Avertissement : avant de lire ce billet, il est conseillé de lire les épisodes précédents : les 3 premiers surhttp://blogs.mediapart.fr/blog/isabelle-ganne-caron et le 4ème sur ce blog
Paula sourit, elle savait qu’il était inutile de chercher à le freiner dans ces cas-là. Elle avait rencontré Bertrand 14 ans plus tôt, c’était un dimanche matin de mai, c’était hier. Elle avec Amélie par la main et un polar anglais sous l’autre bras. Elles se dirigeaient vers le toboggan, lui, installé sur un banc, faisait défiler des photos sur un gros Canon. Elles s’étaient installées à côté de lui, puis Amélie avait foncé vers les jeux. Paula était petite, brune, la peau mate, elle venait d’avoir quarante ans, elle portait un jogging noir et rouge, comme à chaque fois qu’elle partait avec Amélie le dimanche matin. Bertrand avait des cheveux châtain mi- longs, quelques poils gris se mêlaient au roux- châtain de sa barbe naissante. Il portait un jean et un blouson, des baskets. Un visage carré bien décidé malgré des yeux gris et mélancoliques. Il était plus grand qu’elle d’une bonne vingtaine de centimètres, ça la rassura.
Un coup de foudre, comme celui-ci, elle ne croyait plus que ce fût possible, et c’était arrivé. Elle vivait la fin de son couple tandis que Bertrand était libre comme le vent. Ils se sont tout dit et même plus, leur vie, leurs horizons poétiques, sa fascination à elle pour les romans anglais, sa passion à lui pour l’Art et la photographie, leurs amours, leurs espoirs. Ils s’étaient revus presque tous les jours, ils s’étaient aimés chez lui.
Un mois de rêves les plus fous, puis le retour sur la réalité.
L’explication avec Michel, le père d’Amélie, ne s’était pas passée comme prévue. Déchirante. Leurs pleurs, leurs promesses de tout recommencer à zéro, et la période sereine qui avait suivi. Bertrand avait compris, il n’avait pas insisté, il n’avait pas pleuré devant elle. Il lui avait souhaité d’être heureuse.
Avec Michel, ça s’est lentement dégradé, il est devenu taciturne, a installé un lit sans son bureau, a commencé à fréquenter le psy. Il s’est mis à alterner le boulot et les arrêts maladie. Amélie était devenue leur seul lien, leur seul but commun. Paula a pris des amants. Vraiment beaucoup. Elle a tout essayé, ça la rassurait, c’est devenu un besoin.
Puis le hasard avait voulu qu’ils se rencontrent à la FNAC, elle et Bertrand, quelques années plus tard. Il avait vieilli, cheveux courts et grisonnants, il était devenu terriblement séduisant. Elle lui a proposé "je ne suis pas propriétaire de ta vie, je n’en ai aucun droit, mais on se dit tout". Il a été d’accord tout de suite. C’était en 2008.
Ils se voyaient souvent chez Bertrand, et après l’amour ils se disaient tout. Elle avait plusieurs fois accompagné Bertrand dans ses déplacements. Pendant ses reportages à Madrid et à Vienne, elle avait fait du shoping.
A Berlin, il lui avait fait découvrir le mur,

le Pergamonmuseum, mais aussi l’Avarus…
Bertrand, c’était à la fois son amant, son confident, son grand frère. Une relation limpide qu’aucune de ses amies ne comprenait !
Bertrand en train de tomber amoureux…
Elle se demanda qui la serrerait dans ses bras ce soir.