Que ressentiriez-vous si le projet de votre vie tombait à l’eau, non pas en raison de votre absence de détermination et de travail, mais en raison d’une incurie maquillée par les termes de « problèmes de coordination administrative » ? Incompréhension, colère, déception, amertume, dégoût ?
Cette injustice nous la vivons aujourd’hui, nous élèves de classe préparatoire littéraire.
Le 30 juin dernier, quelle n’a pas été notre stupéfaction quand Sciences Po Lyon et Aix, nous ont annoncé via un tweet qu’ils ne respecteraient pas la convention de la BEL (Banque d’Epreuves Littéraires) et ne recruteraient aucun.e élève de classes préparatoires. Méritons-nous un tel traitement après tant de sacrifices et de travail ? Où sont passés les discours de méritocratie et d’égalité des chances que prônent sans cesse ces établissements ? Aujourd’hui nous élevons nos voix, afin de ne pas céder à l’injustice et montrer à tous et toutes l’absence totale de considération de ces établissements à notre égard.
Leurs excuses ? La crise sanitaire du Covid-19 et les « retards » que celle-ci a engendrés. Ces IEP fondant leur recrutement sur les admissibilités de l’ENS, ne pourraient soi-disant pas attendre la réception des résultats qui seront donnés le 4 août. Or comment expliquer que Sciences po Lille, qui procède de la même façon réussisse à maintenir leur recrutement ? De plus, pourquoi nous annoncer cette nouvelle via un tweet à l’issue de la dernière épreuve de l’ENS ? En outre, serait-ce trop demander à l’IEP d’Aix-en-Provence d’avertir officiellement chaque candidat.e par mail ?
Par conséquent, nous nous adressons à vous, Sciences Po Lyon et Sciences Po Aix. A vos arguments, voici ce que nous répondons.
Certes, chaque année seulement un petit nombre de candidat.e.s choisit d’intégrer les IEP par la procédure de la BEL. Ce n’en sont pas moins des étudiant.e.s qui tenaient en haute estime vos établissements et les considéraient comme la suite logique de leurs stimulantes études prônant le travail, le sérieux et le mérite. Le nombre de personnes à effectivement intégrer Sciences Po Lyon et Sciences Po Aix est un faux problème : c’est uniquement parce que vous n’avez pas daigné nous évaluer afin de déterminer qui parmi nous, a les compétences et les connaissances pour poursuivre des études dans vos IEP que nous prenons la parole. Imaginez la douleur et l’amertume ressenties par ces étudiant.e.s s’étant dédiés corps et âmes à des études exigeantes et éprouvantes. Deux voire trois années de travail acharné balayées d’un revers de main et ne valant plus rien à vos yeux. À quoi bon ? Voici la question que nous nous posons. À quoi bon suivre des études des plus exigeantes, à quoi bon viser l’excellence dans notre travail quand nous constatons à quel point vous videz la notion de mérite de son sens ?
Vous abandonnez nombre d’étudiant.e.s méritant.e.s qui auraient pu participer à l’émulation intellectuelle de vos établissements. Vous remettez en cause nos études passées, mais aussi notre futur. Nous nous trouvons dans une impasse. Vous nous poussez à prendre du retard sur nos études sans que rien ne le justifie, décision coûteuse pour les plus défavorisé.e.s d’entre nous. Vous nous condamnez à faire le deuil d’études au sein de vos établissements et le deuil de notre projet professionnel. Si aucune mesure n’est prise de votre part, la confiance que mettaient en vous les étudiant.e.s de CPGE sera définitivement rompue. Travailler à la direction des politiques européennes au sein d'un conseil régional, intégrer la commission européenne, faire carrière dans la diplomatie, que de beaux rêves n’est-ce pas ? En nous précipitant dans les incertitudes et les angoisses vis-à-vis de notre avenir, c’est un message fort que vous envoyez à notre génération d’étudiant.e.s et à celles à venir : Sciences Po Lyon et Sciences Po Aix ne considèrent pas le mérite.
Est-ce cela que vous voulez incarner ? Car telle est l’image désastreuse que vous renvoyez : des établissements qui n’ont que faire du mérite et de l’égalité des chances. Et cela nous désole. Nous aurions voulu que cette confiance ne fût jamais brisée ; nous aurions voulu toujours pouvoir associer vos IEP aux notions de mérite et d’excellence. Pourtant tout ce que nous percevons n’est qu’un profond mépris envers les élèves de CPGE et leur travail. S’il ne s’agit pas de mépris, s’agit-il simplement d’incompétence ? Est-ce cela que vous voulez incarner ? Les valeurs que vous brandissez, n’est-il pas temps de prouver qu’elles sont autre chose que de simples coquilles vides ?
Nous n’attendons qu’une chose : que vous restauriez cette confiance brisée, que vous incarniez par des actes les valeurs que vous revendiquez. Il n’est pas ici seulement question d’une poignée d’étudiant.e.s sacrifiables. En nous délaissant, vous laissez entendre aux étudiant.e.s français.es et étranger.ères que le mérite n’a que peu de poids pour vos établissements. Prenez des mesures pour ne pas délaisser notre promotion et prouvez aux promotions futures qu’elles peuvent s’en remettre à vous en toute confiance.
Collectif d’étudiant.e.s de khâgnes de Clermont-Ferrand, Nantes, Strasbourg, Bordeaux, Nîmes, Montpellier et du Mans.