges comptent pour 17,7% des exportations à ce jour. Les norvégiens y exportent du poisson, des produits chimiques, des métaux des machines et du matériel de transport.
Propulsée au rang des pays les plus riches d'Europe grâce aux hydrocarbures, la Norvège songe maintenant à la parade pour assurer la pérennité de son mode de vie malgré l'épuisement des ressources.