A propos de la jeunesse... 12 septembre 2021...
Depuis plusieurs années – je ne saurais donner une date précise mais accordons-nous pour commencer aux "années Chirac" - il est de bon ton d'accabler la jeunesse en pointant du doigt son incivisme, son insouciance, son égoïsme et surtout son détachement de la “chose” politique. Les taux de participation lors des derniers scrutins vont apparemment en ce sens : n'étaient-ils pas 87% des 18/24 ans à ne pas avoir voté lors des dernières échéances régionales et départementales ? La jeunesse nous désespère en renonçant aux urnes.
Mais peut-être aussi et surtout se désespère-t-elle et pratique-t-elle d'autres formes de civisme, échappant aux “radars” habituels d'observation des comportements, tous focalisés sur la participation aux élections. La jeunesse actuelle aime l'engagement. J'en suis persuadé car témoin. Mes élèves de collège – certes non électeurs encore – et toutes celles et ceux que j'observe via les réseaux sociaux, les cercles associatifs, les organisations non gouvernementales (ONG) et autres vecteurs “vivants” faisant vibrer filles et garçons, aiment participer, agir, se retrouver pour “faire ensemble” bien davantage encore que seulement “vivre ensemble”. Leurs préoccupations, lorsque nous prenons la peine et le temps de les écouter, sont très ancrées dans le présent et leurs propositions dessinent un avenir qui n'est pas celui offert par les partis traditionnels, de droite comme de gauche. Ils “taguent” le futur quand les élus et candidats "à l'ancienne" ne leur offrent qu'un triste tableau aux couleurs différentes certes, selon tel ou tel, mais enfermé dans les carcans obligés des appareils politiques. Ces derniers observent avec sympathie, parfois condescendance, la jeunesse défilant pour le climat à l'appel d'une Greta Thunberg qui, à dix-sept ans à peine, a su emporter l'adhésion d'une génération pourtant accusée de défaitisme, de je-m'en-foutisme, d'égoïsme "propre à leur âge". Formule ô combien fausse !
L'élection d'Emmanuel Macron, théorisant la fin des clivages gauche/droite, affirmant vouloir se passer des corps intermédiaires – partis politiques et syndicats entre autres – n'a rien arrangé. Croyant clarifier le paysage, le candidat Macron élu Président n'a fait que le brouiller. La jeunesse du XXe siècle disposait de repères dans un monde construit, presque schématiquement. La France oscillait entre des idéologies clairement établies allant d'un communisme puissant à une droite républicaine affirmée. Les extrêmes tentant difficilement de se faire une place. La chute du Mur de Berlin, la fin des deux blocs s'opposant dans une guerre froide, la mondialisation, le libéralisme triomphant jusqu'en Chine, tout cela a fait exploser les visions habituelles d'un monde qui en septembre 2001, un 11 septembre, a vu au sens propre du terme, s'effondrer ses illusions. Aux "désordres idéologiques", Emmanuel Macron a ajouté le flou utilisé en outil de gouvernance. Usant et abusant d'annonces peu claires, il a suscité les commentaires. A longueur de journée. Et, à force de commenter ce qui n'était que des annonces, il a souvent pu laisser croire que celles-ci étaient réalisées. Ce qui, dans la jeunesse avide de résultats rapides et concrets, a amplifié lassitude et déception. Ce qui incite aussi une partie non négligeable de la jeunesse à rejoindre les populistes simplistes trop heureux de récupérer les "brebis égarées".
Mais le pire est encore de vouloir singer la jeunesse. Dans son langage comme dans ses habitudes. Lorsqu'Emmanuel Macron convoque à l'Elysée les youtubeurs Mc Fly et Carlito, il pense – peut-être en toute bonne foi – parler à cette tranche d'âge qui fait défection les jours d'élection. En s'affichant avec eux, en employant leurs réseaux (Instagram; Tik Tok; etc) il est persuadé bien faire, bien “viser”. Il n'en est évidemment rien. Ce n'est pas en se contentant de s'immiscer dans des moments partagés par des jeunes ENSEMBLE qu'un seul homme, qui plus est Président de la République, parviendra à faire oublier qu'il n'agit qu'avec l'espoir de récupérer un “capital sympathie” pouvant un jour se transformer en “capital politique”. Les jeunes ne sont pas dupes ou c'est faire bien peu de cas de leur clairvoyance. C'est aussi et surtout les éloigner un peu plus encore de ce qu'ils sont de plus en plus nombreux à considérer comme un cirque réservé aux “vieux”: la politique. Reste l'école. Celle-ci, par l'Education Morale et Civique (EMC) fait ce qu'elle peut, avec les moyens qui lui sont chichement octroyés, pour faire comprendre les enjeux politiques des élections, l'importance du vote, son utilité, son Histoire, ses valeurs et principes, bref tout ce qui contribue à la formation du "citoyen dans la cité". Hélas, sans donner suffisamment d'importance à ce qui devrait être une discipline à part entière souvent entièrement à part, au point parfois de "disparaître“ au profit de cours plus ”fondamentaux".
La jeunesse aspire à être entendue, à participer à des actions collectives, à partager ses expériences, ses savoir-faire. Les femmes et hommes d'expérience feraient bien de modifier leurs attitudes à son égard.
D'urgence !
Christophe Chartreux