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La contestation-populaire est une maladie fortement contagieuse qui a toujours existé, du moins depuis la première création d'une tribu ou société. Les hommes eux même en sont le principal vecteur de transmission, mais il a été toutefois observé que la nature peut à elle seule déclencher un sentiment de révolte.
Toutefois faire un confit avec les moyens dont vous disposez actuellement se révèle être un jeu d'enfant. Essayez d'ailleurs avec vos républiques bananières, c'est en plus très rigolo (non1), avec un petit coté exotique. La conservation reste cependant à désirer, et même stérilisé, le bocal fermé trop longtemps risque de pourrir, voire pire, éclater, et ainsi voir l'ordre dominant dominé en péril voire renversé. Attention donc à la cuisson, et veiller à bien sceller le bouchon.
Note : Cette recette est valable pour un pays « riche ». Pour un pays « pauvre », se référer à la note en annexe 1
Note 2 : Cette recette ne concerne ni la Suède2, ni les Pays-Bas. Ces pays sont privés de confit
Pré-requis :
un ensemble d'Homme dominé
un risque palpable pour les dominants
une foi inébranlable en la science
un organisme de santé international et réputé3
une technocratie au système d'information pyramidale (annexe 2)
Ingrédients :
un danger imminent pour une population donnée
beaucoup d'informations, si possible contradictoire
un système de communication rapide, accessible aux dominés
une réserve de nourriture suffisante pour éviter une révolte avant cuisson
une police d'État, des drones, une paire de baguette (chinoise)
Vous avez tout ? Allez on y va!
Commençons par faire revenir des oignons. Un pays, plus ou moins lointain, a découvert une nouvelle maladie infectieuse. Elle traînait depuis quelques années déjà mais ils en sont aujourd'hui très inquiets. S'étant prit un coup de baguette chinoise sur les doigts lors de leurs dernières épidémies (grippe asiatique, grippe de Hong Kong, place Tian an Men, SARS-1, SARS-36, MERS-99, ..), ils font cette fois entrer en jeu, le plus vite possible, l'organisme de santé international et réputé. Mais pas trop quand même, hein.
Là c'est à vous, prenez votre ensemble d'Humain, hommes, femmes, enfants, vieillards.
Mettez tout ça à bouillir.
Nous nous occuperons des sans domiciles et sans papiers plus tard. Plus tard, vous savez faire. Fort de son indépendance, de son image de gardien de la santé, du serment d’Hippocrate, emboîtez le pas de la dite organisation et entrez dans la danse. Pas trop vite quand même, quelques doutes et réserves sur cette panique seront les bienvenues et apporteront une acidité remarquable. Les informations sur l'épidémie pullulent progressivement, les médias les plus productifs relayant les nouvelles comme des charognards ne distinguant plus le mort du vivant. Ici, sournoisement, vous ferez planer le doute sur un possible risque épidémique. A cette étape, n'hésitez pas à sacrifier des pions (voire : Agnès Buzyn) de votre équipe de dominants.
Salez, poivrez. Oui dès maintenant, et on en rajoutera ! La situation est désormais grave. L'organisme de santé international et réputé somme non pas quelques pays, mais le monde entier, de se confiner.
Vous, à ce stade, êtes détesté : vous avez trop attendu. C'est bien. Pour ajouter un peu d'originalité, il est même possible de faire durer un peu la phase précédant le confinement. Pour cela, libre cours à votre imagination. Silence radio, « autruche », sortie au théâtre, orgie mondaine, élections municipales.. Les épices abondent et sont variées.
Vous y êtes ? Bien, votre peuple dominé est maintenant en proie à la peur, à une anxiété généralisée due à une abondance d'information, abondance quantitative rassurez-vous. Peut-être aussi, simplement, qu'il n'a pas la capacité de raisonner sérieusement sur un tel sujet -normal me direz-vous, n'y comprenant vous-même rien-, auquel cas vous pourrez aussi faire de la confiture. Là, assurez-vous d'avoir vos ordonnances en ordre, le moment fourchette entre l'orgasme de la peur et sa retombée frustrée est court. C'est là tout l'art de l'état d’exception. Pas trop vite, pas trop doucement. Si votre population est éduquée, assurez-vous que le top départ du confinement soit brutal : il doit être vécu comme un choc. Aussi, si votre système de soins est en mauvais état (voir : recette budgétaire d'austérité d'un système de santé médiocre), cette étape en sera facilitée. En effet, votre corps médical, littéralement éborgné, fatigué de vaines luttes futiles appellera de lui-même à ce que les gens restent chez eux.
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Lorsque la cocotte siffle, les oignons sont bons. Attendez quelques jours puis imposez un confinement.
Une image valant mille mots, les graphiques d'experts épidémiologiques experts en Excel (annexe 3) vous seront utiles. Vous pouvez tout de même faire un long discours, et pourquoi pas insinuer subtilement que nous sommes en guerre. La guerre, même non vécue directement par une majorité de votre population, réveillera en eux un instinct de survie propice à votre propagande. Cette recette est nécessaire ! Bref, votre confit est proche, la stérilisation peut commencer.
N'oubliez pas d'assortir la cuisson de mesure coercitive, allant toujours plus loin vers l'imaginaire des ingénieurs du bien être et de la sécurité. Quand certains feront le choix d'impliquer l'armée dès le début du confit, certes couillu mais risqué quant à la stérilisation future, nous préconisons pour notre part la simple utilisation de la police nationale, ainsi que l'introduction opportune d'outils technologiques divers et variés. Après tout, vous-même êtes dominés par le système marchand. Les drones, auxquels hier les enfants jouaient en toute innocence, seront les yeux de votre police. Une partie de la population, privée d'actes gratifiants nécessaires à leur survie, et souvent privée d'imaginaire salvateur assura une partie du rôle de cette même police, elle en sera la voix.
Salez, poivrez. Mettez du piment dans les cités ! #ViolencePolice
Eviter d'avoir un stock de masque ce qui serait trop rassurant. La peur. La peur. La peur !
Où en étiez-vous ? Bien, les ordonnances sont passées. Arrêter la cuisson maintenant serait fou, le train pourrait dérailler. Restons concentré. Concentré et serein, car au point où vous en êtes, jongler entre les experts n'est plus une option, mais une obligation. Il faut sauver la farce. Vous êtes détesté, mais il vous faudra un minimum de crédibilité pour la stérilisation. Etape cruciale, vous vous en référerez ici à l'organisme de santé international et réputé. « L'ouverture et la distribution du confit sera lent et progressif » est une accroche banale mais efficace. Il est bon de rappeler ici que l'accès à la nature, à tout espace vert, doit aussi être interdit, ce toute la durée de la cuisson. Bon appétit !
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« Bruno, Geoffrey, à table ! »
Annexe 1
Si vous dominez un pays pauvre, il est conseillé d'employer la violence et ce dès le début du confit.
Vous veillerez aussi à servir des rations convenables, en gardant en tête que vous ne pourrez pas nourrir tout le monde. Oubliez bien sûr les drones (ou commencez par installer la 3G).
Certains trouveront ce confit fade mais n'en faites rien, allez jusqu'au bout du goût4, pour l'amour du goût !
Questions fréquemment posées aux pays riches par les dominants de pays pauvres :
« Je vends des minerais rares utiles aux pays riches mais j'ai oublié d'installer l'eau courante, que faire Chef ? »
« En fait je n'ai pas vraiment de contrôle sur la température de mon pays, et les commis n'écoutent rien ! Qui appeler à Paris/Bruxelles/Washington/Pékin/Moscou ? » (rayer la mention inutile)
« On vous a déjà acheté des armes ce mois-ci, doit-on aussi acheter des masques ? »
« Nous n'avons pas de maison, le confit est-il réalisable en extérieur ? Peut-on venir chez vous ?»
« Allez-vous tester des variantes de confits5 chez nous ? Peut-on refuser ? »
« J'habite en Argentine, nostalgique de Perón, puis-je faire comme dans les années 70? »
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Annexe 2
La démocratie est un mot dangereux, car on l'utilise sans préciser le contenu sémantique variable qu'il recouvre. Le gouvernement par le peuple. Qu'est-ce que le peuple ? Est-ce l'ensemble des hommes qui habitent un même pays ? Est-ce le plus grand nombre ? L'ensemble des individus gouvernés par une oligarchie ? La partie la moins aisée, la partie la moins instruite d'une nation, et la moins instruite de quoi ? Admettons que ce soit un peu tout cela à la fois, mais surtout le gouvernement par le plus grand nombre se dégageant des oligarchies. Il serait bien étonnant que les oligarchies gouvernent pour le peuple et non pour leur bien-être personnel d'abord. Mais quand bien même elles le feraient, c'est justement ce gouvernement, même pour son bien, que le peuple refuse aujourd'hui.
[..] Mais puisque l'information est nécessaire à l'action efficace, comment le peuple peut-il agir puisqu'il est ou bien non informé, ou plus gravement encore, informé de façon unidimensionnelle, orientée de manière à maintenir les structures hiérarchiques et de domination, cela aussi bien en régimes capitalistes que socialistes existant. Tant que les informations seront entre les mains de quelques-un, que leur diffusion se fera de haut en bas, après filtrage, et qu'elles seront reçu à travers la grille imposée par ceux qui ne désirent pas, pour la satisfaction de leur dominance, que cette grille soit contestée ou qu'elle se transforme, la démocratie est un vain mot, la fausse monnaie du socialisme.
[..] Si la finalité de l'espèce humaine demeure le travail productif d'objet de consommation, on peut affirmer qu'après la domination des hiérarchies fondées sur la possession du capital, à laquelle a succédé ici ou là, la domination des hiérarchies bureaucratiques, organisant la production et gardienne des structures sociales, apparaîtra une domination technocratique, fondée sur le degré d'abstraction des connaissances professionnelles. Hiérarchies pour hiérarchies, tout ne sera toujours que hiérarchies, le seul changement provenant de la part progressivement croissante de l'information spécialisée prise dans leur établissement.
[..] Après ce que nous venons d’écrire il apparaît, semble il, nécessaire de séparer le pouvoir politique du pouvoir professionnel.
Henri Laborit, La Nouvelle grille (1986)
Le concept de technocratie est né aux Etats-Unis, dans les années 1930, au sein du Mouvement technocratique, auquel se rallièrent de nombreux ingénieurs. Cependant, du point de vue de l'histoire des idées, il s'inscrit dans un courant qui se manifeste déjà au XIXe s. dans les doctrines de Taylor (Taylorisme) ou de Claude Henri de Saint-Simon et même au début du XVIIe s. dans la pensée de Francis Bacon, voire antérieurement. L'intention des adeptes de la technocratie était d'éliminer la politique et le système de marché pour s'en remettre aux compétences des experts. Cette vision, prônée par des gens qui avaient foi dans le progrès, se heurta à de violentes réactions.
Morandi, Pietro: "Technocratie", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 14.08.2012, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/044246/2012-08-14/, consulté le 19.04.2020.
Annexe 3
Le 25 mars dernier, « l'avocat pénaliste au barreau de Paris Raphaël Kempf pointe les atteintes aux libertés à l’œuvre dans "l’état d’urgence sanitaire" qui entre en vigueur ce mardi pour freiner l’épidémie. Il appelle les citoyens à la vigilance afin que l'on "ne se réveille pas de cette période de confinement avec une grosse gueule de bois". »6
[1]http://www.freepawol.com/articles/la-banane-subventionnee-et-le-cancer-antillais
[3]https://www.7sur7.be/monde/le-manque-d-independance-de-l-oms-critique~a85a6cfd/