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Billet de blog 11 janvier 2009

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Plans de relance: encore un effort?

Sur son blog (hébergé par le New York Times), le spécialiste américain de la théorie des échanges internationaux (et prix nobel d’économie 2008) Paul Krugman se livre à un exercice très utile visant à évaluer le plan de relance proposé par Barack Obama.

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Sur son blog (hébergé par le New York Times), le spécialiste américain de la théorie des échanges internationaux (et prix nobel d’économie 2008) Paul Krugman se livre à un exercice très utile visant à évaluer le plan de relance proposé par Barack Obama. Cette analyse se base sur un concept simple : « l’output gap », qui mesure l’écart, pour une économie donnée, entre la production potentielle (c’est à dire ce que l’économie peut produire si elle utilise pleinement l’ensemble de ses facteurs de production) et la production effective (qui est déterminée par la demande : si la demande est insuffisante, l’économie produira moins que ce qu’elle aurait été en mesure de faire, la production totale sera donc inférieure à son potentiel, et la richesse crée donc moins importante). Les estimations actuelles pour les Etats Unis prévoient que la production américaine en 2009 sera inférieure de 6,8% à son potentiel. Cela correspond à 2100 milliards de dollars de production « perdue ». Pour combler ce fossé (qui reste une estimation, et peut donc se révéler encore plus profond en réalité), le 44eme président des Etats Unis prévoit un plan de relance de 775 milliards de dollars : c’est moins de la moitié de la somme qu’il faudrait investir pour compenser le déficit de la demande effective américaine (d’autant que l’intégralité de la somme ne sera pas affectée seulement à l’investissement ; il faut aussi compter des réductions d’impôts, pour lesquelles l’effet du multiplicateur fiscal est généralement encore plus faible que celui du multiplicateur budgétaire).
Il faut rappeler que la politique budgétaire des Etats s’appuie sur un mécanisme de multiplicateur budgétaire (qu’on peut assimiler à un effet de levier sur les sommes dépensées par la puissance publique) : chaque euro investit par l’Etat américain permet aux ménages de voir leur revenu accru, et une partie de cette hausse de revenu sera à son tour affectée à la consommation ou à l’investissement, et l’effet bénéfique de la dépense publique initiale sera donc indirectement amplifié. Ainsi, aux Etats Unis, on estime qu’un dollar de dépense publique augmente le PIB de 1,5 dollars. Même en prenant en compte cet effet multiplicateur, les 775 milliards d’Obama ne pourront pas combler le fossé de plus de 2000 milliards attendu en 2009.
En France, il est difficile de fournir avec certitude une estimation similaire, mais on peut se livrer à des calculs approximatifs qui peuvent nous renseigner sur l’échelle des montants nécessaires à combler le déficit attendu de la demande effective. Les estimations du FMI pour 2009 (voir http://www.econstats.com/weo/V009.htm) tablent sur un « output gap » entre production potentielle et production effective de 2,16% du PIB potentiel, soit un manque à gagner (si on le rapporte à un PIB estimé autour de 1670 milliards d’euros pour 2009 en prix courants) de plus de 300 milliards d’euros. Le plan de relance lancé par Nicolas Sarkozy paraît, selon ces calculs certes très approximatifs mais qui permettent (je l’espère) de saisir l’idée générale assez facilement, tout à fait inapproprié. (d’autant que les estimations de l’output gap des Etats Unis fournies par le FMI sont très au dessous de celles utilisées par Krugman dans ses calculs, donc on peut penser que les estimations concernant la France sous évaluent également la réalité).
On peut avancer qu’un plan de relance à plus grande échelle ne ferait qu’accroître le déficit et le fardeau de la dette française, ce qui est vrai. Mais Krugman rappelle que les dangers d’une action inappropriée sont presque aussi grands que ceux liés à une absence d’action. D’autre part, une absence de plan de relance digne de ce nom est totalement à exclure, car alors l’impact de la crise sur la situation économique française serait désastreux et empêcherait un retour rapide de la croissance. Les coûts liés à une absence d’action budgétaire suffisante sont infiniment supérieurs à ce que pourra nous coûter un accroissement de la dette nationale engendré par des dépenses d’investissement intelligemment et efficacement effectuées.
La portée d’une stimulation de la demande par les dépenses publiques est nécessairement limitée : nos économies étant ouvertes au commerce international, une partie de la demande générée par la politique budgétaire du gouvernement d’un état se portera sur les biens étrangers. Une bonne partie du plan d’Obama pourrait donc, selon cette logique, soutenir la demande des consommateurs américains pour les biens chinois massivement importés aux Etats Unis. D’où l’importance d’une coordination des politiques budgétaires au niveau international pour éviter que des états bénéficient gratuitement des dépenses supportées par leurs voisins (ce comportement, dont on a accusé l’Allemagne notamment, est celui, bien connu par les économistes, du passager clandestin ou « freerider »).

Trouver un plan de relance approprié de l'économie est loin d'être une tâche simple, et il est absolument nécessaire de débattre de ces questions et d'encourager une concertation au niveau international (même si les situations économiques des pays appellent à des réponses différentes pour résoudre la crise). Il semblerait cependant que de nouvelles mesures de grande ampleur soient nécessaires dans les mois à venir, à mesure que les effets de la crise financière se traduiront de plus en plus par une dégradation de la situation de l'économie réelle.

(Voir également l’article de G. Mankiw dans le New York Times à propos du plan de relance et des mécanismes de multiplicateur (fiscal et budgétaire) : http://www.nytimes.com/2009/01/11/business/economy/11view.html?ref=business )

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