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Billet de blog 15 janvier 2009

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Crise et pays émergents: de la dette à la faillite?

Parallèlement à l’approvisionnement en liquidités assuré par les banques centrales, les Etats ont été contraints à emprunter massivement (principalement à travers l’émission de bons du trésor, valorisés par les actionnaires car jugés « sans risque ») pour financer leurs plans de relance.

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Parallèlement à l’approvisionnement en liquidités assuré par les banques centrales, les Etats ont été contraints à emprunter massivement (principalement à travers l’émission de bons du trésor, valorisés par les actionnaires car jugés « sans risque ») pour financer leurs plans de relance. Comme l’a récemment souligné The Economist (article « The Bond Bubble ? » datant du 8 janvier), les investisseurs ont acheté énormément d’obligations émises par le Trésor américain car ils continuent de les considérer comme le placement du plus sûr en période de crise. En dépit de leurs rendements historiquement bas et des incertitudes quant à l’évolution future des marchés financiers, la capacité des gouvernements à financer leurs plans de relance ne semble pas (pour le moment) sérieusement menacée.
Si cette situation peut sembler rassurante pour l’instant, deux points sont cependant à prendre en considération : d’une part, l’emprunt massif des Etats crée nécessairement un effet d’éviction et une pression à la hausse sur les taux d’intérêts (Les investisseurs préfèrent placer leur argent dans des bons « sécurisés » plutôt que prêter au secteur privé, et notamment aux entreprises qui en ont cruellement besoin. L’emprunt devient donc plus cher pour le secteur privé.). D’autre part, même si tel n’a pas été le cas ces derniers temps, tous les pays ne bénéficient pas des mêmes conditions d’emprunt, et certains doivent supporter une prime de risque supplémentaire pour se voir accorder des crédits. Cela dépend de leurs perspectives de croissance économique et de l’évaluation de la « soutenabilité » de leur dette que font les investisseurs.
Il n’est pas ici question de s’étendre sur les mérites comparés des politiques des différentes autorités monétaires et budgétaires mondiales, mais de tenter de comprendre quelles peuvent en être les conséquences de long terme, notamment en ce qui concerne la possibilité pour les états les plus fragiles de continuer à emprunter pour financer les investissements qui sont indispensables à leur développement économique.
On peut raisonnablement penser qu’un succès des plans de relance restaurerait progressivement la confiance des investisseurs, les poussant à se tourner vers des actifs plus risqués que les bons du Trésor et au rendement plus élevé. Si l’attractivité des dettes publiques diminue et qu’on assiste à une revente massive des bons du trésor (notamment américain), leur prix peut chuter rapidement et les taux d’intérêt augmenter, ce qui placerait les pays surendettés (qui ne sont pas uniquement des pays émergents) dans une situation délicate. Les conséquences d’un tel scénario (qui reste une hypothèse) sont difficiles à prévoir.
Il faut noter que depuis quelques années, nous avons assisté à une compression mondiale des primes de risques sur tous les marchés. Ainsi, les écarts entre les rendements obligataires (bons du trésors qui représentent des emprunts réalisés par les Etats) des marchés émergents et ceux des bons du Trésor américain sont passés de 10% en 2002 à moins de 1,5 point en juin 2007. Concrètement, cela signifie que les investisseurs ont eu tendance à sous-évaluer le risque de défaut des pays émergents par rapport à celui d’économies jugées jusque-là plus « stables », ce qui a permis aux pays en développement d’obtenir des crédits relativement facilement pour financer leurs investissements. Le climat d’euphorie ayant motivé une telle sous-évaluation des primes de risque prenant fin, on peut s’attendre à ce que l’écart entre les rendements obligataires des différents pays augmente à nouveau dans les mois à venir, à mesure que la prudence poussera les investisseurs à revoir leurs positions. Il semblerait que ce renversement soit déjà à l’œuvre : au sein même de l’Union Européenne (pourtant relativement protégée par la monnaie unique), les possibilités d’emprunt de certains états semblent se détériorer. Le 13 janvier, Le Monde a souligné le fait que « l’Etat allemand (pourtant une valeur sûre) n’a pu couvrir que 87% des 6 milliards d’euros d’obligations qu’il proposait le 7 janvier ». Le 14 janvier, Standard and Poor's a abaissé la note souveraine de la Grèce afin de mieux refléter la "perte de compétitivité sous jacente" de son économie. Les taux auxquels la Grèce peut assurer ses besoins en financement ont dépassé les 5%, et on peut s'attendre à une augmentation future. D'autres pays comme l'Irlande, le Portugal et l'Espagne se trouvent déjà également "sous surveillance négative" des agences de notation. Cela ne peut que nourrir les préoccupations des pays moins cotés (ayant par exemple des déficits courants massifs, une dette publique importante ou encore une inflation élevée, ce qui n’est pas seulement le cas des pays les plus pauvres de la planète). Ainsi, les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, ou encore certains pays d’Amérique du sud, dont les déficits budgétaires reflètent leur mauvaise santé économique, pourraient se retrouver rapidement en situation de « faillite ».
Voir :
- http://www.frbsf.org/publications/economics/fedviews/index.html
- http://www.economist.com/finance/displaystory.cfm?story_id=12896793

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