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Billet de blog 22 février 2021

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ÉPISODE 5 ET FIN : SACRIFICE RITUEL POUR LE POUVOIR. L’IMMOLATION DES ALBINOS DE KONG

Dans l’épisode précédent, je vous avais relaté notre arrivée dans la fameuse ville de Kong, M. Bêta et moi, où l’un de ses amis nous y avait offert le gîte et le couvert, le temps de notre séjour. J’ai passé une nuit agitée, partagé entre les révélations de mon compagnon de voyage et l’excitation qu’éprouve tout enquêteur quand il sent qu’il flaire un gros gibier.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Dans l’épisode précédent, je vous avais relaté notre arrivée dans la fameuse ville de Kong, M. Bêta et moi, où l’un de ses amis nous y avait offert le gîte et le couvert, le temps de notre séjour. J’ai passé une nuit agitée, partagé entre les révélations de mon compagnon de voyage et l’excitation qu’éprouve tout enquêteur quand il sent qu’il flaire un gros gibier. Réveillé au petit matin, je n’eus pas le temps d’un petit déjeuner que je flânais déjà dans la ville, en quête d’informations. J’étais conscient qu’il me faudrait faire un travail minutieux d’investigation et d’enquêteur indépendant. Je ne devais nullement avoir d’a priori. À bien des égards, c’est là l’une des maladies infantiles du métier d’enquêteur. Il ne faut rien prendre pour vrai d’emblée. Il faut tout questionner, tout interroger, tout vérifier. Il me fallait faire appel à mon esprit critique et adopter une pensée analytique et rationnelle dans cette affaire très sensible. Être enquêteur, c’est d’abord et avant tout avoir une curiosité intellectuelle qui amène à observer les faits et les évènements, à tenter de les comprendre et ensuite à essayer de les démêler pour en restituer la vérité factuelle et inattaquable. Quelque fois, on réussit. Certaines fois, on échoue. L’échec fait partie de notre métier.

Mais, revenons à notre enquête.

Affectant un faux air de détachement, j’ai parcouru la localité pendant d’interminables heures, sillonnant tous les coins et recoins à l’écoute des conversations, traquant les confidences, poursuivant la moindre piste qui me conduirait aux albinos. En comptant sur l’aide de la providence, je voulais absolument rencontrer quelqu’un qui pourrait me donner des informations irréfutables. Et grâce à une chance inouïe, j’ai rencontré une source incroyable. Je ne la livrerai pas ici, cela fait partie de la noblesse de notre métier. Cependant, laissez-moi vous narrer un ou deux éléments intéressants.

Le troisième jour de mon investigation, j’ai feint d’aller faire du sport, juste pour fausser compagnie à M. Bêta. Je m’éclipse donc dans la ville. Je me fondis dans la foule, comme je sais le faire. J’avais décidé de parcourir plusieurs endroits : le marché, les lieux de prière, les buvettes, etc. Arrivé aux abords du marché, j’ai trouvé une bonne dame qui vendait des galettes de mil appelées ici le womi. Le womi est fait à base de pâte de mil, de sucre et j’imagine de levure boulangère. J’en achetai pour mon appétit, mais surtout pour nouer la conversation. Ces womis étaient succulents, chauds et moelleux. Certains y ajoutaient de la bouillie de mil pour rendre plus consistant leur petit-déjeuner. Plusieurs clients ne tardèrent pas à me rejoindre et à envahir les lieux. La causerie s’anima bientôt et l’on en vint à parler politique. Je tendis les oreilles du mieux que je pouvais. Le sujet central était évidemment la prochaine élection présidentielle et la candidature de M. Ouattara. Ici, avant l’heure, tout le monde savait qu’Alassane Ouattara serait candidat. Personne n’avait le moindre doute à ce sujet. L’un des clients était particulièrement volubile et formel.

Les albinos de Kong, dont il était justement proche, lui avaient confié qu’au mois de janvier 2020, Téné Birahima Ouattara leur avait nettement indiqué que son aîné serait candidat pour un troisième mandat. Et que par conséquent eux, les albinos, devaient se rendre à Sindou, au Burkina Faso, pour entamer les sacrifices pour ce faire. La mission était limpide : obtenir que la candidature d’Alassane Ouattara soit adoubée par la terre entière.

Ce jeune homme affirmait que depuis le départ des albinos à Sindou pour ladite mission, ils n’avaient plus été revus dans la cité. Ce qui, insistait-il, était inhabituel.

Généralement, même éloignés, les albinos l’appelaient pour donner des nouvelles et faire la conversation. Mais là, rien. Silence radio.

Quant à un second jeune homme, c’était une sorte d’Arrias, le personnage volubile créé par La Bruyère. Il avait tout vu, tout entendu et il savait tout, se vantant lui aussi de connaître les deux albinos qu’il n’aimait visiblement pas. Avec force arguments, il affirmait que ces derniers étaient des sorciers et qu’à plusieurs reprises, il les avait surpris psalmodiant des versets du coran pour séduire mystiquement des jeunes filles du village, qui ne leur auraient jamais accordé la moindre attention. Ensuite, il affirmait trouver étrange que c’est seulement en pleine nuit, au moment où la ville dormait, que ces deux individus prenaient plaisir à sillonner les rues. Mieux encore, ne les avait-il pas vu un jour, fort tard dans la nuit, sortir du cimetière ? Il était donc sûr que ces albinos étaient des sorciers et que s’ils étaient allés à Sindou, ce n’était que pour faire des sortilèges contre la Côte d’Ivoire.

Ainsi et sans le savoir, les populations de Kong étaient en train de me fournir des pistes et des témoignages qui corroboraient la thèse de M. Bêta. En effet, ces albinos existaient, ils vivaient à Kong et étaient proche de Téné Birahima Ouattara.

Toutefois, cela n’était pas suffisant pour apporter la preuve qu’ils avaient disparu, encore moins qu’ils avaient été immolés. On aurait même pu se demander en toute légitimité : et s’ils étaient simplement retournés dans leurs familles respectives ou s’ils avaient voulu seulement disparaître pour prendre du bon temps ? Ces questions se bousculaient dans mon esprit. Mais pour l’heure, je pouvais noter dans mon calepin ces faits : deux albinos vivaient dans la ville de Kong. Ils ont été identifiés vivants et affublés de l’appellation « les albinos de Téné Birahima Ouattara », qui à n’en point douter, était une sorte de père adoptif pour eux.

De retour auprès de M. Bêta, nous engageâmes avec prudence le sujet. Je lui fis part de ma découverte. M. Bêta souriait de ce sourire qui en dit long. Il finit par me dire :

- Cher Yapi, cette nuit, je vous donnerai des preuves plus précises sur les albinos et ce qu’ils sont devenus. Votre enquête sera inattaquable. Elle nous conduira d’ici à plusieurs autres villes, jusqu’au Burkina Faso. Mais, juste un peu de patience. Je vous enverrai cette nuit rencontrer un ancien, un sage marabout et avec un peu de chance, nous en saurons bien plus. Je suis un homme de l’ombre et entre hommes de l’ombre, nous nous parlons et rien ne reste caché.

Décidément, ce M. Bêta était un homme bien curieux et mystérieux. J’attendis donc avec impatience cette rencontre qui devait éclairer ma lanterne. C’est aux environs de 22 heures, après le dîner, que M. Bêta m’invita à le suivre sur une voie sinueuse et sombre. Nous éclairant à l’aide de la torche de nos téléphones, nous avançâmes sur plusieurs mètres avant qu’il ne m’indique dans la pénombre, une case faite de banco. C’était là que vivait le fameux sage et homme de l’ombre que nous devions rencontrer. Nous fûmes contraints de nous baisser pour y accéder.

Dans la case, il faisait noir et une simple lampe tempête servait d’éclairage. Je retins mes commentaires pour moi, mais je ne pus m’empêcher de penser que le village du Président Ouattara, qui nous chante à longueur de journée que tous les villages de Côte d’Ivoire sont électrifiés, devait au moins bénéficier de l’électricité !

Invités à nous asseoir sur une peau de bête qui servait de tapis, M. Bêta parla au vieil homme, dans une langue que je ne comprenais pas et ce monsieur, dans un français approximatif, me tendis la main :

- Missié, ça va la maison ? Et le famille ? et les nenfants ? 

Je répondis tranquillement, essayant d’être le plus aimable possible. Alors, s’engagea entre M. Bêta et son interlocuteur nocturne un échange dans un français assez bizarre. De leurs échanges, j’ai ainsi appris, grâce aux révélations que l’ancien nous fit, que l’affaire de la disparition des albinos était une réalité. L’ancien confirma que les sacrifices humains étaient devenus légions depuis quelque temps. Il révéla qu’en réalité, les albinos de Photocopie avaient été adoptés juste dans l’attente d’une opportunité. Ils étaient comme des bœufs d’embouche qu’on engraisse en attendant l’occasion de les mettre à mort. Maintenant que l’histoire du troisième mandat s’annonçait et que les perspectives n’étaient pas heureuses pour les frères Ouattara, ils avaient estimé que le temps était venu d’immoler les albinos et cela s’est fait tout naturellement.

Cependant, a-t-il précisé, cela ne s’est pas fait à Kong, mais plutôt discrètement à Sindou, au Burkina Faso. Il ajouté qu’il avait un confrère dans cette localité à qui il pouvait nous recommander, si nous voulions vraiment découvrir toute la vérité. Il ajouta tristement que les albinos, eux-mêmes, ignoraient certainement les raisons de leur adoption et les causes réelles de la si grande attention que leur vouait la famille Ouattara. Il indiqua également que leur sacrifice serait la cause d’un grand malheur pour ceux qui les avaient offerts en immolation. Cela entrainera leur ruine et leur destruction. Le vieil homme sortit un numéro de téléphone, c’était celui de son confrère burkinabè. Il nous demanda de l’appeler de sa part et que ce dernier nous recevrait sans formalité. Il savait, dit-il, comment confirmer à son collègue notre arrivée. Nous n’en demandions pas plus. 

Personnellement, je n’étais pas du tout enchanté à l’idée de traverser la frontière et de me retrouver au Burkina Faso, à Sindou de surcroît. Et si l’on voulait m’y faire du mal ? Certes, j’ai accepté d’accompagner M. Bêta jusqu’à Kong, mais je ne savais pas grand-chose de lui, même pas son vrai nom. Et s’il m’arrivait malheur ? Assis dans la pénombre de la case, j’ai commencé à douter, à prendre peur. L’avait-il senti ? M. Bêta me tapota l’épaule et me dit ceci :

- Mon cher Yapi, nous sommes dans les profondeurs des hommes de l’ombre. Ne crains rien. Nous les anciens, nous ne trahissons pas. Nous saurons le fin mot de l’histoire.

Prenant congé du mystique de la ville, nous sommes retournés chez notre logeur. J’étais songeur, mais j’étais allé trop loin pour reculer. En plus, je n’avais pas assouvi ma soif d’informations sur cette affaire.

Après une brève nuit, me voilà comme contraint de faire le voyage du Burkina Faso, pays où je n’avais jamais séjourné. Nous avions convenu de partir très tôt, à l’heure où la ville n’était pas encore totalement réveillée. Me voici donc assis dans le véhicule de M. Bêta, calepin en main. Pour aller à Sindou, il nous fallait faire le chemin inverse jusqu’à Ferké. Puis aller à Ouangolo. Ensuite, faire 31 kms de bitume de Ouangolo à Laleraba. De là, nous devions nous rendre à Niangologo jusqu’à Soubakaniedougou par la piste, puis à Douna pour enfin arriver à Sindou. C’est en traversant le pont sur la rivière Laleraba que je me suis rendu compte de l’absurdité de nos frontières actuelles. En 1885, à la Conférence de Berlin, les colonisateurs avaient balkanisé l’Afrique, sans tenir compte de la réalité des groupes ethniques et des aires culturelles, obligeant des peuples qui n’avaient rien en commun, à vivre dans un même espace et séparant d’un trait de crayon, des peuples qui vivaient dans la même sphère ethnolinguistique. Mais, je suis sorti de mes griefs contre le colonisateur, auteur de tous nos malheurs par M. Bêta :

- Monsieur Yapi, apprêtez-vous. C’est la frontière. Nous devons la traverser. J’ai tout prévu. Vous n’aurez pas à présenter vos papiers.

À l’approche de l’agent contrôleur, M. Bêta lui tendit un billet de banque et on nous laissa passer sans contrôle. Cela me laissa songeur ! La frontière entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso venait d’être franchie. Nous voilà en route pour Sindou. À nouveau, M. Bêta devait m’entretenir longuement :

- Au fait, mon cher Yapi, connaissez-vous l’histoire de Sindou, où le père d’Alassane Ouattara fut enterré ? 

Ce village de Sindou est devenu célèbre depuis l’entrée d’Alassane Ouattara en politique dans notre pays. Vice-gouverneur de la BCEAO en qualité de citoyen voltaïque, il se fit plus tard Ivoirien pour devenir gouverneur de cette institution financière.

Néanmoins, feu le Président Félix Houphouët-Boigny décida d’en faire son premier ministre en 1990, après avoir expressément créé ce poste à cet effet, alors qu’il n’existait pas dans notre Constitution. Pensif, M. Bêta me dit ceci :

- Je vous dirai un jour, si vous le voulez bien, pourquoi Félix Houphouët-Boigny a décidé de prendre ce natif de la Haute-Volta comme premier ministre de Côte d’Ivoire. Eh oui, sachez-le, j’étais là, dans les couloirs, lorsque la question d’Alassane Ouattara a été évoquée pour la première fois et ceux qui furent les instigateurs de ce choix. Vous comprendrez les choses. Mais, n’allons pas si vite. Je voulais vous parler de la ville que nous nous apprêtons à visiter : Sindou, là où le père d’Alassane Ouattara régna en qualité de chef traditionnel. Il faut dire que ses pouvoirs étaient bien limités. La Haute-Volta était une République et la chefferie traditionnelle était en voie d’extinction. Sachez que le village de Sindou portait ce nom déjà avant notre siècle. Oui, mon cher !

Le nom Sindou est bel et bien un mot Sénoufo. Les Sénoufos que nous trouvons en Côte d’Ivoire, alors habitaient là. Sindou est une déformation par l’écriture des blancs. Le vrai nom est Sidou qui veut dire en sénoufo, cachette ou protection. Il faut dire que l’histoire remonte du temps de la guerre, des conquêtes de Samory Touré, au nom de son engagement à islamiser une partie de l’Afrique de l’ouest. Venu de sa Guinée natale, il voguait de conquête en conquête. Pour être honnête, il faut dire que Samory Touré a donné du fil à retordre au colon blanc et à l’armée coloniale. Oui, il s’opposait farouchement à ce colon blanc qui voulait, selon lui, détruire notre civilisation et surtout la religion musulmane avec ses écoles, où l’on servait à manger la viande de porc et les dieux des blancs devaient remplacer tous les autres. Les razzias de Samory Touré ont redessiné les cartes géographiques de nos pays et bouleversé nos cultures avec le déplacement des populations entières qui fuyaient la guerre. Il a eu un gros impact sur le mode vie des peuples, mais ça, c’est une autre histoire. Alors, revenons-en au village de Sindou.

La légende raconte que lorsque les soldats de Samory, appelés les sofas, pénétrèrent dans cette partie de la terre voltaïque, le village de Sindou leur donna du fil à retordre. Comme vous le verrez, Sindou est entouré de collines. Alors, quand l’assaut fut lancé sur le village, les résistants de cette localité, qui ne voulaient pas s’en laisser conter, s’organisèrent pour la défendre. Protégés par les collines et difficiles à atteindre, les villageois de Sindou, par des embuscades, portaient de sérieux coups à l’armée de Samory. Puis, ils se repliaient dans les hauteurs. Autant dire que la bataille était rude et sanglante. Face à cette guérilla de harcèlement, Samory perdit beaucoup de soldats.

Cependant, vous savez, les Sénoufos sont généralement de paisibles paysans et n’ont pas la culture de la guerre. Ils finirent par être vaincus et replièrent plus au sud, dans l’actuelle Côte d’Ivoire. Mais, ce n’est là qu’une légende. Autrefois, c’était l’oralité. Nous n’avions pas l’écriture et cette légende se transmet de génération en génération. À ce jour, les griots continuent à chanter les hauts faits de cette période de résistance.

- Donc, Alassane Ouattara est un Sénoufo ? Je le croyais Malinké, répliquai-je à M. Bêta.

- Non, non, … n’allons pas si vite dans les conclusions. Je vous donnerai plus de détails et les différentes imbrications de la vie de cet homme. Vous saurez la vérité sur Alassane Ouattara. Mais pour l’heure, allons chez le contact à qui le vieux nous a recommandés, qui lui aussi est un sachant. Je dois plutôt dire, un sorcier, conclu M. Bêta.

Le temps de traverser la ville et nous voilà chez un vieillard édenté, visiblement amaigri, mais à l’esprit vif et au regard perçant. Il nous reçut et nous servit du dolo à boire, une sorte de tchapalo. Après les civilités d’usage et les questions de courtoisie sur les conditions de notre voyage, M. Bêta alla droit au but :

- Kong, nous a demandés de venir te consulter à propos des albinos que vous avez reçus ici, attaqua-t-il.

Pour un homme de cet âge, le mensonge n’était pas une option. Il nous révéla donc, de sa voix caverneuse, que Téné Birahima Ouattara était venu dans le village affolé, arguant que la France n’était pas favorable à la candidature de leur fils Alassane Ouattara, qu’elle faisait tout pour l’empêcher et qu’il serait humilié s’il s’entêtait. Il leur dit que non seulement les blancs étaient opposés, mais qu’en plus, les Ivoiriens n’en voulaient pas et étaient prêts à se soulever. Les anciens du village se concertèrent et conclurent qu’il fallait absolument faire de grands sacrifices, si l’on voulait que cette élection puisse se faire sans qu’Alassane Ouattara ne soit humilié ou ne perde la vie dans un soulèvement populaire. Il fallait les organes vitaux et le sang d’un ou deux albinos à offrir comme offrandes pour être plus sûrs et que tout s’arrangerait par la suite pour Alassane Ouattara. Les anciens rassurèrent Photocopie qu’il n’était pas question que leur fils soit humilié. Non seulement les blancs allaient tourner casaque et seraient leurs meilleurs alliés, mais aussi que le peuple ivoirien serait placé sous une emprise mystique et que tout se passerait bien. L’armée, quant à elle, ne réagirait pas mal, si elle en avait l’intention.

- Nous allons tout faire pour que notre fils Alassane soit plébiscité. Vu comment il a développé notre village, on ne peut pas le laisser tomber, conclurent les vieux de Sindou.

Mais, il fallait absolument sacrifier un ou deux albinos pour que le travail soit impeccablement fait. Malheureusement, il se trouvait qu’il n’y avait aucun albinos dans les environs. Alors, Téné Birahima Ouattara, sans aucun remord, annonça qu’il avait deux albinos sous la main, qu’il avait adoptés et que si le sorcier le voulait bien, il les offrirait en holocauste.

- Mais, notre plus grand fétiche se trouve à 29 kms plus loin, dans le village de Soubakaniedougou. C’est là que les sacrifices doivent être faits, ajouta le vieillard.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les albinos de Photocopie avaient toute confiance en leur père adoptif. Pour eux, il était inimaginable que ce dernier puisse leur vouloir du mal. Alors, quand il leur demanda de partir pour ce village, c’est sans hésitation qu’ils se sont mis en route. Mais hélas, c’était pour rencontrer leur fatal et tragique destin. Nous nous rendîmes donc à Soubakaniedougou pour authentifier ses dires.

En effet, M. Bêta me recommanda d’aller sur les lieux pour me faire mon opinion personnelle. Alors, nous empruntâmes les 29 kms de piste pour nous y rendre. Nous avons atteint la localité dans la soirée, accompagnés du vieil homme de Sindou qui nous servit de guide. C’est dans la nuit que nous fûmes conduits au grand autel de la sorcellerie.

Avant de poursuivre, disons un mot sur ce nom si étrange de Soubakaniedougou ou tout simplement Soubaga. La légende raconte que lors de la bataille contre les sofas de Samory, ce village fit une démonstration de puissance occulte face aux troupes de l’envahisseur. Quand l’assaut fut donné, les sorciers du village transformèrent toute la population en crapauds. Les soldats n’ont trouvé qu’un village désert. Quand ceux-ci voulurent s’y abreuver, la rivière aux eaux claires du village, devint subitement une rivière de sang. Et c’est de soif que Samory perdit cette bataille. Alors, on appela la ville Soubakadougou (Soubagadougou) qui devint Soubakaniedougou, ce qui signifie le village des sorciers. Ils étaient en effet redoutables.

À présent nous sommes sur les lieux où les albinos trouvèrent la mort. Notre interlocuteur semble se réjouir. Il est formel : les albinos ont été égorgés en les faisant tomber dans un piège. Dans ce métier, il n’y a pas de pitié. Un sacrificateur spécial de la ville vînt pour trancher la gorge des infortunés albinos et recueillir leur sang. À Soubaka, on est persuadé que l’avenir d’Alassane Ouattara était plus important que la vie de deux pauvres albinos, alors on a agi en conséquence. Une fois recueillis, leur sang et leurs organes vitaux furent ajoutés à des mixtures. Le produit final fut séché et réduit en poudre. Il fallait répandre celle-ci sur la Côte d’Ivoire et la mélanger à l’air que les habitants respirent. Le vieil homme assurait que cela était l’antidote pour les populations. L’Armée dont les noms des grands chefs et de tous les officiers, sans exception, avaient été transmis à ces sorciers, devait, elle aussi se tenir tranquille. Une fois les albinos sacrifiés, on devait assister à un revirement du président français qui devrait approuver la réélection d’Alassane Ouattara.

Personnellement, au terme de mon enquête, je vous dis tout net : je ne sais pas exactement ce qui s’est passé dans ce village. Mais des choses sont certaines : primo, les albinos ont été identifiés à Kong, tout le monde les connaissaient. Secundo, ils ont été acheminés à Sindou, ensuite à Soubakaniedougou, où il est évident qu’ils ont disparu sans laisser de traces. Ont-ils été égorgés et leur sang a-t-il servi de sacrifice aux divinités maléfiques pour maintenir Alassane Ouattara au pouvoir contre le gré des habitants de la Côte d’Ivoire ? Chacun s’en fera une opinion. Moi, j’ai pu retracer l’itinéraire des albinos. Je n’ai certes pas assisté à l’immolation, mais les anciens sont catégoriques : les albinos ont été sacrifiés pour permettre à leur fils de conserver le pouvoir. M. Bêta me dit : 

- C’est évident qu’ils sont morts, puisque depuis lors, on ne les a plus jamais revus.

Je laisse à mon compagnon toute la responsabilité de ses propos. Cette affaire est très grave, d’autant plus que c’est le petit frère du président de la République qui est impliqué. J’ai mon opinion sur cette affaire et comme M. Bêta est plutôt franc du collier, j’ai tendance à penser qu’il dit vrai. Dans mon esprit, il est clair que seule une investigation au long cours pourrait situer définitivement sur le sort des albinos disparus de Kong. Ainsi prend fin mon enquête sur les traces de ces disparus et qu’on ne verra certainement plus jamais. J’ai maintenant hâte de retourner à Abidjan, où j’ai, pour la première fois, rencontré M. Bêta.

Dans ma tête, je tourne et je retourne cette lancinante question : pourquoi Téné Birahima Ouattara n’a-t-il pas signalé à la police la disparition de ses fils adoptifs ? Il aurait dû alerter toutes les polices mais là, c’est l’omerta. C’est à vous de juger ! Verra-t-on les albinos de Kong, un jour ? Pour l’heure, ma conclusion est NON. Tout indique qu’ils sont vraisemblablement dans l’au-delà.

C’est sous ce prisme qu’il faut comprendre que la désobéissance civile n’a pas été un succès. Les opposants ivoiriens étaient-ils déjà envoûtés et n’arrivaient-ils pas à mobiliser les populations ? Un fait est que le peuple n’a pas pu manifester à Abidjan et qu’en plus l’Armée n’a pas bougé. Et que dire de ce spectaculaire revirement d’Emmanuel Macron, se faisant quasiment le directeur de campagne d’Alassane Ouattara dans son interview à Jeune Afrique, lui trouvant des circonstances atténuantes pour le viol de la Constitution ?

Ma mission est terminée et nous retournons sur Abidjan là où tout a débuté. À la semaine prochaine pour une toute nouvelle série sur les secrets d’États.

CHRIS YAPI NE MENT PAS.

Voir d’autres vidéos en lien avec celle-ci :

- ÉPISODE 1 : MA RENCONTRE AVEC MONSIEUR BÊTA - https://youtu.be/35fhprUZln0

- ÉPISODE 2 : L’AFRIQUE, SES MYSTÈRES ET SES CROYANCES ! : https://youtu.be/n6VZEy7Zh4M

- ÉPISODE 3 : LE VOYAGE DE KONG : LÀ OÙ TOUT A COMMENCÉ - https://youtu.be/LAulz_HJ6J0

- ÉPISODE 4 : LES ALBINOS DE TÉNÉ BIRAHIMA OUATTARA - https://youtu.be/et4IksC3nnA

LES ENQUÊTES-ENTRETIENS DE CHRIS YAPI ET DE M. BÊTA :

ÉPISODE 5 ET FIN : SACRIFICE RITUEL POUR LE POUVOIR. L’IMMOLATION DES ALBINOS DE KONG.

Visionnez cette publication sur la Chris Yapi TV Officiel : https://youtu.be/3S8hVvXmDp8

CHRIS YAPI NE MENT PAS.

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