Un des principes majeurs de la technocratie est de produire de la paperasse, si possible inutile : comptes rendus fumeux, instructions brumeuses, résumés fangeux et autres écrits indispensables. Il est parfaitement appliqué ici puisque seul ce papier fait foi de votre droit à circuler ; quoi que vous affirmiez, que ce soit vrai ou pas, il n'y a que sa présentation qui compte. Comment ça, une attestation pour soi-même n'a aucune valeur ? Un peu de respect je vous prie.
Examinons deux cas de figure, tout à fait réalistes - c'est bien pourquoi ils montrent que cette obligation est ubuesque puisqu'elle a été conçue non pour le réel mais pour satisfaire quelques crânes sous-équipés.
Je vais chez mon médecin, déplacement autorisé, du moins pour le moment. Je rédige soigneusement, en réprimant avec peine les imprécations les plus blasphématoires, le dit imprimé. Puisqu'il faut cocher, me dis-je, cochons, et datons, signons, tout bien. Je monte dans ma voiture et au bout de quelques kilomètres une patrouille des mœurs de police m'arrête. Papiers et attestation, me demande à trente centimètres un policier non masqué. Enfer et damnation, je l'ai oubliée en partant. Malgré ma bonne foi et mes explications, je suis bon pour 135 euros d'amende et je sais bien que pour tenter de la faire annuler la route sera longue et pentue, à supposer qu'elle arrive quelque part.
En revanche, si je vais boire un coup et faire la fête bruyamment toute la nuit avec une dizaines de potes (ce n'est pas trop mon genre, mais ce sont des choses qui arrivent), il me suffit de présenter à la force de l'ordre le formulaire dûment rempli, en cochant par exemple la case « déplacements pour effectuer des achats de première nécessité dans des établissements autorisés (liste sur gouvernement.fr) [sic] ». Le fonctionnaire, toujours à moins d'un mètre et sans masque, est cette fois-ci ravi, me souhaite de bonnes courses et m'enjoint gaiement de circuler. Pour ne pas contrarier l'excellent homme, je fais un saut chez InterU pour acheter quelques mousses, ce qui justifiera aussi mon retour.
Dans le Nouveau Monde de Macron, ce sont donc les menteurs qui ont raison, pourvu qu'ils se donnent eux-mêmes les autorisations. C'est précisément le cas des êtres supérieurs qui gouvernent notre beau pays, puisqu'il suffit d'écouter MM. Macron, Philippe, Castaner (et plus si manque d'affinités) pour constater que l'exemple vient de haut.