ÉPISODE 1 : TOUTE LA VÉRITÉ SUR LES PASSEPORTS DE M. LAURENT GBAGBO
Depuis quelque temps maintenant, je fréquente M. Bêta, cela vous le savez. Nous nous voyons selon le rythme qui lui convient et dans les endroits qu’il choisit lui-même. Je vous l’ai déjà dit, M. Bêta est un personnage bien mystérieux. Il sait beaucoup de choses, mais ne consent à me livrer quelques secrets de la République qu’à son bon vouloir. Il choisit toujours les sujets de nos conversations et détermine seul, le moment où il estime en avoir suffisamment dit et qu’il faut suspendre notre entretien. C’est lui le maître de l’horloge et des circonstances. Rappelez-vous qu’au début de notre rencontre, il m’a régulièrement menacé d’interrompre toute collaboration avec moi, si son anonymat n’était pas strictement et scrupuleusement garanti. Nos contacts sont restreints et je n’en saurai pas davantage sur sa vie passée et présente. Je sais seulement qu’il a été un fonctionnaire de la République. Mon instinct d’enquêteur me dit qu’il a dû travailler dans plusieurs services secrets, au vu de la somme considérable d’informations sensibles qu’il détient. Et parlant d’informations sensibles, venons-en au fait du secret qu’il a décidé de me confier.
Nous sommes assis dans un bistrot, comme le font généralement les espions de la CIA ou du KGB. Je le rejoins à sa table, légèrement à l’écart des autres clients et offrant une vue suffisamment dégagée sur l’entrée. Il a un cigare à la bouche et moi un verre de whisky, qu’il a bien voulu m’offrir. Plongeant son regard scrutateur dans le mien, il commence à me parler à voix basse, comme s’il ne voulait être entendu que par moi seul. Il me dit :
- Mon cher Yapi, connaissez-vous la vraie histoire de la délivrance des passeports de M. Laurent Gbagbo ?
À ces mots, il avait un sourire aux lèvres et affichait un air réjoui de celui qui sait des choses cachées. Je lui répondis avec un sourire :
- Voyons, M. Bêta, je n’ai pas eu besoin d’enquêter sur ce dossier puisqu’il était public. Je sais que M. Gbagbo, après son acquittement par la CPI, le 15 janvier 2019, a fait une demande normale d’obtention de son passeport diplomatique. Et quand les choses traînaient, impatient, il s’est lui-même rendu le mardi 28 juillet 2020 à l’Ambassade de Côte d’Ivoire à Bruxelles pour mettre la pression en vue d’exiger ce qui est pour lui un droit. D’ailleurs, son avocate Me Habiba Touré, a produit un communiqué public pour en informer l’opinion nationale et internationale. Quand le processus de délivrance semblait bloqué, l’avocate a fait un autre communiqué, le 25 août 2020 pour s’en émouvoir.
C’est après cela que des fonctionnaires ivoiriens du ministère des Affaires étrangères sont allés lui remettre ses passeports ordinaire et diplomatique à Bruxelles. Je crois savoir que le compagnon de M. Gbagbo, le nommé Assoa Adou, a rencontré le Premier ministre Hamed Bakayoko pour faciliter les choses. Mais, M. Bêta, tout ceci était dans la presse.
Alors, M. Bêta posa un regard quelque peu moqueur sur moi. Avec sa voix douce, mais grave, il enchaîna :
- Mon cher Yapi, je vous l’ai déjà dit, mais vous ne l’avez peut-être pas suffisamment retenu. Dans toute affaire, il y a toujours deux vérités. Celle officielle, qui est servie publiquement au peuple pour le divertir et celle officieuse, qui est cachée et à laquelle n’ont accès que les sachants et les hommes de l’ombre. Sachez-le, le Premier ministre, l’Ambassadeur Abou Dosso et même M. Assoa Adou n’ont joué aucun rôle, sinon peu, dans la décision de l’établissement des deux passeports de M. Gbagbo.
Je n’en croyais pas mes oreilles. À entendre M. Bêta, je suis surpris et même ahuri, car toute la Côte d’Ivoire a cru connaître les acteurs de cette affaire ! Qui n’a pas vu la fameuse photo du Premier ministre à ses bureaux, posant avec messieurs Assoa Adou et Danon Djédjé, les mines réjouies ? Alors, je lui pose la question quelque peu incrédule :
- M. Bêta ! Pour une fois, je ne veux pas vous contredire, mais qui sont donc ces mystérieux personnages qui auraient pesé sur M. Ouattara pour obtenir qu’il délivre lesdits passeports à M. Gbagbo ?
Et M. Bêta de répliquer :
- Allons, mon cher Yapi, pas si vite. Je vous les révèlerai, ne vous en faites pas, mais avant parlons d’un homme. Un homme que la jeune génération ne connaît certainement pas, tant il est discret et effacé, mais tout aussi efficace. C’est un grand ami de M. Ouattara, même s’il est un éminent membre du PDCI et un homme de confiance de M. Bédié.
Cet homme, de l’ethnie baoulé, a été d’abord ministre d’Houphouët-Boigny, de 1990 à 1993 quand Alassane Ouattara était Premier ministre. Puis, deux autres fois Ministre d’État quand Henri Konan Bédié était Président, d’abord de 1993 à 1995, ensuite de 1998 à 1999. Pendant toute cette période, il a occupé le poste de Ministre de l’Agriculture. Il est octogénaire, mais malgré le poids des ans, il continue de travailler inlassablement dans le secteur de l’agriculture.
Ainsi, il a été nommé Président du Conseil d’administration du Conseil Café Cacao de 2012 à 2015 par Alassane Ouattara. Puis, reconduit pour un autre triennat de 2015 à 2018, mais il demeure en place jusqu’à ce jour. Aujourd’hui, il a une santé fragile qui l’amène à faire de fréquents séjours à Paris, où il possède plutôt une jolie résidence.
- Bêta aime le suspens. Je vois bien qu’il me fait languir. Je ne connais pas l’homme dont il me parle et évidemment, je suis impatient de connaître ce mystérieux et discret personnage, qui a manœuvré dans l’ombre pour résoudre l’épineux problème du passeport de M. Gbagbo. Dossier qui avait cristallisé l’actualité ivoirienne, tant bon nombre de nos compatriotes ne comprenaient pas qu’on refuse à un ancien président de la République, son droit le plus élémentaire d’avoir accès à un document de voyage. Il faut dire que cela était perçu comme une injustice par les Ivoiriens et Alassane Ouattara n’avait jamais été autant haï et particulièrement par les partisans de M. Laurent Gbagbo que durant cette période de crispation politique. M. Bêta, calmement, repris son récit :
- Cet homme est aussi un grand ami à un chef d’État de la sous-région ouest africaine.
- Qui donc ? Je ne pus m’empêcher de lui demander abruptement.
- J’imagine que vous avez deviné celui dont il est question ! C’est bien le Président de la Guinée-Conakry, lui aussi un dictateur de nos tropiques qui a changé la constitution de son pays pour se porter candidat à un troisième mandat. Il a fini par s’autoproclamer Président. Une vraie gangrène, ces histoires de présidence à vie en Afrique.
D’ailleurs, il me revient qu’il se fait désormais appeler Professeur Alpha Condé. C’est un peu ridicule, mais passons ! Disons que les deux hommes se connaissaient depuis les années 80 et les deux familles se sont longtemps fréquentées. Quand le Président Alpha Condé était dans l’opposition, il fréquentait assidûment son ami ministre qui lui offrait alors gîte, couvert et argent. À l’époque, M. Alpha Condé n’était pas fortuné et il lui fallait diriger son parti, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG). Ce parti est né en 1977 sous le nom de Mouvement National Démocratique (MND), qui deviendra ensuite en 1980, Unité – Justice - Patrie (UJP), puis se rebaptisera Rassemblement des Patriotes Guinéens en 1988, avant d’être légalisé en 1992 sous le titre de Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG). Depuis 2012, il s’appelle désormais RPG-Arc-en-ciel par l’absorption de 44 micros partis.
Diriger un parti politique d’opposition dans une Guinée de dictature, d’abord de Sékou Touré (président de la République de Guinée du 02 octobre 1958 au 26 mars 1984) et ensuite de Lansana Conté qui fut président du 05 avril 1984 au 22 décembre 2008, n’était pas une sinécure.
En 1998, candidat à la présidentielle contre le Général Conté, il est arrêté en plein scrutin et sera incarcéré durant 28 mois, suite à une condamnation à 5 ans de prison pour « atteinte à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national ». Ces condamnations politiques d’opposants ne vous rappellent-elles le dictateur ivoirien Alassane Ouattara ? Les dictateurs ont tous presque le même modus operandi ! Ils condamnent à l’emporte-pièce leurs opposants et challengers en espérant les anéantir. Et c’est plutôt le contraire qui se produit, car ces opposants tôt ou tard deviennent présidents ! C’est aussi le cas d’Alpha condé !
Emprisonné, je vous l’ai dit, il ne fut libéré en 2001 que grâce à une gigantesque mobilisation internationale incluant les États-Unis, la France, Amnesty International, l’Union Interparlementaire (UIP) et l’ONU. Avant cela, en 1970, il avait été condamné à mort par contumace par le dictateur Ahmed Sékou Touré dont il fustigeait l’autoritarisme et la dictature sur la place de Paris. Je vous parlerai volontiers de ces présidents parce que je connais bien la Guinée-Conakry. J’y ai travaillé quelques années durant. Et puis, j’ai des contacts très introduits dans ce pays.
« Contacts », ça y est ! Le mot est lâché. Je me suis toujours interrogé sur le sens réel de ce mot de la bouche de M. Bêta. Ne parlait-il pas ainsi de façon codée des services secrets ? Mais, je ne le saurai guère puisque mon interlocuteur ne m’en dira pas plus. Mystère.
Fin du premier épisode.
CHRIS YAPI NE MENT PAS.
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ÉPISODE 1 : TOUTE LA VÉRITÉ SUR LES PASSEPORTS DE M. LAURENT GBAGBO.
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CHRIS YAPI NE MENT PAS.