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Billet de blog 15 mai 2024

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L'ENLEVEMENT

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'ENLEVEMENT

Les prénoms sont des prénoms d'emprunt car aujourd'hui je ne sais rien de l'avenir pour chacune des personnes concernées par cet enlèvement... et pour chacune avec moi ! Mais en l'état je ne souhaiterais pas qu'elles puissent se reconnaître...

J'avais 23 ans, j'étais très isolée de par la volonté de mon mari, père de mon premier bébé Amandine, qui à l'époque des faits avait 21 mois, un bébé à qui j'avais offert le meilleur de moi depuis que je l'avais attendu... très épanoui, éveillé... Bien que le père n'ait qu'un intérêt très relatif pour notre bébé, et encore moins pour sa femme, j'étais une maman comblée...

… jusqu'à l'enlèvement ! Isolée, et sans aucun soutien possible... Et un deuxième bébé,  Robin, était né il y avait juste deux jours quand leur père à tous les deux, en a profité, (avec le soutien appuyé de ma génitrice) pour m'enlever Amandine, l'emmenant dans sa famille, en France, mais j'ignorais où...

Comment, dans une telle détresse, être la maman de Robin, qui pouvait, peut-être lui aussi, m'être enlevé... après cette trahison plus rien n'était désormais impossible. Comment, alors que sans cesse tout mon intérieur était pris par Amandine à qui je n'avais même pas pu dire au revoir, que je ne reverrais peut-être même jamais, aurais-je pu être disponible pour Robin... ? J'ai fait ce que je pouvais, je l'avais aimé lui aussi dès que j'avais eu connaissance de ma grossesse, je l'aimais toujours, mais il était en souffrance bien sûr... de par ma détresse, évidemment... car je ne parvenais plus à être en lien avec lui. (il y a une différence entre aimer... et être en lien. Je l'aimais mais je ne pouvais pas me mettre en lien avec lui... et ce d'autant plus que le choc a empêché que je puisse avoir la moindre montée de lait).

Quand j'ai pu ré-enlever (après bien des questions sur le pour et le contre, car ma petite fille avait sans doute pu se recréer un environnement) Amandine, 8 ou 9 mois plus tard, elle n'a pas pu reconnaître sa maman... qui avait du mal à la reconnaître elle aussi car un enfant change vite à cet âge. Et le lien entre nous ensuite n'arrivait plus à se recréer... deux enlèvements pour elle c'était tellement trop !

Là encore j'ai fait ce que je pouvais pour au moins les soins minimum... mais de ne plus pouvoir justement être une maman attentive, aimante, donnant le maximum d'amour à mes deux enfants... deux enfants en souffrance maintenant, c'en était trop... j'étais dans un désespoir de plus en plus profond, car les dégâts étaient manifestes... et j'étais impuissante, seule, à changer les conditions... et personne dans mon entourage !

Et le père qui vivait toujours avec moi se désintéressait presque totalement de ses enfants !... objets encombrants je dirais !

Lors de la naissance de mon troisième enfant, Emmanuelle, les conditions géographiques nouvelles ont fait que j'étais moins en solitude... mais plus en état malgré tout de m'occuper, de manière appropriée, de cette petite fille non plus ! Que pourtant j'aimais tout autant que les deux autres.

 **********

Les années ont passé, j'ai pu surtout trouver une certaine aide pour mes enfants... mais les dégâts étaient considérables... et pour une part difficilement réparables !

Et me concernant, même si je me suis fait aider, ce drame intérieur de l'enlèvement est resté durant plus de quarante ans non partageable, à la fois parce qu'une grande partie depuis l'annonce de l'enlèvement "réussi" avait eu sur moi l'effet d'une bombe, et d'ailleurs j'avais même oublié que c'était le "père" qui avait commis l'irréparable. Et non partageable parce que je ne savais pas dire, au moins ce que j'en savais encore, de cette souffrance abominable.

J'ai fait ce que je pouvais pour eux trois, mais difficile pour mes enfants de sentir l'amour de leur mère pour eux... Je sais avoir par la suite beaucoup donné... mais la sensation d'avoir été abandonnés, le manque profond de leur mère (de leur père aussi, mais cela ne m'appartient pas) à une époque de leur vie si cruciale, n'ont pas permis que eux parviennent à se reconnecter à leur mère... quand elle a vraiment pu retrouver ses capacités de maman.

Et leur souffrance à tous trois reste tellement exacerbée qu'expliquer ce qui s'est passé, tenter de donner du sens à ce qui a eu lieu reste assez inaudible...  Mais je ne les ai pas abandonnés... je suis très tenace, et je n'abandonnerai pas la partie, mon souhait le plus cher serait qu'ils sachent que je les ai aimés, qu'ils ont été aimés surtout... et qu'ils sont aimés,  malgré ce que les apparences ont pu laisser croire... et je sens néanmoins que les choses peu à peu avancent...

Et là à nouveau, il y a juste quelques jours, tout un pan de ce qui s'était passé est remonté, le plus douloureux sans doute, mais essentiel puisqu'il concerne un endroit où Amandine (très très largement adulte) attend une réponse que moi-même je n'avais pas encore jusque là !

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