On peut effectivement qualifier d' «historique» la sentence prononcée par les juges turinois à l'encontre des dirigeants de l'entreprise Thyssenkrupp Italia, reconnus coupables d'homicide volontaire après la mort, la nuit du 6 décembre 2007, de sept ouvriers, brûlés vifs dans des conditions atroces. Seize ans et demi de prison ferme pour Harald Espenhahn, administrateur délégué; dix à treize ans pour cinq autres dirigeants; des dommages-intérêts importants aux familles, à certains syndicats, ainsi qu'à la région Piémont...
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Rappelons les faits : cette fameuse nuit, un début d'incendie éclate dans l'aciérie, sur la «ligne 5», où travaillaient huit ouvriers spécialisés. Malgré leurs tentatives pour arrêter l'incendie (mais les extincteurs sont vides, et l'usine n'a pas voulu faire les frais, s'élevant à 20 000 euros, d'une installation anti-incendie), l'explosion se produit, ne laissant aucune chance aux victimes - sauf une, qui a juste le temps de s'abriter et qui sera partiellement brûlée. Les autres meurent dans des souffrances atroces, l'un d'eux après 25 jours d'agonie et plusieurs opérations. L'usine était en cours de fermeture, les ouvriers se plaignaient de devoir affronter parfois des "tours" de 12 h de travail d'affilée, certains envisageaient une reconversion...
Le groupe allemand est puissant en Italie : 6521 employés, 29 entreprises et une vingtaine de filiales, 58 millions d'euros investis en Italie pour l'année 2010.
La sentence est un coup de massue pour l'entreprise. Un soulagement pour les familles, qui considéraient ces morts non comme un «accident», mais comme un assassinat.
Aujourd'hui, le groupe a fait savoir qu'il reconsidérerait peut-être sa présence en Italie.
Il n'en reste pas moins que ce verdict marquera un tournant dans la jurisprudence. Et qu'il signifie, aussi et surtout, qu'aucun profit ne peut justifier la mise en péril d'une vie humaine.