C’est devenu un rituel. À chaque élection désormais, le chœur républicain entonne en canon :
Le RN est misogyne
Le RN est raciste
Le RN est antisémite
Le RN est xénophobe
Le RN est antirépublicain
Le RN est anti-démocratique
Le RN est anti-écolo
Le RN est anti-social
Le RN c’est Pétain
Le RN est fasciste
Le RN est nazi
Le RN est un danger.
Pause sur le refrain.
Allons sur le terrain. En terre française, patrie des droits de l’Homme et du Citoyen, le Rassemblement National n’est pas interdit. Paradoxe équivalent à une déchéance morale.
Or, si les critiques sur le RN portent une once de sincérité, de sérieux, qu’on l’interdise. À défaut, le chœur républicain est sans cœur et sans mémoire.
Que l’électeur vote alors en son âme et conscience ! Et que les supers citoyens nous épargnent leur conseil…s’ils veulent revenir à un système censitaire, qu’ils le disent!
Le RN n’a jamais été au pouvoir. D’où vient-il que notre attention se porte avec une rare intensité sur ce qui n’est pas, plutôt que sur ce qui est.
Ce qui est : le bilan des gouvernements précédents et la trajectoire antisociale ; les lois scélérates actuellement en vigueur mises en place aussi bien par la gauche ( y compris Mitterand) que la droite contenues par exemple dans le CESEDA; les discriminations au sein de notre société ne sont pas le fait des citoyens ordinaires mais de ceux qui sont au pouvoir ; la géographie humaine de nos quartiers traduction d’une véritable inégalité et injustice : on ne le doit pas au RN; le marché du travail aujourd’hui, binationalite ou pas,est traversé par des logiques souvent floues, discriminatoires, et parfois savamment justifiées et entretenues, etc.
Que les belles âmes s’émeuvent des déclarations d’un jeune homme fort insignifiant et nullement original (Bardella), alors que la réalité est malheureusement plus proche de ses déclarations que de leur pudeur de gazelle , est pure distraction.
Faisons donc un tour dans les rédactions, les administrations, le CAC 40…Et on verra, si on ne peut pas affirmer, qu’il existe d’ores et déjà, une ségrégation, non pas sur le principe de la double nationalité, mais sur d’autres éléments. N’y a t’il pas tant de formulaires où l’administration française nous demande de mentionner, pour x emploi, de préciser « nationalité actuelle » et « nationalité d’origine » : quel intérêt ?
Nous préférons polémiquer avec le RN plutôt que de plonger le nez et les mains dans la réalité, le lourd héritage des gouvernements précédents, qui pèse déjà tant (socialement) et qui fait du mal à des millions de gens.
Considérer le RN comme un danger avenir au lieu de s’attarder sur le danger à l’œuvre : le capitalisme et ses « fondés de pouvoirs ». Il s’agit bien là d’une étourderie. On entretient dans l’esprit des masses que l’enjeu politique actuel est de faire barrage à un parti qui n’a jamais fait voter une loi d’ampleur dans ce pays. L’imaginaire emporte sur le réel. Et selon le mot de Marx, on peut dire que le tragique fait place à la farce.
Voter contre le RN ne suffit pas. On ne saurait apporter sa caution à un système qui le ( à considérer qu’il soit dangereux) rend possible. Si la France conçoit l’existence du RN, qu’elle assume, démocratie oblige, jusqu’au bout une prise de pouvoir de ce parti. Le cas échéant, nous baignons en pleine fraude ou tartuferie électorale.
Quant à nous autres, gens non désabusés, nous nous tenons en dehors de ce cirque électoral. La manière la plus radicale de dire non au RN (qui au fond n’est pas le sujet, car il n’est pas responsable de la situation actuelle ici en France et dans le monde) est de se tenir loin des urnes.
D’une élection à une autre, barrage après barrage, leur RN d’ailleurs ne cesse de croître. Voilà le triste constat. Le vote dans nos « démocraties » relativise le RN et ne saurait le combattre. Car au fond, le citoyen voit depuis bien longtemps une seule et même politique générale à l’œuvre.
Pour se mettre en position de combattre réellement et solidement les réactionnaires et nationalismes de tout poil, le premier acte consiste à oublier les urnes.