J'ai des choses à vous dire.
Aux vieux potes, aux connaissances de loin, les pas assez inquiets, les qui croient sincèrement que le RN n'est pas aussi dangereux que ce qu'on dit, les qui n'arrivent pas à comprendre les comparaisons avec les différents fascismes du 20e siècle.
En France, nous avons tous autour de nous des descendants d'immigrés italiens et espagnols. Parfois, ils sont arrivés pour des raisons économiques, parfois pour fuir la répression, parfois les deux. Parfois les raisons économiques découlaient directement du fascisme. Et oui, ô surprise, l'extrême droite n'a jamais été le parti des petits gens.
♦ Comment le grand patronat italien a favorisé le fascisme pour mater le mouvement ouvrier.
Nous voulons croire que cette immigration a été bien accueillie, que ces populations nous ressemblaient plus, qu'ils se sont mieux adaptés. C'était presque nos frères, n'est-ce pas ? Avez-vous déjà pris le temps de vous y pencher ?
À Aigues-Mortes, tout près de la Terre qui m'a vu naître et grandir, cette Terre que je chéris tant, le 17 août 1894 la population locale massacre littéralement des ouvriers italiens. Par pur racisme. Les coupables ont tous été acquittés.
♦ Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893
Dans le Sud-Ouest, lorsque la République d'Espagne tombe, des milliers de personnes sont contraintes à l'exil pour fuir la répression franquiste. Les avons-nous accueillis avec dignité, ces frères de si près qui nous ressemblent ? Avons-nous compris leur détresse de devoir tout quitter pour protéger leurs enfants ? Non. Les familles sont séparées, les femmes et les enfants sont entassés dans des hébergements aux conditions de vie variables, les hommes sont parqués dans des camps d'internement. Vous avez bien lu, des camps d'internement, que les autorités de l'époque nomment elles-mêmes "camps de concentration".
♦ Dessin animé historique sur l'accueil des réfugiés espagnols en France : Josep.
Aussi, à ceux qui refusent de voir le risque antisémite sous-jacent, qui pensent sincèrement que l'extrême droite française a changé son fusil d'épaule, ceux qui ne voient pas qu'en trame de fond, il y aura toujours la haine du juif. Connaissez-vous l'histoire du parti fasciste italien ? Saviez-vous qu'au début il accueillait des juifs en son sein ? Qui ont cru ainsi se protéger. Qu'en a-t-il été de ces gens ?
En 1938, Mussolini promulgue les lois raciales antijuives, les qualifiant d'ennemis irréconciliables.
♦ Les juifs sous le fascisme italien.
Et aujourd'hui ? L'extrême droite regarde-t-elle son héritage avec honnêteté ? On dit qu'elle a changé, alors fait-elle son mea culpa de tous les vices qui l'ont constituée ? Jamais. Elle révise cette Histoire, encore et encore. Le Franquisme n'a massacré personne, Mussolini aurait fait la grandeur de l'Italie...
♦ Comment l'extrême droite révise l'histoire du franquisme.
♦ L'Italie a-t-elle perdu la mémoire ?
« Il [Franco] est un possédé, possédé par ce don de régner, et jusqu'à sa fin, l'ambition de régner a dominé en lui de sorte qu'il a ne veut jamais permettre à la mort de la lui disputer […] Ce mépris pour tout et tous, qu'il ne se donne que rarement le mal de cacher (sauf dans le domaine religieux, et encore, même là, sans trop se fatiguer), provient du fait qu'il n'est animé que par une idée : Franco ne sert que Franco. Les théories politiques et les idéologies le laissent indifférent. Il soutient Hitler, parce qu'alors toute la puissance provient de Hitler. […] Quand il doit passer dans le camp américain, il jette ses discours antidémocratiques à la corbeille. Franco ne soutient jamais une idée désintéressée, qu'elle vienne de la logique, de la raison, de l'orgueil, de l'amour du prochain ou du sens du droit ; toute interprétation de ses actes qui admet comme explication la religion doit être erronée. Franco ne croit jamais qu'en Franco. »
— Salvador de Madariaga, España. Ensayo de historia contemporánea, Madrid, Espasa-Calpe, 1979 (éd. orig. 1931), 637 p. (ISBN 978-8423949526) p. 449 sq
Je vous le demande de bonne foi : croyez-vous sincèrement que quelque chose a changé ? Comment ne pas voir l'Histoire qui se répète ?
À ceux qui aiment leur pays, qui en souhaitent une forme de grandeur, à ceux qui se croient guidés par une forme de patriotisme, de rejet des élites mondialisées, qui n'en ont que faire de notre culture et de nos traditions.
Avez-vous seulement la certitude que l'extrême droite en a quelque chose à faire de notre culture et de nos traditions ?
De quelle culture et de quelles traditions parle-t-on ?
La France n'a jamais rayonné pour autre chose que pour les Lumières, pour la Révolution, notre pays est celui qui a fait tomber son Roi. La France ne rayonne que si son Peuple est libre. Notre époque ne nous promet plus de faire tomber son Roi, mais d'en choisir un autre, bien pire.
Ces dernières années, le Monde nous regarde de travers. Répression des mouvements sociaux, violences policières, recul de la liberté d'expression... Rien qui ne prête à la fierté.
♦ La France a une réputation à perdre.
À celles et ceux, en ruralité, en territoire enclavé, qui se sentent méprisés par la politique parisiano-centrée, vous qui ne pouvez plus écouter les discours faussement bienveillants des bourgeois, des intellectuels, des journalistes trop loin de vos réalités.
Ne vous laissez pas berner.
Regardez autour de vous, regardez dans votre quotidien : est-ce vraiment l'Islam qui nous appauvrit ? Est-ce vraiment les LGBT qui suppriment nos services publics ? Est-ce vraiment le wokisme ou autre gauchisme qui sont responsables de la fermeture de nos bureaux de poste, nos transports en commun ? Avez-vous vraiment l'impression que nos luttes participent aux déserts médicaux ? À l'effondrement de l'éducation nationale ? Ne voyez-vous pas à quel point il s'agit d'un épouvantail médiatique pour détourner notre attention des véritables problèmes sociaux ?
La vie de ces autres que vous regardez avec méfiance, que change-t-elle à la vôtre ?
Pensez-vous avec sincérité que rendre leurs conditions de vie plus défavorables va les faire cesser d'exister ? Les mettre sous le tapis va-t-il vraiment améliorer les vôtres, de conditions de vie ? Pouvez-vous de bonne foi croire que l'ostracisation va améliorer d'un iota votre sécurité ?
Regardez mieux, depuis leur ascension, qu'ont fait les élus RN ? À part des grands discours ?
Ont-ils voté pour maintenir nos droits ? Ont-ils amélioré la vie de leurs concitoyens dans les mairies qu'ils dirigent ?
♦ RN en zone rurale : « Le fonctionnement du parti est toujours élitiste, vertical et parisien »
À ceux qui disent "non mais toi c'est différent", ceux qui sont capables d'avoir de l'affection pour l'arabe ou le pd avec lequel ils ont grandi, êtes-vous suffisamment naïfs pour croire que la politique fait du cas par cas ? Ou suffisamment cyniques pour sacrifier quelqu'un que vous aimez sur l'autel de vos idées ?
À celleux qui acceptent d'être l'exception, l'ami.e à qui on fait des blagues racistes ou homophobes, quelle protection pensez-vous que celleux qui vous tolèrent vous apporteront lorsque la violence envers nos communautés sera encouragée ?
♦ Comment Moscou encourage les violences envers les homosexuels.
♦ L'ultradroite violente, un fantasme ?
Aux copain.e.s de luttes, aux anarchistes convaincu.e.s, aux gauchistes radicaux, celleux qui fustigent les trop mous, les trop libéraux, les bourgeois et les traîtres.
Seriez-vous né.e.s militant.e.s ? N'avez-vous pas gravi les marches une à une ? Êtes-vous pourvu.e.s d'un cerveau incroyable ayant deviné chaque terme, chaque théorie, sans l'aide de rien ni personne ?
Trouvez-vous efficace nos méthodes ? Celles qui consistent à refuser la pédagogie, car ça n'est pas notre travail ? Celles qui consistent à fustiger celleux qui n'ont pas encore franchi le cap de notre radicalité, alors que la quasi intégralité du monde médiatique est contre nous ? Celles qui consistent à ne jamais adapter notre langage, nos discours, tant nous sommes sûr.e.s de porter la vérité absolue ? Combien d'entre nous sommes aussi des bourgeois.e.s, bien qu'ayant choisi la cause commune ? Ne souffrez-vous réellement d'aucune compromission, parmi vos proches, dans votre travail, dans chacun de vos gestes dans la vie quotidienne ?
♦ Militants : pourquoi tout le monde nous déteste ?
À mes ami.e.s, aux régionalistes, aux autonomistes et aux indépendantistes, à nous qui souffrons aussi en quelque sorte de la minorisation. Regardons nous en face : pouvons-nous sans honte continuer de croire que nous subissons autant ? Pouvons-nous sans honte continuer de mettre un signe équivalent, quand il n'est jamais question de nous voir refuser un travail ou un logement en raison de nos origines géographiques ? Pouvons-nous sans honte accepter de copiner avec ceux qui font de notre identité un motif de racisme, de repli sur soi, d'exclusion de l'autre ?
Pourrons-nous nous regarder en face si nous ne luttons pas contre le fascisme, sous prétexte de notre peur des centralistes, des jacobins, des assimilateurs ?
Combien de temps nos cultures résisteront sous le joug de ceux qui nous retirent chacune de nos libertés ? De ceux qui légitiment les violences, les attaques, de ceux qui autorisent moralement les pires instincts ?
♦ Les violences d'extrême droite en Bretagne actuellement.
Enfin, aux modéré.e.s, celleux qui ont peur des extrêmes, qui trouvent que l'on crie trop fort, que l'on va trop loin, celleux qui se sentent menacé.e.s par nos revendications de justice, d'équité et de paix. Êtes-vous tellement convaincu.e.s qu'il n'y aucun autre avenir possible ? Au point de ne souhaiter que votre survie personnelle, votre ascension, votre bien-être ? Est-ce votre seule vision du bonheur ? Une existence enfermée dans votre tour d'Ivoire, les yeux cachés de la misère des autres, les oreilles bouchées aux conditions de vie de celleux sans qui rien n'est possible ?
À quel point vous pensez vous plus méritant.e.s, plus grand.e.s, presque élu.e.s, pour croire qu'il est juste de bâtir votre confort sur l'exploitation des moins bien loti.e.s par la naissance ?
Bien sûr, vous ne souhaitez pas renoncer à l'intégralité de vos droits sociaux, bien sûr vous tenez une certaine moralité empreinte d'une charité toute bienveillante, prête à laisser quelques miettes mais jamais à redistribuer les cartes.
Une certaine gauche, oui, présentable, libérale, une qui ne fait pas si peur à la grande bourgeoisie. Cette gauche qui a tué l'espoir, qui a trahi, cette gauche qui a mené Macron au pouvoir et toutes les catastrophes qui en ont découlé. Cette gauche si forte pour les discours mais jamais pour les actes, cette gauche qui nous a endormi derrière quelques réformes sociétales faciles pour mieux retirer les droits sociaux acquis à la sueur des luttes de nos anciens.
Combien de temps cette gauche mettra-t-elle pour nous trahir de nouveau ?
♦ Comment le P.S. a tué la gauche.
♦ Glucksmann est-il sincère ? (Rappel : Il a voté CONTRE la reconnaissance des actes de guerres israéliens au Parlement européen - même s'il fait son beurre sur instagram sur son soi-disant engagement pour la paix -).
♦ Un autre Macron est possible (Rappel : Valérie Hayer considère qu'il a tout à fait sa place dans la Macronie).
Et puis, être de gauche, c'est être pour le commun, n'est-ce pas ?
Êtes-vous prêt.e.s à risquer le commun par peur d'une soi-disant radicalité ?
♦ Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise méritent-ils tant de haine ?
Maintenant, à nos responsabilités, à tous.tes. L'Histoire nous regarde.