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Billet de blog 29 mars 2025

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Zéro de conduite...

Si Jean Vigo revenait parmi nous, j'en suis persuadé, il nous mettrait Zéro de conduite...

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Zéro de conduite...

Assistant à la projection du chef-d'oeuvre de François Truffaut, Les quatre-cents coups, réalisé alors qu'il n'avait que vingt-neuf ans, observant d'un œil amusé le regard porté par le réalisateur de L'Enfant Sauvage sur l'école des années cinquante, je ne pus m'empêcher d'établir un parallèle avec un autre réalisateur, très antérieur mais du même âge : Jean Vigo et son seul film connu, Zéro de conduite (1930). Mort à vingt-neuf ans, l'anarchiste poète du cinéma français y montrait, entre autres, un internat de jeunes garçons qui, un soir, décident de « prendre le pouvoir » dans un remake symbolique d'une prise de la Bastille improvisée dirigé par un maître d'internat dépassé par les événements au cours d'une mémorable bataille de polochons terminée au milieu des plumes et des chemises de nuit blanches, chemise de nuit qu'un des élèves soulève un dixième de seconde, dévoilant sa virilité adolescente, ce qui valut à Zéro de conduite d'être censuré jusqu'en 1949...

Ce qui interdit à Jean Vigo, disparu trop tôt, de voir son film enfin en salles.

Outre le fait que ces metteurs en scène ont su et voulu dépeindre une jeunesse  "réelle" et non idéalisée comme celle que le cinéma français a repris la mauvaise habitude de nous vendre (à part les exceptions notables de Doillon, Kiarostami et Laurent Cantet, évidemment, avec son magnifique Entre les murs, Palme d'or à Cannes), outre le fait que l'école des Truffaut et Vigo n'était en aucun cas l'illustration exemplaire du trop fameux et mensonger « C'était mieux avant », j'établissais au cours de la projection un parallèle, peut-être audacieux, avec ce qu'avaient su faire les metteurs en scène de la nouvelle vague - rompre avec les habitudes d'un cinéma lissé, en ordre, aux mains des scénaristes, avec des comédiens-marionnettes et des sujets convenus dans des décors et sujets artificiels - et ce que nous, enseignants au sens large du terme, ne savons pas (ou ne voulons pas) faire, c'est à dire, dans une nouvelle vague éducative, renverser la table, rompre avec les mauvaises manières, proposer et imposer d'autres pistes, utiliser ce qu'il y a de meilleur dans l'existant (Truffaut racontait des histoires de manière très « classique ») sans craindre la nouveauté ou ce qu'on appelle « nouveauté » mais qui est parfois fort ancien.

Nous disposons pourtant, depuis des années, des travaux de nos Truffaut, Godard, Chabrol, Rivette de l’Éducation. Hélas les résistances sont restées fortes, y compris à l'intérieur de notre institution. Nous n'avons pas su lire nos Cahiers du Cinéma à nous, cette Bible qui fit avancer le cinéma français, le dépoussiéra, lui fit obtenir des lettres de noblesse auprès des plus grands metteurs en scène étrangers (il faut relire les entretiens Truffaut-Hitchcock, monument d'intelligence créatrice et fondatrice). Notre école est restée trop souvent celle des prudences et des habitudes, des convenances et du politiquement très correct. Nous voyons notre école à la manière d'un Gérard Jugnot quand il conviendrait de la considérer comme un Jean Vigo...

« Dites M'sieur, c'est quand la nouvelle vague ? » Si Jean Vigo revenait parmi nous, j'en suis persuadé, il nous mettrait Zéro de conduite...

Christophe Chartreux

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