Chères collègues chers collègues
À toi qui t’es mobilisé suite à notre souffrance parce que tu souffrais aussi.
À toi qui souffriras comme nous avons souffert.
À toi qui sera isolé dans ton école, face à ta souffrance.
À toi qui ne souffres pas trop, et pourvu que ça dure pour eux.
À toi, qui ne souffres plus.
Je m’adresse à toi car dans notre profession le tutoiement est de rigueur et l‘urgence est présente.
Je m’adresse à toi parce que les forces qui s' amenuisent dans nos écoles nous amènent la nécessité de nous mobiliser pour tous nos élèves.
Je m’adresse à toi parce que la rigueur que nous mettons à exercer chaque jour ce métier nous pousse évidemment à la bienveillance et aussi à l’exigence de demander plus , pour tous.
Tu l' as vu, toi, la souffrance dans mes yeux, comme j'ai vu la tienne . Tu as lu la sidération ou la peur dans leurs yeux ou la banalisation des actes de violence, toi que je connais et qui me soutiens au quotidien.
Tu l’as compris,toi, que la réponse doit être politique dans son sens le plus noble. Que nos textes , nos idées, notre métier ne devraient appartenir à aucun parti politique et qu’elle devrait être bien au-dessus de ces mouvements qui ballottent la société.
Tu l’as soutenu toi aussi, ta collègue entrant dans le métier pleurant chaque jour ou chaque soir et ayant envie de lâcher un si beau métier.
Tu l’as compris, toi, que l’action c' est maintenant et que ce n’est pas un slogan politique et que ce n’est pas une lutte sans horizon. Qu'évidemment que les raisons qui nous poussent à agir sont éthiques. Parce que tu la devines, toi aussi la souffrance et l’errance de cette société future
Tu l’as senti tourné , toi, le vent de la tempête, qui s'abatterait sur nous, simple et honnête fonctionnaire qui nous devons de fonctionner dans une société dysfonctionnante.
Tu l’as compris, toi, qu’on nous demanderait de taire les failles systémiques géantes dans lesquelles s'engouffrent n’importe quel enfant qui souffre.
Tu l’as vu venir toi, le coup de la reprise médiatique , tronquée , où l'on nous fait dire ce que l’on ne dit pas.
Tu l’as pensé, toi aussi qu’ils se risqueront de focaliser le débat sur l’inclusion dans nos écoles en souffrance et qu’ils tenteront de nous faire passer pour des personnes indignes, comme si l’on pouvait être à l’encontre d’un enfant qui souffre quelque soit la manière ,que le handicap soit visible ou non, pris en compte par la MDPH ou non.
Tu l’as entendu toi:
” si les élèves y arrivent c' est grâce à eux , s’ils n’y arrivent pas c’est à cause des profs”
“il faut faire mieux si vous n’y arrivez pas”
Dans nos vies où les plaies béantes sont humaines et où les failles géantes sont systémiques.
Tu connais les codes dans l' éducation, et pourtant tu le vois, ton enfant en souffrance à cause de ce système. Bah oui , parce que ce n’est pas un scoop non plus que les profs ont eux aussi des enfants. Et ils voient ces classes surchargées , ces enfants violents, ces élèves perdus, ces besoins particuliers…et ce futur qui les égratigne déjà, et nous abimera encore.
Tu as compris que nos mots étaient authentiques et sincères parce qu’on aurait tous pu tutoyer Samuel, Christine, Dominique et les autres … qu’en auraient-ils pensé?
Alors allons-y, ensemble
Chacun et chacune à notre façon, chacun et chacune à notre rythme, chacun et chacune avec notre liberté pédagogique et citoyenne chacun et chacune avec notre respect ou notre irrévérence.
Soyons unis et soudés devant le risque de division.
Soyons puissance devant leurs souffrances.
Mettons-y , nos idées celles alignées à une seule vision, un meilleur possible pour tous les enfants.
Mettons-y notre coeur, pour exiger le respect de l’Ecole.
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