Je vous livre la suite de mes premières impressions après avoir assisté aux discours prononcés par les différentes personnalités (politiques et économistes) conviées à ces deux jours de réflexion sur le « nouveau capitalisme ».
Si T. Blair, A. Merkel et N. Sarkozy, ont exprimé la même inquiétude devant l’importance de la crise engendrée par les dérives des pratiques financières des 10 dernières années, il est heureux de constater que tous ne cèdent pas à la tentation dangereuse de tirer profit de la frustration accumulée par « main street » pour tenter de rétablir leur légitimité politique vacillante en dénonçant à cors et à cris les « banquiers irresponsables » ou en appelant à des sanctions exemplaires sur le ton ferme et rassurant du père de famille tout puissant, omniscient et protecteur. On parle beaucoup de la similitude entre la crise actuelle et celle qui fut engendrée par le krach de 1929, et considérant que les mêmes maux appellent les mêmes remèdes, la plupart des gouvernants ont été prompts à ressortir de leurs tiroirs la poussiéreuse panoplie du parfait petit Keynésien. On entend partout qu’il s’agit là du « grand retour de l’Etat », provisoirement éclipsé par le marché pendant les heures de gloire de M. Friedman.
Or, si une chose intéressante a émergé de la foule des déclarations de bonnes intentions exprimées ici et là, c’est bien le constat de la différence fondamentale de la crise actuelle par rapport à celle des années 1930. En effet, l’économie mondiale a certainement subit plus de changements durant ces cinquante dernières années qu’au cours des trois siècles qui les ont précédé. Le principal de ces changements a un nom qui nous est rabâché quotidiennement, tant par les médias que par les politiques, économistes, géographes, sociologues etc. : la mondialisation. S’il est inutile de rappeler les mécanismes par lesquels nos économies sont devenues totalement interdépendantes, il faut toutefois se souvenir que la complexité du système dans lequel les intérêts économiques et politiques des Etats du monde entier sont imbriqués est infiniment plus grande que ça n’était le cas en 1929. On comprend alors aisément que l’ampleur de ces deux crises et l’impact qu’elles ont sur l’économie réelle (et donc sur chacun d’entre nous) soit nécessairement différent.
Il résulte de ce constat simple qu’on ne peut appliquer aveuglément à un même mal la même recette curative « miracle » sans prendre en considération ce que les économistes appellent la « conjoncture économique ». C’est à l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, que revient le mérite d’avoir pointé ce fait majeur et souligné avec toute la force de conviction appropriée l’importance d’une action globale et coordonnée allant au delà du cadre étatique pour résoudre une telle crise. Si tous s’accordent sur la nécessité de convier les grands pays émergents, acteurs économiques et politiques majeurs de demain (Chine, Inde, Brésil…), à la table des négociations multilatérales (qu’elles soient politiques ou économiques), la plupart des chefs d’Etat et de gouvernement (et je parle ici de ceux qui ont le plus fait preuve d’ouverture) ont jusqu’à maintenant privilégié l’action locale voire régionale de l’Etat. Une solution globale, même dans le cadre des institutions multilatérales existantes et prévues à cet effet, n’a pas été sérieusement envisagée.
T. Blair a souligné à maintes reprises que « dans le monde d’aujourd’hui, aucun système de gouvernance nationale ne peut fonctionner sans intégrer une dimension globale forte ». Puisque la mondialisation est le résultat de l’action des populations (on pense ici au rôle clef joué par internet dans la création de liens entre les individus du monde entier et dans le partage des idées) et non de la simple volonté des Etats, c’est par l’action coordonnée des gouvernements élus démocratiquement qu’on pourra permettre à l’économie de marché de fonctionner de manière plus efficace et équitable. Afin de ne pas céder à la tentation dangereuse du replis sur soi et laisser la frustration légitime des déçus du système démanteler un capitalisme qui reste malgré tout (comme la démocratie) « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres », il faut que l’économie soit animée par des entrepreneurs passionnés par ce qu’ils créent plutôt que par ce qu’ils accumulent.