Du latin « Singultus », hoquet, saccade, mais qui a aussi donné le mot « sanglot ».
Et qui n’a rien à voir avec le mot « sang »…
En fouinant dans des dictionnaires, je suis même tombée sur « gloussement », « croassement », « gargouillement ». Un grammairien pourrait confirmer ou infirmer le résultat de mes recherches.
C’est pourtant le néologisme que je propose pour qualifier ce qui ressemble de moins en moins à une démocratie, tant le peuple est oublié dans la gestion de l’état. Je suis naïve, l’état, ça fait des lustres qu’il n’écoute pas ce que dit son pays d’en bas… Depuis quand, d’ailleurs ? Euh ! Depuis toujours, en fait.
Les médias, l’information en continue contribuent largement à l’avènement de cette forme si particulière de gouvernance, avec notre complicité. Je vois bien comment je fonctionne. Étant un tantinet désœuvrée, je me précipite dès l’avènement d’une nouveauté. Et, en fonction de mon humeur, mes tripes, ma cervelle, mon estomac, mon cœur, voire mes crocs prennent le contrôle de mes mots.
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Les élus d’en haut nous regardent quand il s’agit, sur notre temps libre, d’aller glisser un bulletin dans une urne. Entre deux appels à ce devoir civique, nous n’existons plus. Chacun, confortablement calé dans son fauteuil, se brosse la bedaine car la République est bonne. Et ce triste constat est une tautologie ou un truisme, j’en ai peur.
J’ai pensé, dans mon immense ingénuité, que l’internet pouvait être l’outil, sinon de la transparence, du moins de la connivence. Que nenni ! L’internet est l’outil de toutes les batailles stériles où le trop d’idées tue les idées. Où la querelle est la norme, querelle d’ego la plupart du temps, puisque nous croyons tous que notre vue est la seule qui vaille d’être portée et défendue. Querelles que nos singultucrates exploitent avec un art consommé… et consumé.
Comme j’ai l’imagination qui fabrique des histoires en veux-tu en voilà, j’avais caressé l’espoir qu’à l’aide de l’outil fabuleux qu’est le web, nous aurions pu nous organiser et nous entendre pour une révolution douce. Je ne crois pas à la nécessité de la violence, mais ça, c’est mon angélisme. Une révolution des petits papiers.
Ça m’était venu comme ça… À cause du Maestro Riccardo Muti. Et de son « Va pensiero » bissé comme un acte militant et contestataire, lorsque, durant une représentation de Nabucco en présence de Bulot Merluscampi, le public avait inondé l’opéra de petits papiers protestataires. Muti s'insurgeait contre les coupes sombres dans le budget de la Culture.
Les centaines de petits papiers qui volettent dans le monument m’avaient interpelée.
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J’ai eu envie de ma fabriquer ma propre révolution, silencieuse. Parce que hurler dans un monde assourdissant ne sert pas à grand-chose. Évidemment, il ne s’agissait pas de déverser de la haine, ni de dégueuler… Il s’agissait juste de déposer une protestation ou une idée, en quelques mots. Juste quelques mots. L’idéal ? Des centaines, des milliers de propositions percutantes, une boîte à idées nouvelles…
Et le rêve ? Chaque fois qu’une personnalité politique se trouve dans un lieu public, que les citoyens qui le croisent lui donnent, lui lancent, lui déposent les petits papiers… Sans hargne, sans agressivité, sans méchanceté. Et qu’un jour, ces petits papiers jonchent les rues… L’internet pouvait être un formidable outil pour organiser ce type de manifestation, que je me suis dit dans la petite tête de piaf. Mais l’internet EST l’outil de l’assourdissement, l’arme de la singultucratie.
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Et comme on est en singultucratie, ce n’est pas possible, parce qu’à peine organisée, ma petite révolution, elle serait avalée par les soubresauts de l’anecdote, les sanglots des pleureuses humanistes, le hoquet de l’évènement.