https://youtu.be/KOnYzFBc1hE
La force de cette lycéenne et sa rage tragique après la mort de lycéens et professeurs américains se suffisent à elles mêmes. Elles traduisent, seules, sa peine et son incompréhension devant les décisions et réactions d'un Président irresponsable mais coupable ! J'ai eu les larmes aux yeux en l'écoutant, en la regardant... J'ai pleuré. Avec elle. C'est peut-être une marque de faiblesse. Mais je préfère être "faible" qu'indifférent.
Et puis, je n'ai pu m'empêcher d'avoir un regard professionnel sur cette jeune fille remarquable. J'ai trouvé qu'elle disposait d'une aisance oratoire hors du commun pour une élève de son âge. La raison est simple : les Etats-Unis n'ont pas le meilleur système éducatif au monde, loin de là MAIS aux Etats-Unis - je peux en témoigner - les élèves prennent la parole, les professeurs échangent énormément avec eux, avant, pendant et après les cours. L'oral va de soi alors qu'en France, seul l'écrit est encore trop valorisé quand l'oral n'est "toléré" que sous forme d' "écrit oralisé" : oral d'Histoire des Arts ou les fameuses récitations ou même encore les clubs théâtre.
Il FAUT développer tout cela mais il faut aussi reconsidérer nos séances de cours. Nos élèves sont passifs parce que NOUS les avons rendus passifs. Notamment en collège. Voilà des années que je le constate. Ils arrivent en 6e, enthousiastes, souriants, participatifs. Ca part un peu dans tous les sens mais en "canalisant", ils sont formidablement réceptifs et manifestent des qualités "orales" formidables. Les MEMES en 3e sont "éteints". Je le sais puisque j'enseigne dans le même établissement depuis des années. Je les vois devant moi. Et qu'on ne vienne pas me dire qu'il s'agit d'un problème d'inhibition du à l'âge, bla bla bla... Non!
L'idée récente du Ministre, copié-collé du "colloquio" des lycées italiens, n'a strictement rien à voir avec l'ORAL! Ce n'est pas ça l'oral! L'oral est d'ailleurs un mot que je n'utilise jamais. Je parle d' "échanges argumentés". Et cela demande, de la part de l'enseignant, le "courage" de laisser les élèves s'exprimer, d'abord avec LEURS mots, LEURS expressions, LEURS erreurs. Puis, par un travail lent, bienveillant mais rigoureux (la bienveillance est une rigueur!), par des corrections progressives, les amener à débattre posément, à respecter la parole de l'autre, à écouter et à répondre "verticalement" (prof/élèves) et "horizontalement" (élèves/élèves). Voilà ce que c'est l'oral. Le Ministre ne propose que cet "écrit oralisé" qui n'aura d'oral que le nom. Nos élèves DOIVENT être incités à s'exprimer, pas à subir de mini oraux de CAPES. Or la parole est encore trop souvent considérée, en tout cas en collège, comme une agression à l'encontre du professeur qui y voit une atteinte contre son POUVOIR! Il A la parole et il A le stylo rouge, ce rouge "couleur du maître et des empereurs de Chine" disait mon père.
Il m'est arrivé, lors de certaines séances, de ne quasiment pas intervenir. Les élèves SE PARLAIENT, notaient au tableau les arguments des uns et des autres, construisaient la réflexion. Je recadrais de temps à autres... Puis nous rédigions la fameuse trace écrite à partir de leurs échanges. Dans une classe de 4e à 28! Et toutes et tous pendant 50 minutes ont participé. Mais ceux-là, avec une autre collègue de maths qui appliquaient les mêmes pédagogies, nous les avions depuis la 6e. Ils étaient "formés" et SURTOUT ils n'avaient pas PEUR de s'exprimer, d'échanger parce qu'ils savaient que leur parole prenait sens en étant respectée.
AUCUNE de mes séances n'a jamais et ne sera jamais silencieuse ou privée d'échanges. Je mourrais d'ennui !
Christophe Chartreux