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Billet de blog 6 décembre 2015

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#collège2016 - Pourquoi je ne ferai toujours pas grève le 26 janvier 2016...

«La logique du révolté est... de s'efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel.» L'Homme Révolté, Albert Camus

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La réforme du collège, une réforme raisonnable, une réforme nécessaire, une réforme urgente et attendue par de très nombreux enseignants, parents et élèves, une réforme qui ne concerne qu'à peine 13% du temps total des emploi du temps d'élèves (J'aurais aimé qu'elle concernât bien davantage mais ne soyons pas trop exigeant... C'est un début vers des transformations irréversibles...) est aujourd'hui la cible des attaques les plus violentes qu'on ait vues depuis une autre réforme: celle des rythmes scolaires. A l'époque déjà, les opposants ne voulaient rien changer. Le mot "maintien" revenait de manière récurrente. Maintien... Maintien... Maintien... S'opposer est un droit absolu; débattre est une nécessité démocratique; proposer est une obligation à la fois formelle et  morale.

Cette réforme est un dernier avertissement, le dernier je le crains, lancé à une France drapée dans les oripeaux d'hier, révolutionnaire, admirative de sa devise qu'on apprend aux élèves, LIBERTE - EGALITE - FRATERNITE et pourtant, hélas, hélas, toujours plus inégalitaire, ces inégalités que l'Ecole, si elle ne les crée pas, ne fait RIEN pour les réduire! Nous devons tous en avoir conscience. Aujourd'hui bien plus que jamais! Car si la réforme n'empêchera pas les extrémismes de prospérer, elle est construite pour, entre autres, permettre aux enfants de la République de se mélanger, de se parler, de ne plus se regarder en chiens de faïence, de se comprendre et non de se méprendre. A force de nous ignorer, nous nous sommes mis à "mal nommer les choses" et "mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde" comme l'a dit Brice Parain, ami et contemporain de Camus*...

L'Ecole (au sens large) est en danger et met la France en danger de radicalisation nationaliste et populiste si elle continue de trier, jetant par dessus bord 150 000 gamins par an depuis quatre décennies! 150 000 aigris, 150 000 auxquels on a fait réciter par coeur la devise inscrite souvent aux frontons de nos établissements scolaires, 150 000 déçus parmi lesquels le Front National n'a plus qu'à puiser pour alimenter ses funestes desseins pour un tragique destin! Une bonne nouvelle est venue récemment nous confirmer qu'il faut poursuivre les "travaux" de refondation: le nombre des décrocheurs est enfin en recul!

Il est regrettable de constater que certains médias, certains éditorialistes, certains intellectuels, tous ayant pour point commun de n'avoir pas lu, ou mal lu, ou lu avec les lunettes déformantes de l' idéologie hurlante, servent de relais à l'opération de déstabilisation, de destruction d'une réforme loin d'être une "révolution".

Il est intéressant de constater que tous ces anciens excellents élèves ayant bénéficié d'un système entièrement construit pour eux, reproduit par eux, ne s'en prennent pas à la réforme dans son ensemble. Une réforme, rappelons-le mille fois, proposée pour tous les élèves et non pour quelques-uns. (C'est peut-être ce qui gène, allez savoir...). Ils ne s'en prennent qu'à trois des thèmes que le projet, porté par Michel Lussault, Président du Conseil Supérieur des Programmes, a offert au débat: les langues vivantes dont l'allemand, les lettres classiques (Latin et Grec) et l'Histoire. Trois disciplines présentées par les opposants à la réforme comme étant en danger de mort ou de "travestissements" alors qu'il s'agit tout au contraire d'ouvrir ces discplines à un plus grand nombre d'élèves pour les langues et les lettres classiques, d'offrir une liberté pédagogique réclamée pour l'enseignement de l'Histoire. Si le projet n'avait touché "que" la technologie ou les disciplines artistiques, personne, absolument personne n'aurait trouvé à redire. Mais avec les langues vivantes, mais avec les lettres classiques - que je défends absolument pour toutes et tous! - , mais avec l'Histoire, le Conseil Supérieur des Programmes a mis le doigt sur des patrimoines, sur des Graal, sur des "intouchables".

Si je ne nie pas la "valeur" de ces disciplines car je ne nie la valeur d'aucune, je trouve  étrange que tel quotidien, telle association, tels intellectuels, tels syndicats, tels polémiste auto-proclamé "journaliste" n'écrivent et ne parlent que pour venir au secours de ces SEULES matières pourtant nullement en danger AVEC la réforme mais en risque de mort rapide SANS elle. Rappelons une fois encore que le latin, pour parler de lui, représente 20% d'élèves en 5è, 5% en seconde et 1% après le Baccalauréat. C'est hier et aujourd'hui qu'il est en danger de mort! Où étaient, au passage, les annonciateurs d'Apocalypse lorsqu'il fallait être au chevet de la langue de Cicéron? Les raisons profondes qui poussent tous ces soudains défenseurs de la dernière heure à s'inquiéter ne sont pas forcément celles qu'ils annoncent et qu'ils nous forcent à imaginer. Ne soyons pas dupes!

Quant à l'autonomie des établissements, elle est l'objet d'attaques dont la contradiction révèle l'équilibre de la réforme. En effet si les syndicats opposants s'attaquent à cette autonomie en la trouvant "contraignante" (??), le SNPDEN (Personnels des direction) la trouve trop timide.

Ce que je défends, avec beaucoup d'autres, vraiment beaucoup d'autres, va bien au-delà de l'Ecole, va bien au-delà de cette réforme que je soutiens avec vigilance mais avec conviction.

Notre pays se trouve à un point d'équilibre de son Histoire si ancienne et si riche. La République a enfanté une autre "République" qui, petit à petit, a réuni en son sein la partie supérieure, celle des "gens éduqués", celle des "initiés", celle qui comprend le langage, celle qui vit dans l'entre-soi et se déplace avec aisance dans la jungle des filières. Cette "autre République", discrète mais puissante, s'est appropriée la Liberté, l'Egalité et la Fraternité pour en faire deux outils:

- l'un qui exclut les enfants des non initiés de la voie royale;

- l'autre qui s'oppose à toute réforme pour le maintien des acquis, de SES acquis: une force d'inertie incroyable, très conservatrice et hostile à tout ce qui lui semble être une mise en danger de ses privilèges.

Et tout cela dans une parfaite bonne conscience!

Et tout cela pour maintenir, toujours maintenir, un système qui, soyez-en persuadés, mène ce pays vers la catastrophe! Car ceux-là ne veulent pas voir que l'Ecole qu'ils défendent, à force d'exclure, ajoute aux flots déjà bouillonnants des extrémismes populistes!

Culpabilisation? Non!

Avertissement? OUI!

Voilà pourquoi je soutiens cette réforme.

Voilà pourquoi, tout en respectant celles et ceux qui feront un autre choix, je ne ferai pas grève le 26 janvier 2016.

Christophe Chartreux

* Camus qui pensait sans doute à son ami Parain lorsqu'il écrivit:

«La logique du révolté est... de s'efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel.» L'Homme Révolté

Oui, employons des "langages clairs"...

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