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Billet de blog 7 avril 2015

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Merci quand même, Ségolène !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans sa récente analyse, Christian Salmon rappelle combien la politique est devenue aux yeux de nos concitoyens une langue morte. Plus nos dirigeants parlent et moins nous les entendons. C’est que pour acquérir du sens, une parole doit s’adosser à un minimum de réalité. Faute de quoi, elle se transforme en moulin qui ventile sur la place publique des slogans et des mots creux qui résonnent en vain et ne signifient rien.

 Mais dans ce désert surgit parfois une oasis, dans la pénombre il arrive qu’une éclaircie nous illumine. C’est à ce type de révélation qu’à l’instar de beaucoup d’autres j’ai été confronté ce matin à la lecture des propos de Ségolène Royal dans Sud-Ouest : "Même si je voulais partir (du gouvernement), confie la ministre de l’Ecologie, on me demanderait de rester". Et scrupuleuse à l’excès, l’irremplaçable d’insister : "J'arrive à concilier ce qui paraît irréconciliable."

 Là, pour la première depuis longtemps, une déclaration politique m’apparut dans tout l’éclat de sa limpidité. Soudain le sentiment d’avoir tout bien compris m’envahit. Plus fort encore, j’ai eu la conviction immédiate de n’être pas seul dans mon cas, oui, je me suis vu en communion avec les habitants de mon pays, avec tout un peuple qui avait encore en tête la dérouillée électorale de l'avant-veille et qui devait être comme moi, en train de se tenir les côtes à force de se bidonner.  

  Hélas, qu’avons-nous fait de la parole, me disais-je une minute plus tôt, de cette parole devenue si mensongère dans certaines bouches, de cette parole tombée si bas qu’on la confondrait bientôt avec l’insignifiance. Et puis voilà qu’un simple aveu dit avec la candeur déconcertante des  épanchements suffit à me réconcilier avec le mystère de la libre parole, avec la puissance créatrice du langage.

 Alors je me requinquais, alors je me dressais, alors je m’exhortais à dire non, décidément, ils ne pourront rien contre le fait qu’à de certains moments, en de certaines circonstances, les mots nous parlent, les mots nous touchent, les mots nous édifient, fut-ce à voix basse, fût-ce à contrecoeur, fût-ce à contresens de ce que leur auteur voulait exprimer.

 L’embellie ne dura guère. Quelques minutes plus tard, RTL annonçait que les négociations entre l'État et les sociétés autoroutières débouchaient sur une hausse des tarifs des péages applicables dès juin prochain. Merci quand même, Ségolène !

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