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Billet de blog 6 mars 2014

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Apprendre ou comprendre ?

Je vois, j'entends, de loin en loin, une de ces remarques qui me vient souvent à la bouche : "je comprends". En réfléchissant bien, est-ce que je comprends VRAIMENT ? Il est fort probable que non. Il est possible que je saisisse quelques bribes de ce que "l'autre", la personne avec qui je rentre en communication, essaie d'exprimer. Mais comprendre ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je vois, j'entends, de loin en loin, une de ces remarques qui me vient souvent à la bouche : "je comprends". En réfléchissant bien, est-ce que je comprends VRAIMENT ? Il est fort probable que non. Il est possible que je saisisse quelques bribes de ce que "l'autre", la personne avec qui je rentre en communication, essaie d'exprimer. Mais comprendre ? C'est sans doute être lui, ou elle. Et là, je ne peux pas, je n'ai pas le même chemin de vie, je ne suis pas faite de la même chair, je n'ai pas eu la même éducation, je n'ai pas les mêmes références sociales ou culturelles... Tout juste, avec un peu d'empathie, puis-je tenter de ressentir ses émotions, calibrer les miennes à la mesure des siennes, éprouver ses joies ou ses peines. Mais comprendre ?

La notion "d'apprendre" l'autre me semble plus juste. Apprendre l'autre, pour moi, c'est se décentrer de soi pour ne plus voir que l'autre. Observer les sourires et les larmes, repérer ce qui les fait jaillir. Apprécier les gestes, mêmes infimes, qui parlent, qui soulignent, qui ponctuent les propos. Entendre, au-delà des mots, les intonations de la voix, les nuances qui vont parfois de l'agacement à l'émerveillement. Recueillir les regards qui s'éclairent ou s'assombrissent, offrant une palette d'une infinie richesse. Saisir les dédales de l'autre, ses cheminements, ses angoisses, ses rêves et ses aspirations. Pouvoir enfin, au bout du compte, à force d'attention, m'offrir le luxe de gagner une forme de complicité, qui permet, sans mots, de sentir l'humeur du jour. Apprendre l'autre, c'est mettre mes propres sens en alerte afin qu'ils s'ouvrent à la différence.

Pour autant, en relisant les phrases qui précèdent, je trouve qu’il y a une faille dans mon raisonnement : il suppose que « l’autre », au sens de l’alter égo, soit un tantinet authentique, qu’il ne joue pas les sentiments, amicaux ou autres, et qu’il n’en joue pas. Or, l’arrivée des réseaux sociaux handicape gravement les relations. Dans le dédale affiché des émois balancés sans mesure, ou, pire encore, avec un désir de blesser, on finit toujours par lire de subtiles publications qui n’ont de but que de manipuler la réalité. Les personnes endossent un rôle dans la « vraie vie », qu’ils n’assument pas ou qu’ils amendent dès qu’ils baguenaudent sur la toile. Ils se servent des fils tissés afin « d’informer » dès qu’ils n’ont pas le courage de « dire ». Au-delà de la mesquinerie du procédé, cela pose le problème de la confiance. Comment faire confiance à quelqu’un que vous apprenez au jour le jour, dans sa complexité, dans sa multiplicité, que vous décidez d’accepter sans jugement, et qui vient balayer vos efforts d’une manchette sur Facebook par exemple ? Sachant que vous lirez ? Qui fait de l’outil l’engin de manœuvres incompréhensibles autant que futiles ?

Toutes ces questions du rapport à l’autre, dans la vraie vie, ou sur les réseaux sociaux, ou de leurs interférences, je me les pose à longueur de vie. Et si je me pose des questions, alors je suis accessible, atteignable, vulnérable. Certaines, certains, en profitent. C’est la règle du jeu. Pervers, le jeu. Et quand je dis « je », je ne parle pas de moi. J’ourdis la laine d’une pelote de considérations étonnées.

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