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Billet de blog 20 mars 2025

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Déclinisme : « Le niveau baisse ! »

« Le niveau baisse ! ». Ce cri est devenu le leitmotiv des détracteurs de l’Ecole : parents désespérés parce que mal informés, professeurs aigris se consolant dans la lecture ou l’écriture de pamphlets mensongers, mais très « tendance », inspecteurs irascibles.

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« LE NIVEAU BAISSE ! »

« Le niveau baisse ! ». Ce cri est devenu le leitmotiv des détracteurs de l’Ecole: parents désespérés parce que  mal informés, professeurs aigris se consolant dans la lecture ou l’écriture de pamphlets mensongers, mais très « tendance », inspecteurs irascibles. Même la presse, en particulier télévisuelle, emboîte le pas aux « anti pédagogues ». L’interview de Jean Paul Brighelli sur France 2 par une Françoise Laborde plus que complaisante fut à cet égard révélatrice de l’audience accordée à tous les poncifs véhiculés, dont ce trop fameux « le niveau baisse ! ».

Rien de nouveau sous le soleil pourtant. En 1938, voila ce qu’écrivaient les collaborateurs de Jean Zay, Ministre de l’Education Nationale du Front Populaire (assassiné par les nazis avec la complicité de Vichy) : « On constate que la lecture courante n’est pas acquise à 10 ans par la moyenne des élèves. Dans les première et deuxième années du primaire supérieur (aujourd’hui 6ème et 5ème), nombre d’élèves n’ont pas la perception rapide et globale des mots et des phrases qui seule permet une lecture courante et intelligente ».

Toujours en 1938, ces propos sont devenus « Instructions du 20 septembre relatives aux arrêtés du 23 mars 1938 » et concernant l’apprentissage de la lecture (Bibliothèque pédagogique EDSCO, Editions scolaires, Chambéry 1950, Edition Originale, page 30)

« LECTURE ET RECITATION. –  (…) Des constatations faites dans de nombreuses écoles, il résulte que « la lecture courante » n’est pas complètement acquise à 10 ans par la moyenne des élèves. (…) Dans la deuxième année du Cours supérieur et même dans la première année des écoles primaires supérieures, on voit encore des élèves qui n’ont pas cette perception rapide et globale des mots et des phrases qui seules, permet une lecture courante intelligente »

Enfin, j’ai pris le plaisir de comparer les programmes de Français suivants :

-       Programmes et Instructions de l’Enseignement Primaire » en rapport avec l’enseignement du Français : 1923, 1938, 1945, 1946, 1947

                                                                   ET

-       Instructions officielles « Cycle des approfondissements Cycle 3, Bulletin Officiel de l’Education Nationale hors série Numéro 1 du 14 février 2002 (Instructions en vigueur actuellement)/Toujours uniquement en ce qui concerne l’enseignement du Français

  • Rien que sur le plan quantitatif, les instructions 2002 sont TRES NETTEMENT plus denses que celles de 1947 et antérieurement, contrairement à toutes les idées reçues qui courent les salles de professeurs.
  • Concernant l’enseignement de l’Histoire en Ecole Primaire/Cycle 3, là encore CONTRAIREMENT AUX IDEES RECUES, cet enseignement est CHRONOLOGIQUE !

BOI 14 FEVRIER 2002, page 21 : Objectifs : (…) Le respect du déroulement chronologique, jalonné par des dates significatives, y est donc essentiel et constitue l’une des bases de l’approche historique.

                                                                      Programme : (…) La programmation (…) doit respecter l’ordre chronologique et ne négliger aucune période, y compris la plus récente.                                      

                                                                      Compétences (devant être acquises en fin de cycle)/Page 23 : Etre capable de distinguer les grandes périodes historiques, pouvoir les situer CHRONOLOGIQUEMENT (…).

Je pourrais encore apporter bien des preuves, par un travail comparatif, que les programmes actuels et leur application n’ont strictement rien à envier à ceux de 1947. La crainte de la dégradation de la qualité de l’enseignement est plus vieille encore que l’Ecole gratuite, laïque et obligatoire. Ces textes montrent si besoin est à quel point les « adorateurs » d’un age d’or de l’Education Nationale se trompent et nous trompent.

(J’accuse au passage, à la lumière de mes propres recherches et à la lumière des recherches présentées plus avant, tous ces enseignants aigris, véritables révisionnistes du passé, mensongers sur le présent et uniquement soucieux de leur petite part de « gloire » au travers de leurs écrits médiocres, de n’agir qu’à des fins politiciennes.)

Curieusement, il existe très peu d’études scientifiques sur les niveaux comparés des élèves du début du XXème siècle et d’aujourd’hui. Quelques indications néanmoins :

-       1973 : François Ters, Orthographe et vérités, Paris, ESF, 1973 : Celui-ci a comparé les résultats sur une même phrase dictée aux élèves des cours moyens en 1904 et 1965. L’avantage revient à ces derniers.

-       L’INRP (Institut National de la Recherche Pédagogique) s’est intéressé aux performances en Mathématiques des enfants de cours moyens 1957, 58 et 61 d’une part, 1970, 77, 78 d’autre part, 1997, 98 et 99 enfin. La conclusion est sans appel : « Les enfants savent aussi bien faire des opérations qu’il y a 20, 30 et 50 ans. En géométrie, ils sont très nettement plus performants »

-       Louis Legrand, Chercheur en Sciences de l’Education, a observé qu’un enfant de 1990 devait en savoir et en assimiler beaucoup plus que son petit camarade de 1900, tout programme comparé.

La prétendue « baisse de niveau » est bien un fantasme engendré par une société inquiète de son avenir et de son Ecole. Depuis les années 1975/80, les rumeurs persistantes sur le thème « France, ton enseignement fout le camp ! » sont véhiculées parallèlement à la mise en place de la démocratisation de l’Ecole et à la baisse du prestige social du corps enseignant. Les maîtres ne sont plus les notables considérés d’avant guerre. Plus grave même, plutôt que d’avouer leurs faiblesses, pourtant compréhensibles, plutôt que de confronter leurs difficultés pour les résoudre EN EQUIPES, beaucoup d’enseignants en rejettent la responsabilité sur leurs élèves ou sur les Pédagogues dont, il faut le dire et le redire, un nombre infime de propositions a été effectivement appliqué.

En retour, les parents légitimement sensibles à ces difficultés, accusent l’Ecole. Professeurs d’Ecole, Professeurs de collèges et lycées, parents, tous se renvoient la balle, convaincus à la longue que « le niveau baisse ». Longtemps, encore aujourd’hui d’ailleurs, on a cru que ces difficultés d’apprentissage, réelles pour certaines, fantasmées pour d’autres, résultaient d’une querelle de méthodes pédagogiques et qu’une fois l’affaire réglée, on n’en parlerait plus ! Malheureusement aucune lumière n’a jamais jailli des disputes entre tenants de la méthode globale de lecture (jamais appliquée) et tenants de la méthode alphabétique ou syllabique (B-A- BA).

Christophe Chartreux

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