À qui n’est-il pas arrivé de dire une mémorable connerie ou pire de citer à tort et à travers pour finir par se ramasser une méchante gamelle ? Quand l’auteur de la grosse bévue, c’est soi-même en personne, les vilains ricaneurs ne se bousculent pas pour vous tomber sur le râble : avantage de pas battre l’estrade. Mais quand la boulette est signée Cambadélis et qu’elle survient en pleine clôture du congrès du PS, alors là je crie halte au pire : avec des érudits pareils, pas de pitié qui tienne - ni de quoi bouder son plaisir.
Un peu à court d’idées, Cambadélis a beaucoup sermonné au cours de son dithyrambe, croyant même devoir exhumer de la terre incessamment remuée les cadavres exécrés des ennemis de toujours. Dans une diatribe hargneuse et désespérément convenue, les figures honnies et bien utiles de Thiers, des antidreyfusards, des colonialistes et de l’OAS furent pêle-mêle convoquées sans que l’assistance, un peu distraite, ne les couvrît de huées. Cette étourderie eut son mérite : elle permit de distinguer, dans le flot énumératif, le nom abhorré de Barrès, mais curieusement accolé à l’un de ses romans : la Colline Inspirée.
Et là, on a beau se pincer, on sent bien que l’on a malheureusement pas quitté le premier degré de la balourdise. Car c’est pas le tout de citer ses classiques, encore faut-il s’être donné la peine de les lire. Que diable vient faire ici la référence à un livre certes pétri de bondieuseries lorraines, mais assez beau pour être élu parmi les douze meilleures productions du demi-siècle par un jury (dont papa Louis Joxe faisait partie) peu suspect d’antisocialisme primaire ? Rappelons, pour faire bonne mesure, que les autres lauréats se nommaient notamment Proust, Gide, Sartre, Malraux, Mauriac, Bernanos ou Larbaud. Rien que du beau linge.
San Antonio écrivait (en la matière, je suis sûr de mon coup) : « Un conseil, quand tu passes pour un c.., passe vite » Il est des jours où l’on est comme obligé de faire un arrêt sur image.