Echangeant avec un interlocuteur sur un réseau social, celui-ci vint à me dire ceci:
" Je ne supporte pas que le Ministère me prive d'ateliers!" (il s'agissait je crois d'ateliers de langue).
Je lui demandai alors si ces ateliers étaient ouverts à tous les élèves ou seulement à quelques-uns.
"A des élèves volontaires et qui ne posent pas de problèmes de comportement" me fut-il répondu...
Ce bref échange démontre s'il en était besoin que la promesse d'égalité républicaine n'existe plus et que cette inexistence est assumée, revendiquée et, bien entendu, appliquée depuis des années sans que cela ait suscité la moindre révolte importante. La fracture éducative, je devrais dire "LES" fractures, est constatée depuis des années mais n'a pas été combattue avec le courage politique qui aurait permis, au moins de la réduire, au mieux de l'éliminer.
Réussir à l'école ne peut plus être réservé à quelques-uns, ceux "ne posant pas de problèmes de comportement". Il ne s'agit pas de croire ni de faire croire que TOUS les élèves réussiront de la même manière. La "bisounourserie béate" dont les pédagogues sont accusés n'existe que dans les caricatures des anti pédagogues.
Il s'agit, comme le disait Jacques Delors dans ses Mémoires*, de "permettre à chaque homme et à chaque femme de faire face" et de ne pas "contribuer à l' INEGALITE des chances"! Une inégalité qui commence dès la naissance et poursuit l'enfant/élève toute sa vie scolaire aussi férocement que le sparadrap du Capitaine Haddock dans Tintin au Tibet.
Je l'ai dit, écrit, le redirai et le réécrirai: les décisions prises depuis 2012 en matière d'éducation sont celles correspondant à la plus belle promesse de la République:
l' EGALITE!
Pas l'égalitarisme, expression utilisée par les adversaires et les "mécontents permanents" pour dénaturer le second terme de la devise républicaine inscrite aux frontons de nos écoles! Parmi ces décisions:
- la refondation du collège;
- la mixité socio-scolaire;
- les créations de postes (plus de 6000 dès la rentrée 2016 quand 80 000 avaient été détruits!);
- la recréation de la formation avec les ESPE (quand toute la formation avait été détruite!);
- le rôle des délégués de parents;
- les relations "écoles/entreprises";
- la construction en cycles assurant une continuité plus homogène de l'Ecole jusquà la 3e de Collège:
Cycle 1 : cycle d'apprentissages premiers (petite, moyenne et grande sections de maternelle)
Cycle 2 : cycle des apprentissages fondamentaux (CP, CE1 et CE2)
Cycle 3 : cycle de consolidation (CM1, CM2 et sixième)
Cycle 4 : cycle des approfondissements (cinquième, quatrième et troisième)
Etc.
Alors que des milliers de jeunes se sentent déclassés par des échecs successifs et permanents, échecs que l'Ecole ne crée pas mais qu'elle ne parvenait plus à limiter, alors que des milliers de jeunes se replient sur eux-mêmes puis disparaissent dans le décrochage scolaire (en baisse pour la première fois cette année), alors que des milliers de jeunes vivent les différences comme des humiliations parce que ces différences touchent TOUJOURS les mêmes, affaiblissent TOUJOURS les mêmes, relèguent TOUJOURS les mêmes pour finir par éliminer TOUJOURS les mêmes des "réussites" rendues inaccessibles au fil des années, alors enfin que ces milliers de jeunes, s'ils ne sont pas tous concernés - heureusement et pour l'instant - sont de plus en plus attentifs aux sirènes populistes, nourrissant un électorat construit sur le mensonge, il serait temps de leur offrir autre chose que l'IDEE d' EGALITE pour enfin la leur faire VIVRE! La leur faire vivre en leur parlant, en les intégrant et en cessant de toujours "parler des décrocheurs" sans JAMAIS les "faire parler"!
D'ici à 2017, l'Education doit être un fer de lance des valeurs humanistes, portées souvent par les gauches. Elle a commencé, courageusement car du courage, dans ce Ministère "complexe", il en faut ainsi qu'une dose de patience illimitée. Il faut poursuivre dans ce sens, aller plus loin encore dans la défense et illustration de l'EGALITE républicaine!
Car l'Egalité commence à l'Ecole, dès la petite section de maternelle pour se poursuivre et s'enrichir tous les jours, pour INTEGRER et non pour TRIER ni ECARTER, sous la responsabilité des enseignants dont les difficultés de travail n'ont jamais été ignorées, encore moins niées, ni par Najat Vallaud-Belkacem, ni avant elle par Vincent Peillon.
Christophe Chartreux
* Mémoires, Jacques Delors (en collaboration avec Jean-Louis Arnaud), Plon Paris 2003