1. Un monde en crise
C’est peu dire que notre monde traverse une zone de turbulence extrême : « crise sanitaire »; crise économique et ou financière ; crise énergétique; tensions géopolitiques, avec l’Ukraine, comme théâtre le plus récent et inquiétant, mettant en scène divers impérialistes (les bons et les méchants) ; « crise climatique » ; « crise des démocraties représentatives occidentales», etc,.
L’on serait tenter de croire, à considérer toutes ces crises et tensions, que le système (capitaliste) dysfonctionne, déraille, arrive à bout; que non. Elles témoignent de sa vitalité même, de son dynamisme, de son ampleur, de sa croissance, de son excroissance. Nous sommes, n'est-ce-pas, à l’ère du triomphe du capitalisme mondialisé. Triomphe sans modestie. Sans limites.
Concernant la « crise des démocraties parlementaires », un mot, elle se traduit par la défiance plus qu’évidente envers les institutions et la classe politique. L’on ne vote plus, et quand on le fait, on exprime davantage une exaspération, une colère, une « sentimentalité », plutôt qu’une adhésion à un projet.
Résultat, un peu partout dans la vielle Europe, ce sont des candidats estampillés « hors-système » ou « anti-système » ou « populistes » qui arrivent le plus souvent en tête des scrutins électoraux.
2. Sentimentalités négatives
Donc, il n’y a pas qu’en Afrique, où la « sentimentalité » négative gagne du terrain. Le fameux « ressentiment » (antifrançais), qui relève de cette sentimentalité, sur laquelle les médias français aiment tant gloser, n’est guère une spécificité africaine. Il s'agit d'une sentimentalité globale : c'est la chose au monde la mieux partagée.
Ici en Occident, on peut observer qu’à côté du « ressentiment », lequel guide la plupart des mouvements dits "populistes" ou "d’extrême-droite", il existe une autre sentimentalité négative, mais qui se croit supérieure. Pour cette raison, nommons-là simplement le « sursentiment occidental ». Qu’est-ce que c’est? Le mépris compulsif du non-occidental, au sommet de cette pyramide de mépris : l’Afrique.
Si le ressentiment est le propre de la "victime" réelle ou supposée, esprit de vengeance, de rumination de celui qui estime avoir subit des torts (ex colonisé, le dominé, le gilet jaune, etc,.), le « sursentiment occidental », quant à lui, est la conviction terrifiante que l’Occident décline et qu’il faut empêcher coûte que coûte ce déclin. Or, le déclin de l’Occident, ce n'est pas tant sa tiers-mondisation, mais avant toute chose, la perte progressive de son absolu pouvoir, de raison absolue sur le monde. Rien de fâcheux! Le "sursentiment" est esprit de nostalgie (de sa domination d’antan), accompagné d’une sacrée dose d'égoisme et de foi en sa prétendue toute-puissance naturelle.
Ici en France, lorsqu'on évoque très souvent le "concept" de « grand remplacement », comme si les vaches (étrangers, non-"blancs"...) remplacent les humains (français, "blancs", catholiques), nous sommes là en dehors de toute rationalité. Ce n'est que pure réaction, pure sécrétion de cette sentimentalité négative qu’est le « sursentiment occidentale ».
L’Afrique, baignant dans ses réalités, pour son plus grand malheur, ne fait que suivre cette tendance globale : triomphe des sentimentalités négatives aux dépens de la vérité ou des vérités; triomphe des identités au détriment de la politique.
A toutes fins utiles, nous autres, la définissons comme le processus de mise en commun effective des « Biens » à échelle mondiale ("prolétaires de tous les pays, unissez-vous!"). Autrement dit, la politique concerne, enfin doit concerner, l’espèce humaine dans sa globalité, son unicité. Là est le véritable universalisme. Nous en sommes si loin.
3. Coups d’Etat, mais surtout coups du néant.
C’est dans ce contexte mondial, mi-chaotique mi-obscur, qu’il faut apprécier les derniers coups d’Etat sur le continent africain : Mali, Tchad, Guinée, Burkina Faso, Niger, maintenant Gabon. Sans perdre de vue que, depuis les années 60, ces différents pays ont déjà connu plusieurs coups d’Etat militaires. Un pays comme le Burkina Faso a enregistré pas moins de 7 coups d’Etat, pour un bilan quasi nul. Puisque ce pays demeure classé par l’ONU dans la catégorie des pays les plus pauvres de la planète, comme quatre autres pays suscités. Ces pays, disons-le sans esprit de moquerie, sont des terres d’élection d’ ONG et de la charité internationale. Autrement dit, les Etats en question, depuis les indépendances, restent en incapacité manifeste d'assurer le minimum de droits aux populations.
Les récents coups d’Etat n’ont rien d’exceptionnels. Rien de particulier par rapport aux précédents. Ils ne présentent aucun intérêt réel. Ils s’inscrivent dans une sorte de répétition, de continuité, de mimétisme. Ils se déroulent dans des pays où les millions de femmes et d’hommes sont réduits en bénéficiaires de l’assistance internationale. Quant à ces Etats, ils peinent à remplir leurs missions régaliennes, à assurer aux citoyens les le minimum en matière de droits (éducation, santé, travail, logement..), et ne tiennent plus que via des programmes et injections d’organisations internationales.
Dans ces conditions, face à des populations démunies, désarmées, inorganisées, prêts à tout pour survivre, ces coups d’Etat ont quelque chose de pathétique et ne relèvent que d’un opportunisme, en surfant évidemment sur la misère du plus grand nombre.
Pur opportunisme, car ce sont des personnages de l'ombre, qui n'ont jamais assumé publiquement la moindre idée, la moindre conviction; des individus dont ignore la trajectoire, la pensée, les vues, qui surgissent un bon matin, à la tête des Etats, en tant que président, révolutionnaire, restaurateur et que sais-je.
Les populations ne peuvent qu'alors accepter ces situations de fait, compte tenu de leur inorganisation, leur atomisation, et du désespoir qui se confond désormais là-bas, à l'air qu'on respire. Qu'importe le pouvoir, elles sont réduites au rôle de spectatrices; souvent indignées, parfois enthousiasmées, mais durablement résignées.
Nul pouvoir ne met l'intelligence collective en mouvement, en action. La volonté de ces pouvoirs : surtout, restez chez vous! Enfin, vous pouvez vous amasser dans les rues pour bénir le nouveau pouvoir, maudire l'ancien pouvoir, dire non au néocolonialisme : ça ne mange pas de pain. C'est toujours bon d'avoir quelques captures d'écran de rues pleines pour narguer la "communauté internationale" ...Sinon, pour le reste, le nouveau pouvoir fait la promesse aux populations d'installer "démocratie" et "institutions fortes", voies de canalisation croit-on, à la manière d'un plombier qui répare et installe une nouvelle tuyauterie. Misère !
Derrière ces coups d’Etat, il n'y a aucune pensée. Aucune théorie. Aucun travail collectif. Aucune vision. Aucune réflexion sur l'Etat dont on vient pourtant de saisir en prétextant de la mauvaise santé des institutions. Aucun slogan qui indique où on va et surtout ce qu'on veut si ce n'est le répétitif et insignifiant "France, dégage!" Et après? Coup d’épée dans le désert!
Départageons nous néanmoins d'un cliché tenace: il n’est pas vrai que les coups d’Etat (en soi) retardent le développement de l’Afrique ou d’un pays. Seulement, les coups d’Etat qui rythment le paysage politique en Afrique depuis les années 1960, les conditions dans lesquelles ils se réalisent, les discours qui les accompagnent, indiquent plutôt qu’ils sont l'expression d’un néant (politique) et d’une évidente faiblesse. Ils sont un symptôme et rien d’autres. Ces coups d'Etats, n'ayant véritablement jamais "impacté" les Etats concernés, sont d'une étonnante mollesse.
Le mot qui caractérise précisément les derniers coups d’Etat en Afrique, c’est faiblesse.
Faiblesse idéologique (Non à la France! Vive Wagner! Non à la famille Bongo! Vive le général biberonné par la famille Bongo ou l’ex ministre biberonné par Bongo! Macron dégage! Oui à la Russie!…), faiblesse physique (Bongo fils malade; Etat déliquescent, etc;), faiblesse stratégique, faiblesse militaire (l'incurie de ces armées n'étant plus à prouver)…
Prenons le coup d’Etat au Gabon. Il aura donc fallu attendre un Bongo fils, président de la République, terrassé par un AVC, physiquement diminué, et bien entamé, pour qu’enfin, des militaires, sa garde prétorienne, dirigée par un fils de…, bombent le torse et se souviennent que le pays s’écroule. N’est-ce pas là un coup d’Etat marqué du sceau de la faiblesse?
Je comprends l’exaspération des populations, pour qui, certains noms, certaines figures sont de plus en plus insupportables à digérer. Cependant, si c’est à ce vil prix (ces coups d'Etat sans consistance) qu’on compte se débarrasser du mal qui maintient le plus grand nombre dans la misère, en réalité, nous ne nous débarrasserons que des ombres, des images, des personnages et pas du mal véritable.
Par ailleurs, on peut légitimement se demander si, derrière cette triste inclinaison de certains «africains» pour ces coups d’Etat militaires, derrière la croyance que les militaires vont sortir leurs pays du marasme, il n'y a pas, au fond, un peu de de gaullisme. S'il n'y a pas un peu de refoulé, une honte secrète d'admirer ce grand manipulateur ayant pétri l'Afrique. L'on crie alors pour mieux distraire la foule, pour mieux exorciser sa honte : France, dégage! C’est bel et bien avec cette figure du Général, du Général président, que les relations entre la France et certains Etats Africains ont pris forme.
Ironique, n’est-ce pas?
La vérité est que les armées en Afrique sont là pour tenir les masses à bonne distance du pouvoir, à bonne distance de la gestion des affaires de l'Etat. Lorsqu’elles ne prennent pas le pouvoir, elles s’illustrent en défenseurs acharnés et zélés des dirigeants établis. Que de conflits post-électoraux en Afrique où des civils ont perdu la vie face à des armées acquises à la cause du président en exercice! Et lorsqu'un militaire et sa clique finissent par arriver au pouvoir : ils paradent dans les palais dorés, fin de l’histoire.
Certes, aujourd'hui, il suffit qu'un militaire se montre querelleur à l'endroit d'un dirigeant français ou occidental, il suffit de prononcer le mot "souveraineté", " Franc CFA"; il suffit de "bavarder" au sommet, dans les sommets, et là, on est certain de plaire à une certaine opinion africaine, de plus en plus importante. Gare à cet enthousiasme débonnaire à l'égard de ces gens coiffés du seul épithète: "panafricain".
3. L’adhésion populaire
Les coups d’Etat militaires à l’ère des réseaux sociaux ont-ils vocation à être tous des coups d’Etats légitimes, puisque soutenus par les populations? Il est évident qu’au Mali, au Burkina, en Guinée, au Niger, et même au Gabon, nous avons vu des populations acclamer et soutenir, non pas le mystérieux ordre constitutionnel, mais d'illuminés militaires parachutés à la tête de ce qui tient lieu d’Etat. Soit.
Ceci devrait commander une autre attitude que celle de la « communauté internationale », de la CEDEAO, de l’UA…: « Nous condamnons, nous exigeons le retour à l’ordre constitutionnel… ». Ce type de langage/posture relève d’une appréciation des évènements déconnectée du terrain. Il ne nous revient pas, à nous autres, acteurs externes de faire l'histoire en lieu et place des populations de ces pays.
Il revient à chaque « peuple », non à un groupe de chefs d’Etat, à des puissances étrangères, d’écrire son histoire, de tracer son chemin, de lutter. Une fois engagé dans le combat, le « peuple » peut lamentablement se tromper de « coup », de cible, d’adversaire, de stratégie. Il lui restera, s'il veut avancer, de tirer les leçons de ses erreurs, de ses fautes. Il devra également assumer, lui-même, le poids des défaites, l’état dans lequel il se trouve. Il devra tout simplement assumer son histoire. Car, l'indépendance réelle commence par l'identification de ses propres erreurs, faiblesses et forces et non dans la dénonciation (même véridique) de l'autre.
Par conséquent, nul ne saurait dicter de l’extérieur, à quel ordre, des populations, privées assez souvent des droits fondamentaux, pourtant garantis par le fameux ordre constitutionnel, doivent se plier.
Toutefois, l’impression ici est que le Mali et compagnie n’aient tiré aucune leçon de leur passé récent cadencé par d'autres coups d'Etat, certes moins grandiloquents. Tout se passe comme si nous étions devant des faits d’une extrême nouveauté. Les présidents, conseil et machin de transition, l’Afrique subsaharienne en a vu de toutes les couleurs. Le seul élément nouveau dans les coups d’Etats actuels est la forte coloration anti-impérialiste, ou plutôt anti-française.
Oui, il s'agit de coloration: quel est cet anti-impérialisme qui dénonce les accords coloniaux avec la France (très bien!) pour pactiser avec Wagner? Sommes-nous plus au fait des contrats qui lient la société paramilitaire russe, Wagner, à certains Etats Africains?Aucunement. Flou total! Dénoncer l'obscure "Françafrique" pour plonger dans une autre relation tout aussi opaque, entre dirigeants, dévoile une vérité assez difficile à admettre au sujet de cette Afrique.
En dépit de ses envolées lyriques anti-impérialistes, "l’Afrique" reste entre les tenailles des puissances de ce monde et ne demande qu'à changer de "tutelle".
Ce qui est indéniable, par contre, est qu'une certaine Afrique, celle des ex colonies françaises, est moins séduite par la vielle Europe, plus spécifiquement par la vielle puissance colonisatrice, la France. Cette Afrique en appelle à d’autres tuteurs, d’autres protecteurs, d’autres « amis » (elle y croit). Elle revendique le droit d'avoir d'autres parents : multi-paternalisme.
N'a t-on pas vu Poutine, dans ses nouveaux habits de père adoptif, assister avec beaucoup de tendresse à la lamentable querelle entre ses deux nouveaux enfants africains que sont le président Macky Sall du Sénégal et le capitaine, président du Burkina Faso, Ibrahim Traore, lors du récent sommet Russie-Afrique, à Sotchi, en juillet 2023?
Une certaine Afrique houspille contre la France parce que « France » : ex puissance colonisatrice ou colonisateur en voie d'affaiblissement, puissance dépassée par les évènements. Mais cette Afrique n’est pas hostile à l’idée même ou la réalité de l’impérialisme, du paternalisme en tant que tels. Comment expliquer sinon la démultiplication de ces sommets après celui de la France-Afrique: USA-Afrique, Chine-Afrique, Japon-Afrique, Turquie-Afrique, Inde-Afrique, Russie-Afrique…
Diversification des partenariats,me diriez-vous! Diversification stratégique!
Sauf que, qu’est-ce que l’Afrique dans chacun de ces sommets? A quoi renvoie exactement le mot "Afrique" dans ces relations bi-multi-latérales " bienveillants"? Qui parle au nom de cette Afrique? L'Afrique n'ayant pas une politique monétaire, économique, industrielle, territoriale, financière, culturelle, sanitaire... commune ; l'Afrique n'est pas un pays; ce n'est pas une institution parlementaire ou décisionnelle. L'Afrique, en tant qu'espace continentale, renferme plusieurs économies extraordinairement disparates. Or, ces sommets, par leur intitulé, donnent le sentiment qu'il existe une unité politique Afrique ou africaine. Ce qui est archi-faux. "Afrique" dans ces sommets signifie donc d'abord objet. Objet de convoitise et non sujet autonome. L'Afrique, en tant que réalité ou unité politique, reste à bâtir. Et pour l’instant, elle tourne en rond: de sommets en sommets. De postures en postures. De coups d’Etat en coups d’Etat. D’élections en élections.
N'en déplaise à certains, je ne vois pas aujourd’hui, en Afrique, de réels élans anti-impérialistes et pour l'émancipation. Les discours qui circulent, y compris chez les "panafricanistes", ne sont que chargés d'une contestation trop pompeuse de la France et de l'Occident, quant aux idées propres et positifs de ce panafricanisme: silence.
L'émancipation plus qu'une contestation est affaire de création, de décision, de proposition, de mots d'ordre, de choix éclairé. La France ne saurait résumer, à elle seule, la réalité criminelle, colonisatrice, impérialiste de notre monde. Il ne suffit pas de durcir le ton contre la France et son passé, en s’accommodant à d’autres puissances; lesquelles ne proposent nullement une autre voie que celle des batailles capitalo-nationalistes.
L’attitude de certains africains à l’égard de la France ne témoigne guère à mes yeux une attitude d’émancipation, mais de désorientation, d'aveu d'impuissance, alors on s'énerve contre "l'ennemi", plutôt contre l'ex puissance qui nous a "aidé ou pillé" (au choix) pas assez, pas vraiment, pas suffisamment, pas du tout, beaucoup....bref, il y a insatisfaction et on ne décolère pas.
A regarder de près, à analyser les choses en profondeur, une certaine « Afrique » fait payer à la France son déclin, son évidente faiblesse actuelle. L’Afrique ne serait-elle nostalgique de la grande France de De Gaulle? Dieu merci, voilà la grande Russie de Poutine !
Adieu le Foccart! Vive le Prigojine!
4. Organiser et former
Ne donnons pas l'impression que nous apportons notre caution à l'état des choses en Afrique aujourd'hui.
Les raisons pour faire des coups d’Etat (d'authentiques) dans bien de pays africains ne manquent pas, tant la misère et le désespoir des populations structurent la plupart des sociétés, et provoquent pour tout esprit sain une révolte déchirante. Rappelons deux chiffres : plus de 60% des pauvres de la planète vivent en Afrique sub-Saharienne. Plus de 60% de la population africaine a moins de 24 ans.
Cependant, l’Etat dans la plupart des pays en Afrique est coupé, séparé de la société réelle et souvent du territoire. Prendre le pouvoir d’Etat, en l’état, n’assure en rien qu’on impactera la vie des millions de gens et qu’on contrôlera de manière effective les ressources; qu’on protégera les frontières. Ceux qui font le coup d’Etat viennent davantage occuper un poste et jouir des avantages que pour régler les problèmes, en commençant par le tout premier : travail d’unification politique via l’organisation et la formation des masses.
C’est une fausse bonne idée que de se lancer dans ou bien de soutenir ce genre d’aventures spectaculaires que sont les coups d’Etat que nous observons depuis les indépendances.
Il ne s’agit pas d’être opposé sous le prétexte de "démocratie" ou de "constitution" ou " d'ordre républicain"…. Le problème en Afrique, au-delà des misères quotidiennes auxquelles les populations sont confrontées, est bien celui de la politique, de l'unification politique, qu'il faut distinguer aussi bien de l'uniformité que de l'unanimisme.
Celle-ci commence par un réel travail d’organisation et formation ou d’éducation des masses. Sans unification politique à échelle de chaque pays (question de méthode plus qu’affaire de nationalisme), nombre de pays africains resteront livrés d'abord à leurs propres démons, ensuite aux démons des puissances étrangères, pour qui, un tel continent, un tel espace, dépourvu de la moindre structuration interne, de la moindre unité politique, est un espace privilégié et éternel de pillage. Espace à la merci de n’importe quel aventurier, n’importe quel capitaliste !
Ce travail politique nécessite l’investissement des intellectuels au coeur des masses, donc au sein de la jeunesse: travail d’enquête, travail idéologique, travail d’expérimentation…Travail éloigné, à court terme ou moyen terme, de la question de la prise du pouvoir d’Etat et donc de toute littérature éculée sur la « démocratie » machin truc et de la pratique des coups d’Etat. Travail éloigné du spectacle qui consiste, pour une certaine élite africaine, à rebondir, à s’indigner, à commenter à longueur de temps les opinions, préjugés, déclarations fantaisistes, minables ou que sais-je des Sarkozy, Hollande, Macron…sur l’Afrique.
Comme si les africains étaient en droit d’attendre des déclarations de dirigeants de puissances étrangères qui les satisfassent. Comme si cela n'était pas dans l'ordre des choses. Cette manie, de tergiverser sur la moindre déclaration française au sujet de l'Afrique en Afrique, relève d’un certain infantilisme.
Avant de songer à prendre un pouvoir, par la force ou par les urnes, Il faut bien interroger sa réelle valeur, le contexte et réfléchir aux conditions d’avènement d’un Etat digne de ce nom.
Il faut bien songer, avant d’implanter la fameuse « démocratie », à éclairer les citoyens, à s’éclairer soi-même. Il ne saurait y avoir de « pouvoir (du peuple) » sans « savoirs » au sein du peuple. Quant à ces militaires obnubilés par le pouvoir, qui finissent par le prendre par "force", en vérité, par voie de faiblesse, ils apparaissent à mes yeux comme de simples mercenaires.
Charles Cédric Tsimi
Ecrivain
Il n'y a pas de Noirs en Afrique, 2023, ed JC Lattès.