Chris Yapi dans le cadre de son enquête sur la supposée attaque de la caserne militaire d’Abobo-Anyama est tombé sur un rapport bizarre d’une ONG dénommée Promediation, qui pourtant influence l’opinion de la communauté internationale. Chris Yapi met à la disposition de l’opposition ivoirienne ledit rapport, avant d’apporter une contradiction imparable. Analysons donc ensemble les thèses et analyses contenues dans le rapport de l’ONG Promediation.
Le régime d’Alassane Dramane Ouattara a annoncé aux Ivoiriens que dans la nuit du 20 au 21 avril 2021, une tentative de coup d’État venait d’être déjouée. L’événement majeur allégué en faveur de cette supposée tentative de coup d’État, c’est l’attaque du camp militaire du 2ème bataillon d’Abobo-Anyama, par un groupe « d’individus non identifiés », armés de 3 machettes neuves et d’un vieux fusil kalachnikov. Ce qui est surprenant dans le communiqué du Chef d’État-Major Général des Armées, le Général de corps d’armée Lassina Doumbia, c’est qu’on nous parle « d’individus non identifiés », alors que les autorités ivoiriennes étaient en possession des passeports, permis et contrats de mercenaires des assaillants. Curieux non ? Une fiction impressionnante !
Créditant cette annonce tonitruante du gouvernement ivoirien, l’ONG Promediation s’est signalée par une enquête et un rapport qui appellent toute l’attention de Chris Yapi, tellement sont graves les procédés et les conclusions dont cette organisation internationale s’est rendue responsable. Dans ce dossier en deux parties que je vous présente, je procèderai en trois étapes.
D’abord, une présentation exhaustive de l’ONG. Ensuite, une analyse de la lecture des faits supposés de l’attaque du camp militaire d’Abobo-Anyama par les prétendus quatre assaillants. Enfin, une mise en lumière des graves failles de l’ONG Promediation dans l'interprétation des faits supposés de cette attaque.
- Présentation de l’ONG Promediation
Avant toute chose, présentons l’ONG Promediation, afin que nos auditeurs prennent conscience de l’influence considérable que ses travaux peuvent avoir sur la perception de la situation politique ivoirienne dans l’opinion et notamment dans les grandes institutions internationales et les principales puissances du Conseil de sécurité des Nations Unies. Pour cela, citons ici un extrait du site officiel de l’ONG Promediation, qui se présente amplement elle-même :
Qui sommes-nous ?
« Promediation est une association loi 1901 à but non-lucratif réunissant médiateurs professionnels et experts dans le domaine de la médiation et de la négociation. Les équipes de Promediation associent à la fois compétences en médiation et longue expérience de terrain en Afrique. Promediation est une organisation flexible, de taille modeste, ce qui lui permet de faire preuve d’une grande capacité d’adaptation aux évolutions politiques et aux contextes variés des pays et des régions d’Afrique dans lesquels nous intervenons. Nous sommes convaincus que l’adaptabilité et la discrétion sont des ressors clés de notre travail.
Historique
L’association Promediation, créée initialement en 2001 pour réunir des praticiens francophones de la négociation et favoriser les échanges d’expérience entre eux, est devenue peu à peu un outil d’appui à des initiatives de médiation et à des processus de paix en Afrique. Promediation s’appuie notamment sur un réseau de diplomates et de cadres formés au fil des années et sur les réseaux développés par ses membres lors d’interventions pour des structures de médiation.
Les missions de Promediation dans les processus de paix
Promediation développe des projets dans son champ d’action :
- La prévention et la gestion des conflits, par un travail d’analyse et de terrain au plus près des acteurs ;
- La résolution des conflits politiques et des conflits armés par un travail de facilitation du dialogue, de médiation, ou d’appui dans les processus de paix.
L’un des objectifs clés de notre organisation est de réunir les conditions pour passer de la phase militaire d’un conflit à celle de la négociation. Ces missions se font souvent en appui de médiations existantes, au niveau local, national ou régional. En fonction des contextes, nous apportons un soutien aux parties en amont ou durant les négociations, voire pendant la mise en œuvre d’un accord, s’il advient.
Nous pouvons aussi intervenir dans la facilitation d’un processus de négociation ou dans une médiation à la demande des parties. Nous soutenons également l’ouverture d’espaces d’échange et de réflexion susceptibles de participer à la recherche de solutions durables et acceptables par tous dans le cadre d’un soutien à la prévention ou à la résolution de conflits. Promediation accompagne également ses membres en matière de négociation ou de facilitation dans des schémas de crise, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.
Promediation, une approche spécifique de la gestion des conflits
- Une capacité à agir rapidement, de manière souple, discrète et à s’adapter à des contextes variés, en évolution ;
- Une indépendance qui se traduit par un attachement à la réussite du processus plutôt qu’à la défense des intérêts de l’une des parties en conflit, garantissant ainsi sa crédibilité et son impartialité auprès des différents acteurs impliqués ;
- Une confidentialité lorsque le processus ou les acteurs impliqués le requiert ;
- Une capacité de coordination avec les acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux impliqués sur les mêmes scènes politiques ;
- Une importance particulière donnée au contexte dans la préparation du déploiement de Promediation en réunissant toutes les compétences disponibles, notamment auprès des chercheurs et praticiens, pour agir efficacement auprès des acteurs politiques et armés, développer des liens de confiance, et participer à la compréhension de fond des situations de conflit et à la recherche de solutions.
Promediation, un réseau de professionnels
Des professionnels ayant pour certains plus de 20 ans d’expérience dans la diplomatie, les processus de paix et la construction de la paix en Afrique et au Moyen-Orient supervisent ou interviennent sur les projets. Ils garantissent ainsi une analyse de qualité de la situation et une connaissance des décideurs clés et savent développer des liens de confiance avec tous les acteurs impliqués.
L’équipe de Promediation peut mobiliser un réseau d’interlocuteurs tant au niveau des leaders communautaires, religieux et politiques locaux de la bande Sahélo-Saharienne qu’au niveau des décideurs et des institutions internationales qui comptent en Afrique.
Promediation a également développé une réelle capacité à intégrer dans ses projets une expertise issue du monde entier, selon les besoins des parties et des processus.
Cela inclut des experts internationaux en médiation ou sur des domaines plus spécifiques intervenant dans le cadre de la négociation ou de la mise en œuvre d’un accord de paix (processus de consultation ou de concertation, cessez-le- feu, processus de DDR ou de RSS, justice transitionnelle, processus de mise en œuvre et d’évaluation des accords, etc.).
Des chercheurs et des professionnels ayant une expertise unique dans certains domaines liés au droit, à la gouvernance, à la sécurité et aux questions socio-économiques sont également fréquemment sollicités par nos équipes pour partager leurs compétences et appuyer les acteurs clé des processus que nous soutenons, ou pour partager avec nous leurs connaissances fines des pays d’intervention afin d’affiner notre compréhension des enjeux et des opportunités de soutien à la prévention et à la résolution des conflits. Connaître l’histoire, les institutions, les modèles de relations entre populations et territoires dans un contexte social, économique et politique donné s’avère souvent fondamental pour développer une action décisive dans un processus de paix ou de stabilisation.
Nos financements
Promediation est soutenue depuis plusieurs années par la Division Paix et Réconciliation du Ministère des Affaires Étrangères du Royaume de Norvège, l’Union européenne (Trust Fund Sahel et Instrument contribuant à la Stabilité et la Paix – IcSP notamment) ainsi que le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français (Centre De Crises et de Soutien – CDCS), l’Agence belge de développement (ENABEL), le Programme pour le développement des Nations unies (PNUD), la Konrad Adenauer Stiftung (KAS).
À l’occasion des séminaires Sahel-Maghreb qu’elle organise avec le Centre 4S, elle a également bénéficié d’un financement du Ministère des Affaires Étrangères du Royaume des Pays-Bas (Ambassade des Pays-Bas en Libye) et du Centre de Crises et de Soutien (France). Au titre des partenariats et dans le cadre de sa stratégie d’alliances et de renforcement des synergies notamment sur les scènes de médiation, Promediation a passé de nombreux mémorandums d’entente avec des organisations de médiation, des acteurs publics, des associations de la société civile et des think thanks et en particulier le Centre 4S, ECES et Sant’Egidio ». Fin de citation.
Au regard de la structure, du professionnalisme allégué et des financements importants de l’ONG Promediation, ne devrait-on pas s’attendre à plus de sérieux et de rigueur dans le traitement des dossiers qui lui sont soumis ? La vérification des faits, le souci d’éviter de violer la présomption d’innocence et de ne pas s’associer à des pratiques diffamatoires et criminelles, ne devraient-ils pas obnubiler cette ONG ? C’était le moins qu’on puisse attendre, mais la suite nous révèlera le contraire. On comprendra que l’Union Européenne, la Norvège, le PNUD, la France, la fondation Konrad Adenauer, l’agence ENABEL, doivent désormais réfléchir par deux fois avant de refinancer les prestations de cette fort indélicate association Promediation.
- Traitement des faits supposés de l’attaque du 2ème bataillon d’Abobo-Anyama par l’ONG Promediation : une validation aveugle du récit des autorités ivoiriennes
Sans autre forme de procès en effet, l’ONG Promediation nous révèle ce qu’elle considère comme les faits de l’attaque du 2ème bataillon d’Abobo-Anyama. On découvre dans le récit qui suit, la preuve qu’elle est dans une posture de réception et de validation béate de la narration gouvernementale. La prise en compte du contexte de la crise sécuritaire et politique en cours en Côte d’Ivoire, aurait dû inspirer une extrême prudence et un regard critique exacerbé, sur les faits allégués par quelque acteur politique local que ce soit. Citons le rapport de l’ONG Promediation :
« Dans la nuit du 20 au 21 avril 2021, des assaillants armés ont attaqué le 2ème Bataillon basé à Anyama Ndotré dans le nord d’Abidjan (camp des forces spéciales d’Abobo) aux environs de 1 heure du matin.
Le bilan serait - à cette heure - de 3 assaillants neutralisés, 1 blessé côté assaillant et un ou deux blessés côté des forces des défense et de sécurité.
Les premières constatations montrent que les assaillants sont de nationalité libérienne (pièces d’identité retrouvées, contrat, etc.). Il a été retrouvé sur eux, à part les fusils d’assaut de type Kalachnikovs utilisés pour l’attaque, au moins une bible et une croix, et des papiers d’identité de nationalité libérienne.
Selon un document retrouvé sur l’un d’eux (« contract »), les assaillants libériens auraient été employés par une structure se faisant appeler ALCI représentée par un certain Mr BOKA pour « fighting in Ivory Coast » et ce pour une durée de « 3 ans minimum » pour un salaire de « 5 000 us dollars ». L’individu en question, Garlo SO PYNE aurait été recruté en tant que « general of troops ».
L’ONG Promediation a-t-elle reçu le récit de ces faits de plusieurs sources comparées ou se fonde-t-elle uniquement sur le compte-rendu du gouvernement ivoirien ? Si elle n’a aucun moyen de vérifier les faits allégués par le gouvernement ivoirien, est-il normal qu’elle les relate en première personne, comme si les membres de Promediation en avaient été eux-mêmes des témoins oculaires ? Voici le point de départ du dérapage de cette ONG dans cette affaire. Promediation valide l’attaque du camp militaire d’Abobo-Anyama dans la nuit du 20 au 21 avril 2021, sans donner la moindre preuve de ses efforts de vérification desdits faits par une enquête contradictoire.
Certes, au second paragraphe du constat des faits, Promediation utilise le langage du conditionnel. « Le bilan serait- à cette heure- de trois assaillants neutralisés, 1 blessé côté assaillant et un ou deux blessés côté des forces de défense et de sécurité. », dit la note d’enquête. Doit-on, cependant, s’attendre de la part d’une ONG de médiation, qu’elle utilise le langage sécuritaire du pouvoir en place pour décrire les faits ? Que signifie l’expression « assaillants neutralisés », là où il faudrait clairement dire « assaillants tués » ? Que vaut l’expression « un ou deux blessés côté des forces de défense et de sécurité », si l’on prétend avoir une information précise sur les événements ? Une ONG sérieuse, ne peut pas prétendre connaître les faits d’une attaque, alors même qu’elle est incapable de préciser le nombre de blessés du côté des forces légales !
Dans le troisième paragraphe du constat des faits, on est encore plus surpris. L’ONG Promediation dit qu’il a été retrouvé sur les assaillants « les fusils d’assaut de type Kalachnikovs utilisés pour l’attaque ». Or, la suite du récit ne révèlera que la trouvaille d’un seul fusil kalachnikov et de trois machettes comme matériel de guerre des quatre assaillants supposés du camp ! Comment une ONG sérieuse peut-elle énoncer des faits contredits par son propre récit ? On trouve, en effet, à la fin du rapport de Promediation, une liste des éléments factuels qu’elle invoque. La voici :
- Pièces d’identité retrouvées sur l’un des assaillants de l’attaque du 21 avril 2021 à Abobo (camp des forces spéciales) ;
- Pièces d’identité, une bible et une croix retrouvées sur l’un des assaillants de l’attaque du 21 avril 2021 à Abobo (camp des forces spéciales) ;
- « Contrat » retrouvé sur l’un des assaillants de l’attaque du 21 avril 2021 à Abobo (camp des forces spéciales) ;
- Photos des assaillants de l’attaque du 21 avril 2021 à Abobo (camp des forces spéciales).
Chris Yapi a vérifié par plusieurs fois le rapport de cette ONG et l’a confronté au rapport des autorités ivoiriennes, dont Promediation a fait un mauvais copier-coller. Le gouvernement ivoirien évoque une seule kalachnikov. Mais, où sont donc les photos des nombreuses kalachnikovs alléguées par l’ONG ? On n’en trouve pas la moindre trace.
Dans le quatrième et dernier paragraphe des supposés faits, l’ONG Promediation évoque un document retrouvé sur le corps d’un des assaillants, un fameux « contract » qui les lieraient à un certain « Mr Boka », dans le cadre d'une supposée organisation ALCI, présentée en anglais par l'expression « Fighting In Ivory Coast ».
Comment Promediation ne sait-elle pas que le gouvernement ivoirien a, quant à lui, exhibé plusieurs contrats de cette sorte, mais aussi une liste d’objets trouvés sur les mêmes assaillants ? Mieux encore, comment l’ONG Promediation peut-elle avoir manqué de constater que la calligraphie, le stylo et l’encre des fameux contrats, se trouvent être bizarrement les mêmes que ceux qui ont rédigé la liste, après-coup, des objets supposément trouvés sur lesdits assaillants ?
Un examen contradictoire des faits aurait, en réalité, suffi à confondre les autorités ivoiriennes. Cela aurait permis de comprendre que ceux-ci, loin d’être des événements qui ont réellement eu lieu, ont tout simplement été fabriqués par les officines du ministère ivoirien de la Défense, dirigé par le sieur Téné Birahima Ouattara dit La Fiole, pour accréditer la thèse d’un coup d’État des 20 et 21 avril 2021 en Côte d’Ivoire.
Voyons, maintenant, dans la seconde partie, comment faisant fi de toutes les précautions, l’ONG Promediation va à présent s’engouffrer dans la validation de l’interprétation des faits allégués, en faveur de la stratégie sécuritaire et politico-politicienne du régime d’Alassane Dramane Ouattara. Fin de la première partie.
CHRIS YAPI NE MENT PAS.
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