Alors que la Démocratie devrait prendre soin des citoyennes et des citoyens, nous observons depuis 2017 l'installation prégnante d'un sentiment qui ne devrait pas faire partie des outils de gouvernance, ni des moyens de pression des corps intermédiaires, ni enfin des sujets redondants saturant l'espace médiatique.
Ce sentiment très présent ces derniers mois a un nom: la peur.
Lorsque les français choisissent - ou plus exactement s'imposent ce choix - de voter pour Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle 2017, beaucoup d'entre ceux-là le font par peur. La peur de voir triompher Marine Le Pen. La peur de livrer la France à l'extrême droite.
Lorsque les Gilets Jaunes commencent à occuper les ronds-points, la colère les anime et "fabrique" leur combat commun mais la peur du déclassement, de l'oubli de leurs conditions, alimente leurs revendications et tissent leurs solidarités.
C'est encore la peur, cette fois gouvernementale, qui obligera le pouvoir à céder quelques milliards pour apaiser les révoltes et freiner les violences hebdomadaires terrorisant - ce qui se comprend - les commerçants, touristes et habitants des quartiers touchés. Encore la peur.
Lorsque cette collègue enseignante dit au Premier Ministre et au Ministre de l'Education Nationale que ceux-ci les écoutent, non pas parce que les remarques et propositions des professeurs les intéressent, mais parce qu'ils ont peur, elle met très précisément l'accent sur ce sentiment qui au lieu d'aider la réflexion, de faciliter le débat, l'empêche, voire l'interdit.
Lorsque des membres de la communauté éducative refusent de répondre à des journalistes ou ne le font qu'à condition de ne pas révéler leur identité, c'est encore et toujours la peur - de la sanction - qui les oblige à se protéger.
Lorsque le gouvernement, très fortement soutenu et relayé par des médias d'information en continu, par des chroniqueurs matutinaux omniprésents, fait planer la menace d'une grève durable des transports pendant les congés de Noël, la peur lui est très utile une fois encore.
Lorsque Laurent Berger (CFDT) quitte au bout d'une heure une manifestation "unitaire" - celle du 17 décembre - et que son entourage affirme - je cite - qu' "il y avait trop de monde autour de lui", la peur devient un motif d'explication.
La peur, encore et toujours.
Ajoutée au flou très employé par le pouvoir macroniste depuis mai 2017 - et par le candidat Macron - les français sont en droit de se poser les questions suivantes:
"La démocratie en 2019 joue-t-elle toujours son rôle protecteur?
N'est-elle pas fort mal servie par bien des acteurs divers en charge de la faire vivre?
La peur, réelle ou fabriquée, est-elle devenue un outil de gouvernance parmi d'autres?"
J'ai très peur de la réponse.
J'espère néanmoins que 2020 verra l'émergence de discours enfin différents sachant réenchanter l'imaginaire français, sachant remplacer la peur par les idées - ces idées qui mènent le monde - et par l'espoir.
Christophe Chartreux