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Billet de blog 21 mai 2022

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La chaise

Les tribulations d’une enseignante néo-titularisée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un beau matin, dans ma classe. Entourée  par mes élèves dynamiques, agités, mais qui aiment travailler. Un beau matin comme les autres, qui débute une journée épuisante mais enrichissante. Un premier « Crac » sous ses fesses. Puis un second …  « Aïe ! Ma chaise me pince les fesses maitresse! Bientôt, il faudra la mettre dans le cimetière des chaises ! ». Entre deux élèves qui m’appellent, un regard aux sourcils froncés lancé à celui qui parle plus qu’il ne travaille, je n’ai pas le temps de m’alarmer. L’enfant sera bien obligé de retourner à sa place, de toute façon, pour ne pas avoir à écrire debout ou assis sur le sol. Je souris juste à l’évocation du « cimetière » où les chaises cassées, qui se plient sous le poids des élèves et des années, s’entassent depuis le début de l’année. Nous sommes en mai, et il y a déjà cinq âmes en peine superposées derrière notre tableau. Mais elles n’ont toujours pas été remplacées. Qui ce jour-là imaginait alors qu’un sixième corps abîmé ce serait joint aux autres? Ledit élève justement, qui l’après-midi même, éclata de rire en atterrissant les fesses en premier sur le sol de la classe. La chaise a craqué et moi -quelle idiote- je n’avais pas pensé à la possibilité qu’elle cède sous le poids de mon élève et de sa vieillesse. Et voilà une chaise en moins. Et une des deux élèves dont je ne connais pas les prénoms, parachutées dans ma classe car leur enseignante avait dû garder son enfant malade à la maison, me dit que ce n’est pas un problème: elles peuvent se mettre facilement sur un coussin à l’arrière de la classe. Elles laissent toutes les deux,  une chaise puis deux, pour s’asseoir sur une fine couche qui les séparent du sol. Elles avaient acquis le droit d’accéder à une place assise à hauteur de table grâce à l’absence d’un élève et à l’emprunt d’une chaise chez une collègue. Inutile de préciser qu’avant de trouver une classe où il y avait plus de chaises que d’élèves, il fallut taper à quelques portes… 

Mais finalement ce jour-ci, mon élève, empressé de mettre sa défunte chaise dans le lieu où elle reposerait désormais en paix, a eu la chance de pouvoir se rasseoir. Même que -lorsque, quelques jours plus tard, tous les élèves furent  présents en classe- il avait encore le droit d’avoir une chaise à sa hauteur. Et oui, une énième assise, qui regarde depuis son arrivée le lieu où elle reposera bientôt en paix, nous a été prêtée par une énième enseignante, qui ne pourra bientôt plus nous en fournir…

Et à nous d’attendre que l’on veuille bien remplacer ce matériel défaillant qui -s’il se plie maladroitement - pourrait bien envoyer quelques enfants sur une civière.

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