La Macronie est une île. Isolée, coupée de plus en plus du "continent des français", des citoyens. Elle a une île voisine, presque jumelle: la Mélenchonie. Un duel sans fin les oppose par médias et réseaux sociaux interposés. Un combat sans autre intérêt - si je puis dire - que d'assécher le débat, éliminer les adversaires et affaiblir la démocratie. Si nous n'y prenons pas garde, lorsqu'à la fin s'étant entre-tués il ne restera rien d'autre que deux terres désertes et mortes, vides de tout, qui prendra la place laissée vacante par ce duo d'apprentis-sorciers?
Mais il y a plus grave encore...
Car si le débat politique est en ce moment réduit à une affligeante médiocrité, c'est d'abord et avant tout parce que l'intelligence est, en Macronie, tous les jours agressée.
Il est aujourd'hui devenu plus gênant, voire dangereux, de faire preuve d'intelligence que de suivre le troupeau agressivement gardé par les bergers macroniens! Malheur aux députés de la majorité osant émettre un avis contraire à la ligne dictée depuis l'Elysée!
Le Président, le gouvernement, les députés de la majorité, ces "maîtres des horloges" semblent gagnés par le démon de la vitesse. Qu'un événement se produise et les voilà tous frénétiquement installés devant leurs claviers pour inonder la toile de leurs éléments de langage; en voici d'autres courant les plateaux de radios et télévisions pour débiter quasi industriellement les mêmes éléments de langage reçus sur les téléphones portables. Sans l'ombre jamais - ou très rarement - d'un contradicteur de poids. Les journalistes, eux-aussi soumis aux contraintes de la vitesse ne s'embarrassent pas d'opposer un argument. Il faut laisser dire, même n'importe quoi.
Les médias que j'appelle "mainstream", ceux qui tournent en boucle dans les halls et bars d'hôtels, dans les cafés, les boutiques d'aires d’autoroutes, parfois même les salles d'attente préfectorales, assomment les téléspectateurs et auditeurs, les poursuivent, les happent, les traquent. Partout. Jusque dans leur voiture.
Et nous voilà sommés d'entendre toujours les mêmes opinions, claironnés par les mêmes personnes, souvent à longueur de semaine et de week-end. Goldnadel, Zemmour, Bastié, d'Ornellas entre autres jusqu'aux éditocrates de Valeurs Actuelles. Ils accusaient la gauche de bien pensance. Mais au moins pensait-elle!
A ceux-là, et sans les mettre sur le même plan, vous ajoutez quelques pincées d'Aurore Bergé, Benjamin Griveaux et Christophe Castaner pour obtenir l'illusion de la "disruption" et de l'originalité. Tragique captation de l'intelligence qui devrait être partagée quand elle est de plus en plus confisquée pour être détournée.
Jamais, à aucun moment, il ne vous sera proposé d'avoir le droit de ne pas comprendre. De savoir le dire ni le faire dire.
Jamais, à aucun moment, il ne vous sera permis d'interroger le "non savoir".
Jamais, à aucun moment, il ne vous sera demandé de vous intéresser à la part d'ombre alors qu' "il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon).
L'intelligence en Macronie n'a plus de place. Ou seulement si celle-ci se glisse dans une réflexion apprise, convenue et conforme à la pensée élyséenne. Alors il sera dit de vous que vous êtes "intelligent", jugement de valeur d'une rare stupidité. Oui, voilà: l'intelligence en Macronie est devenue "stupidité" paresseuse, simulacre. Un détournement!
Heureusement il existe des résistances. Les Julia et Agathe Cagé, Raphaêl Glucksmann, Yves Citton, bien d'autres encore mais trop peu entendus appliquent sur les ondes un baume réconfortant. Ils ne détiennent nullement le "monopole" de l'intelligence! Ils osent simplement proposer autre chose que les simplismes populistes - le populisme est un mensonge! - imposés à notre quotidien. Bien mieux qu'originaux, ils offrent à la réflexion ce que la Macronie veut effacer: le débat d'IDEES! Cette "disputatio" que Macronistes et Mélenchonistes abîment à force de querelles picrocholines aussi vaines que médiocres. Mais qui plaisent aux temps contemporains, avides de spectaculaire bien davantage que de profondeur réflexive.
L'exemple de l'emballement qui a saisi le gouvernement lors du "braquage" d'une collègue d'un lycée de Créteil, est l'illustration de ce détournement de l'intelligence.
Dès les images diffusées sur les réseaux sociaux, ce fut le déferlement d'annonces, de déclarations martiales, de prises de position incroyablement rapides, de condamnations. Le hastag "Pas de vague" vint alourdir la barque. Qui coula définitivement avec les multiples plateaux télés et radios voyant se succéder des "experts" dont l'immense majorité n'a jamais mis le bout du bout d'un orteil dans un établissement scolaire.
Croyez-vous que quelqu'un, au gouvernement, avant toute prise de parole, eut l'idée de rendre visite à l'équipe pédagogique pour l'écouter? Non.
Croyez-vous que quelqu'un, au gouvernement comme dans les médias osa cette iconoclaste question:
comment une vidéo tournée de manière illégale a-t-elle pu être multi-diffusée et utilisée sans que jamais personne ne demande son retrait et son interdiction?
Non...
Elle fut posée pourtant. Par ceux-là même qu'on aurait aimé voir et entendre en lieu et place des "sachants" de tous bords: nos collègues du lycée Branly de Créteil! (voir lien de bas de page)
Des femmes et des hommes intelligents...
Christophe Chartreux
https://www.huffingtonpost.fr/thierry-boucher/ce-quil-se-passe-vraiment-dans-notre-lycee-branly-nest-pas-ce-que-vous-avez-vu-dans-cette-video-violente_a_23569445/?fbclid=IwAR3U2R3D2KEkCZyLv-iBLSC0a7B9bYIEGbRNH2utR0BuM8QhxZxDSAH11eU