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Billet de blog 12 février 2018

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Faire progresser nos élèves en mathématiques dans des classes à 28 et double niveaux?

Et, pendant 5 ans, nous sommes passés - mais peut-être était-ce l'objectif - à coté des enjeux essentiels de l'Ecole. Nous sommes bien partis pour qu'il en soit de même. Un zeste de "chronologie", deux doigts de "neurosciences", un filet de "Méthode de Singapour" et l'on oublie le reste:

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"50% des élèves de CM2 en France ne sauraient pas combien font 35,1 x 100" annonçait France Info ce matin.

Puis présentait le "plan mathématiques" concocté par le duo "Villani/Torossian" en mettant en lumière deux des 21 mesures proposées pour améliorer le "niveau"(sic) des élèves français:

- augmenter le nombre d'heures de formation en mathématiques pour les futures professeurs des écoles: 80h en France contre 400 à Singapour;

- adopter la méthode dite de Singapour

Je suis toujours surpris d'entendre véhiculer ce type de pourcentage. 50% des élèves français en échec devant telle ou telle opération. Annoncé ainsi, de manière abrupte, ce chiffre ne signifie strictement rien. En revanche il fait naître une idée reçue supplémentaire - il y en a déjà énormément - dans l'esprit du public qui traduit l'annonce médiatique en:

"Nos élèves sont nuls!" ou bien: "Nos profs sont nuls!"

C'est faux, tant pour nos élèves que pour nos collègues Professeurs d'école.

Personne ne nie les difficultés rencontrées par l'ensemble de la communauté éducative, enseignants et élèves, face aux mathématiques et à ses apprentissages. Elles existent et des progrès conséquents sont à accomplir.

Mais ce pourcentage ne met pas en avant les questions auxquelles il convient d'apporter réponses:

Qui sont ces élèves? Quel est le parcours scolaire de chacun? Quelle "histoire" a-t-il vécu et vit-il? Qui sont ces enseignants et quel est leur parcours? Dans quel milieu social baignent ces élèves testés? Leur école est implantée dans quel environnement? Etc.

Autant de réponses non fournies par l'annonce "sèche" d'un pourcentage qui impressionne et surtout engendre un débat fondé sur des bases incomplètes. Le monde de l'éducation semble s'être spécialisé dans ce domaine. Chacun se souvient des discussions enflammées autour du prédicat - que je pratique avec bonheur pour mes élèves, de la mort du latin (+ 6% de latinistes en 2017! Dans mon collège, nous refusons du monde!) ou de l'absence de chronologie dans l'apprentissage de l'Histoire (Cette chimère vient d'être remise sur le tapis par la nouvelle Présidente du Conseil Supérieur des Programmes que j'invite à ouvrir TOUS les manuels d'Histoire de France et de Navarre avant de s'enfermer dans l'erreur). Je n'alourdirai pas mon propos en y ajoutant les débats ridicules sur la disparition de l'accent circonflexe.

Et, pendant 5 ans, nous sommes passés - mais peut-être était-ce l'objectif - à coté des enjeux essentiels de l'Ecole. Nous sommes bien partis pour qu'il en soit de même. Un zeste de "chronologie", deux doigts de "neurosciences", un filet de "Méthode de Singapour" et l'on oublie le reste:

- des fermetures de classes en milieu rural (Une promesse non tenue du Président de la République);

- des classes surchargées et des doubles niveaux. J'ai hâte d'assister à une séance de maths en primaire, dans une classe à 28 et double niveau. La "Méthode de Singapour" dans de telles conditions, cela va être... sportif!

- la mort du dispositif "Plus de maîtres que de classes";

- le retour de la semaine de 4 jours. Absurdité française...

Autant de problèmes auxquels il faudrait en ajouter beaucoup mais le temps me manque et d'autres, plus experts, le font déjà ou le feront bientôt.

Je ne pourrais pas terminer ce court billet sans évoquer la formation des enseignants. Le gouvernement, et il a raison, semble faire de la formation des futurs professeurs d'école une priorité. Je m'en réjouis.

Mais je ne peux m'empêcher de rappeler deux choses:

1- en matière d'éducation, qui nécessite un temps long, de réflexion, d'application et de résultats, il faut entre 5 et 10 ans pour constater les effets d'une politique;

2- il y a 10 ans, pendant le quinquennat de Monsieur Sarkozy, 80 000 postes d'enseignants ont été supprimés. La formation initiale a été supprimée. Il a fallu attendre l'élection de François Hollande pour revenir à la raison. Mais le mal était fait. L'actuel locataire de la Rue de Grenelle s'en souvient encore...

Nous sommes en 2018... Je vous laisse calculer et évaluer les conséquences...

C'est une opération facile celle-là. Nul besoin de méthode, fut-elle de Singapour..

Christophe Chartreux

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