Ce matin, sous mon toit, quarante centimètres de neige obstruaient ma lucarne. Je me suis réveillée dans une nuit qui durera le temps que tiendra la toison de cet hiver précoce. J’ai déplacé toutes mes plantes dans la cuisine, seule pièce à recevoir vraiment la lumière du jour… une cuisine qui devient une serre exotique.
Cours de grammaire. Retrouver les bottes de moto, le chapeau et les gants. Les bottes de moto, c’est l’arme fatale aux glissades et autres couillonnades dues à une chaussée vicieuse.
La ville a changé. Je déambule dans les rues. Les piétons échangent des sourires, des clins d’œil, des informations. Cette situation peu commune crée du lien, nous rappelle que vivre ensemble c’est cesser de s’ignorer. Aux tronches renfrognées, succèdent les visages rougeauds et avenants. Quand la mémé claudique, le gamin lui prend le bras. Une famille se balade, trainant le bébé dans une luge et prenant des photos. Un type promène ses chiens qui s’ébattent libres. Les codes sont chamboulés. Un vent de liberté ? Les bagnoles, rares, ne respectent plus les sens de circulation. Chacun fait ce qu’il veut et peut sous le regard bienveillant des quelques fadas qui ont chaussé leurs crampons. Il y a de la solidarité retrouvée.
Bon, il y a quelques constipés qui râlent. C’est normal, en France, on râle avant de réfléchir. Sainté, ma ville, c’est 1000 kilomètres de petites rues qui serpentent entre 500 et 600 mètres. Les mêmes qui grommellent seront les mêmes qui vitupèreront si la municipalité achète un équipement digne de Chamonix, parce qu’il faudra les payer… sur les impôts.
Je rigole, les délires des plus hargneux colportent des idioties aux coins des rues froides. Il y a quelques années, un ancien élu m’avait raconté qu’il avait été accusé d’avoir emporté les sacs de sel quand il avait quitté son mandat. Et l’ON pensait qu’à cause de sa forfaiture, la ville avait patiné l’hiver suivant. 30 tonnes de sel dans le jardin…
Je glousse. C’est la faute du premier magistrat de la ville ? De Hollande ? Ah ben voui, il a marabouté Saint-Etienne, il a intercédé auprès de Dieu afin que la neige détourne des VRAIS problèmes. Il faudra toujours un coupable, même d’une chute de neige exceptionnelle. Pitoyables médisances. Qui se complaisent dans le sordide, alors que ce pays a tout pour réussir, alors qu’il s’abime dans une morosité coupable.
La ville a changé. Je n’ai pas compris immédiatement ce qui était différent. Et voilà : la ville est silencieuse.