Châtaignier-2

Abonné·e de Mediapart

14 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 décembre 2021

Châtaignier-2

Abonné·e de Mediapart

Révéler ou non les viols et autres abus

Révéler ou non les viols et autres abus confiés par les personnes qui en ont été victimes

Châtaignier-2

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Révéler ou non les viols et autres abus confiés par les personnes qui en ont été victimes

En premier lieu je dirai que la justice nomme une ou plusieurs victimes, un ou plusieurs coupables. C'est le langage de la justice, de la justice qui juge.

Mais en ce qui concerne la société au sens large il me semblerait plus juste... et plus respectueux pour l'intégrité des personnes... de parler de personnes victimes et de personnes coupables... car humaines et en tant que telles, elles ne sont jamais (ou presque jamais) des victimes seulement ou des coupables seulement... c'est du moins ce que je crois.

Ensuite, concernant les personnes victimes de ces agissements, et cela a déjà été souvent dit, il peut y avoir la sidération... qui empêche, entre autres, la personne victime de se défendre... quand du moins cela serait "matériellement" possible. Et puis en parallèle, très très souvent un déni plus ou moins profond, refoulement de ce qui était tellement intolérable que le corps, le cerveau a dû enfouir ce vécu pour ne pas en être détruit... Enfoui jusqu'à quand ? peut-être quelques heures, peut-être quelques jours, peut-être des années, peut-être parfois même toute une vie. Et ce temps est celui de la personne victime de ce "crime", et parvenir à rouvrir tant soit peu les plaies pour pouvoir essayer de les guérir, aura lieu quand cela pourra avoir lieu, si cela peut avoir lieu ! Accompagner cette personne oui, autant qu'il est possible, mais sans brûler les étapes... au risque par la précipitation d'infliger, sans le vouloir, une nouvelle violence.

Et c'est seulement après la sortie du déni (pas avant bien sûr) que, peut-être, la personne victime de ce "crime", odieux, insupportable, dégradant... et j'en passe... pourra peut-être dénoncer celui ou celle qui l'a commis.

Et si la personne victime de ces abus ne le peut pas, ou ne le veut pas... pour quelque raison que ce soit... Que faire ?

Bien évidemment cela est frustrant, pour toutes les personnes qui s'investissent peu ou prou pour défendre, protéger, aider... des personnes victimes de ces abus inqualifiables... frustrant pour les journalistes de Médiapart, pour ceux d'Envoyé Spécial...

Mais c'est pourtant essentiel pour la personne qui a été victime de ces actes... et c'est sa part de responsabilité, sa part d'individualité, son choix à elle de pouvoir décider pour elle-même si oui ou non elle peut dénoncer, si oui ou non, elle veut dénoncer... alors qu'elle n'a été que le jouet de l'autre, alors qu'elle a vécu cette ultime trahison dans son corps, dans son psychisme... dans son intimité.

Si ceux qui ont été à ses côtés avec compétence et bienveillance ne respectaient pas sa décision, alors ce serait une nouvelle trahison, avec la perte de confiance qu'un jour elle pourra jamais être aidée.

L'argument que cela permettrait d'empêcher les personnes qui s'approprient le corps de l'autre impunément de poursuivre leur funeste parcours, je l'entends tout à fait.

Mais néanmoins il est de bon ton aujourd'hui de penser d'abord à l'autre (il y a qq mois il nous était dit -après nous avoir dit que le masque était inutile- que porter un masque n'était utile que pour protéger les autres... Maintenant chacun est encouragé à se faire vacciner avec la notion morale de protéger les autres... et lui-même ou elle-même par la même occasion) et c'est à mon sens aberrant. Non pas que je ne crois pas à la solidarité, bien au contraire, mais elle est le fruit d'une décision personnelle et ne peut être décrété par personne d'autre que soi-même... autrement le mot "solidarité" ne me semble pas approprié.

Nous, animal humain, il est dans notre ADN de commencer par "sauver notre peau". C'était vital dans nos débuts sur cette terre et cela l'est toujours aujourd'hui... Et si nous ne commençons pas par nous occuper de nous-mêmes, si nous ne pouvons pas être en relation avec nous-mêmes, comment pourrions-nous être en relation avec un autre que nous-mêmes ?

Et quand une personne a subi de tels actes, l'atteinte à son intégrité ne pourra bien souvent que la couper plus ou moins partiellement d'elle-même. Et elle a généralement en premier lieu besoin de commencer à reconstruire la part d'elle-même, plus ou moins importante, qui a été altérée.

Et la culpabilité souvent assaille les personnes qui ont subi ces abus terribles. Elles n'ont besoin de personne d'autre pour se sentir déjà plus ou moins coupables... de quoi elles n'en savent souvent rien... la société ayant depuis tellement longtemps porté un jugement coupable sur les personnes victimes de cette sorte d'abus "criminels". Les personnes qui les ont agressées ont souvent cherché également à induire ce sentiment de culpabilité en elles... l'entourage peut encore en avoir rajouté... et malheureusement la police et la justice y ont souvent pris leur part également (les choses sont-elles en train de changer ? cela a l'air et j'espère que cela va encore se renforcer). Et au moins encore pire, parfois quelques professionnels de la santé mentale, prétendant aider, ont pu tomber dans ce travers.

Alors, de grâce, ne chargeons pas ces personnes victimes de tels abus d'un poids supplémentaire. Si en parallèle avec la réparation d'elles-mêmes elles sont en mesure d'agir pour empêcher ceux qui abusent de continuer à nuire, tant mieux... si cela les aide pour elles-mêmes, tant mieux... Mais si elles ne peuvent pas, si elles ne veulent pas, c'est elles qui savent pour elles-mêmes, et c'est bien ainsi... et cela pourra peut-être encore évoluer...

Nous pouvons, même nous devons, quand cela est possible, proposer notre aide à dénoncer ces personnes qui ont commis les abus... mais cela requiert beaucoup de délicatesse et de discernement !

Et nous n'aurons pas pour autant démissionné si la réponse n'est pas celle que nous aurions souhaitée !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.