Le vide…
Comme la nature, la politique en a horreur. Et pourtant, c’est bien un « vide » qui dirige la septième puissance mondiale. Un « vide » construit sur un malentendu…
Celui consistant d'abord à faire admettre au « bon peuple » la proximité du candidat avec la philosophie, plus exactement avec un philosophe : Paul Ricoeur. Cette amitié, cette complicité, ces « travaux » en commun furent beaucoup moins importants – c’est aujourd’hui de notoriété publique – que le disent quelques commentateurs paresseux, le jeune Macron ayant aidé le philosophe à établir une bibliographie pour « La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli » paru en 2000. Pendant la campagne présidentielle et après l’élection, cette belle histoire continua de répandre son parfum. Elle était utile. Elle comblait un vide.
Quelque temps après, la philosophie laissa la place au romanesque.
Le Président se voulut, et sa cour avec lui - car une fois au Palais, il céda aux habitudes anciennes. Donc vite, une cour ! - « personnage romanesque ». Philippe Besson commit même un livre intitulé « Un personnage de roman – Macron par Besson » paru chez Julliard. À la lecture – difficile car ennuyeuse – de ce livre, il est impossible de savoir si Emmanuel Macron est davantage Rastignac que Sorel. Et pour cause ! Le président de la République n’est pas et ne sera jamais un personnage romanesque. Et n’écrira jamais ce « roman national » que beaucoup d’intellectuels appelaient pourtant de leurs vœux enamourés. Les plus fanatiques allant même jusqu’à affirmer qu’il s’écrivait sous nos yeux par la grâce, le génie, la clairvoyance de ce jeune homme que rien ni personne ne pourrait arrêter dans son ascension de l’Olympe. Plus tard, Zeus deviendra Jupiter. Avant la chute…
Je me souviens de mes personnages de roman. Aucun d’entre eux n’avait envie d’un destin « macronien ». Toutes et tous me ressemblaient. J’avais envie de les suivre dans leurs aventures, leurs chevauchées, leurs intrigues, leurs douleurs comme leurs amours. Qui aujourd’hui souhaiterait devenir un « Macron » ? Absolument personne. La « Macronie » a érigé une statue de héros antique, de Dieu – Jupiter – et ce faisant a confondu « roman » et « mythe ». Si le premier offre à aimer des histoires, le second fige l’Histoire, la rend inaccessible aux mortels. Sans doute, par cette erreur involontaire, les soutiens du candidat puis du Président voulaient-ils combler le vide politique « contenu », si je puis dire, dans les discours d’Emmanuel Macron. J’invite chacune et chacun à les relire. Ou à les écouter. Tout est tellement flou et approximatif qu’il fallut très vite raconter d’autres histoires, créer un autre « personnage ». Celle du « personnage romanesque » n’était qu’une erreur de plus venant confirmer ce qui désormais se voit, s’entend : nous avons élu un simulacre. Définition la plus courante : « Apparence qui ne renvoie à aucune réalité sous-jacente »
Le vide encore. Le vide toujours. Mais le vide UTILE quand le réel proposé – le projet – est incompréhensible, rendu volontairement inaccessible au citoyen lambda.
Encore un petit effort et le « personnage romanesque » deviendra bientôt un algorithme… Avec un avantage non négligeable : être dispensé du « courage de la vérité » dont parla magnifiquement Michel Foucault lors de sa dernière leçon donnée au Collège de France, en 1984, quelque temps avant sa mort. Pour aboutir au pire, au contraire de la démocratie qui n’est pas, comme il est usuel de l’affirmer, la dictature. Non, le pire est ailleurs : dans la démagogie.
Mon amie, mon héroïne a le regard sombre et le sourire lumineux. Elle a tous les courages. Dont celui de la vérité. Elle a les enthousiasmes et les chagrins des personnages de mes romans d’adolescence. Ses « aventures » pourraient être les miennes. Elle est ma « petite sœur », ma compagne de route. Je la reconnais à un regard ; je la comprends à quart de mot. Chaque rencontre est un chapitre. Chaque conversation est un espoir. Point de simulacre. Seulement la réalité d’une vie.
Romanesque…
Christophe Chartreux