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Billet de blog 9 mai 2012

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Un ministère de l'immigration ? La question se posait déjà en ... 1924!

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Un discours sur les immigrés, en 1924. A-t'il beaucoup changé aujourd'hui?

Texte assez long, mais combien "édifiant" !

NÉCESSITÉ, EN FRANCE, DE RÉGLER L'IMMIGRATION

 Puisque nous avons sous les yeux cet exemple de deux nations dont l'unité politique n'a point été altérée par la multiplicité de leurs origines, puisque d'autre part nous savons que la France elle-même a toujours reçu sans en souffrir des apports allogènes, ne sommes-nous pas amenés à nous demander si cette même politique d "implantation, qui a constitué la Prusse et les Etats-Unis, ne pourrait pas être un des remèdes à proposer à ce fléau de la dépopulation qui nous affaiblit ? 

J'entends bon nombre de nos lecteurs se récrier, protester: « Nous sommes déjà trop envahis. » Et c'est vrai! Il est des quartiers de Paris où l'on ne rencontre guère que des personnages dont le teint olivâtre et le langage énigmatique révèlent des atavismes sans rapports, même très lointains, avec cette race dont sortirent Vercingétorix et Jeanne d'Arc. 

(..)

Il y a des maux qui sont nécessaires, mais alors, ces maux, la sagesse consiste à les soumettre, dans la mesure du possible. au contrôle de la science et de la volonté. 

 Il y a deux ans. on comptait déjà en France. officiellement. 700.000 Italiens. 550.000 Espagnols, 500.000 Belges, 400.000 Russes, 200.000 Polonais, 100.000 Portugais, 70.000 Anglais. 60.000 Américains, 60.000 Suisses. 25.000 Luxembourgeois. 15.000 Allemands. 15.000 Grecs, 15.000 Arméniens, Depuis ce temps. ces quantités se sont certainement beaucoup accrues, et il faut admettre aussi qu’un nombre considérable d'indésirables parviennent à s'infiltrer chez nous et à échapper à toute surveillance administrative, On se rendra compte de la rapidité avec laquelle grossit sur notre territoire la population étrangère quand on saura qu'à Paris seulement les Italiens, qui étaient au nombre de 34.000 en 1914. atteignaient, en 1923, le chiffre de 81.191. Les Belges, dans le même temps, passaient de 24.000 à 85.000, les Espagnols de 5.000 à 30.000. Les Roumains, de 1921 à 1923. passaient de 8.000 à 16.000. 

Il faut encore compter avec une plèbe algérienne, tunisienne et marocaine qui dépasse 100.000 hommes et qui est concentrée principalement dans le département de la Seine. Nous ne voyons, certes, aucune objection à ce que ces musulmans, qui sont d'ailleurs des sujets français, viennent gagner leur vie chez nous, mais il serait prudent, décidément, de mieux vérifier lesquels de nos Sidis sont de bons et honnêtes Sidis. Un grand nombre de crimes et d'attentats révoltants ont été récemment commis par des Africains du Nord; la presse, si longue à s'émouvoir, a été amenée à protester contre la licence qu'on leur laisse. On a affirmé que la lie de la population africaine affluait chez nous, à telles enseignes que la criminalité, après son exode, aurait diminué dans les diverses contrées d'où elle est sortie, Un pareil scandale a duré trop longtemps. Il faut que les individus enclins à la violence et à l'alcoolisme soient immédiatement rendus au pays des lions; il faut que le port des armes soit rigoureusement interdit à tous ces Africains auxquels l'ivresse inspire trop souvent des idées d'homicide. 

(..)

L'un des principaux soucis des législateurs français devrait être de créer des lois nouvelles et une gendarmerie adéquate aux nécessités du temps présent. Nous sommes désormais, par la force des choses, un pays qui doit compter avec la présence sur son sol de quelques millions d'étrangers dont le passé, très souvent, est mystérieux. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous n'assurerons la sécurité chez nous que si nous créons une police nombreuse, énergique, expéditive et capable de traiter au besoin les malfaiteurs étrangers « à l'américaine ». Désireux de pratiquer l'implantation, nous oserions exprimer le vœu qu'elle n'aboutît pas à une implantation de coutelas dans nos intestins, comme c'est trop souvent le cas depuis cinq ou six ans. 

 L'ORGANISATION ACTUELLE

 Comment songerions-nous à enrayer l'immigration quand il s'est créé en France des organisations destinées à la stimuler? La Société française d'immigration, installée 35, rue SaintDominique, est née d'une association conclue entre le Comité central des houillères de France et l'Office central de la main-d'œuvre agricole. Nos mines, en 1919, après le départ de plusieurs dizaines de milliers de prisonniers allemands, manquèrent de travailleurs. Le Comité central tenta de s'en procurer en plusieurs pays, fit des essais en Italie et en Tchécoslovaquie et, finalement, trouva le meilleur recrutement en Pologne. Au bout de quatre années, il avait introduit on France 80.000 ouvriers polonais dont un tiers étaient venus avec leurs femmes et leurs enfants. Par la suite, d'autres industries ont demandé au Comité central de leur fournir des ouvriers de cette nation : nos sucreries, nos usines métallurgiques en reçurent; on compte environ 4.000 Polonais au Creusot et 50.000 Polonais sont aussi répartis dans nos grandes exploitations agricoles. La Société française d'immigration est d'ailleurs une institution puissante ; ses agents nombreux et expérimentés sélectionnent, en Pologne même, les postulants. A l 'heure actuelle, cette immigration polonaise en France constitue un fait social de première importance. Hommes,  femmes et enfants additionnés, il y a, au total, plus de 200.000 sujets polonais sur notre territoire. Le Polonais, livré à lui-même et agissant individuellement, est tout à fait apte à devenir vite un Français. Mais les groupements que nous signalons ont leurs écoles où enseignent 33 instituteurs polonais, et ils ont aussi leur clergé national. Nous admirons comme il convient une telle organisation créée pour conserver à ces immigrants leur « statut » intellectuel et religieux. Mais nous dirons tout à l'heure quelles autres idées il nous est indispensable d’envisager. 

(..)

Quels sont, en définitive, les meilleurs immigrants ? Ce sont les hommes de métier ou les agriculteurs, provenant de races solides et susceptibles, dans certains cas, de s'implanter en France, d'y faire souche et de grossir ainsi notre masse nationale. Quels sont, par contre, les plus indésirables immigrants? Ce sont ceux qui, venus chez nous dans le but de s'y constituer un pécule, l'emporteront intégralement et aussi vite que possible hors de nos frontières. 

Les étrangers qui, en arrivant chez nous, recherchent et grossissent des groupements compacts de leurs compatriotes déjà établis en France, conservant leurs mœurs, leur langue et tendant à former sur notre territoire de véritables communautés étrangères, rebelles à toute assimilation, ceux-là peuvent nous rendre des services, mais leurs agglomérations, quand nous les voyons trop denses, nous inspirent certaines préoccupations. 

A cet égard, la situation de la Provence mérite une attention particulière. C'est de toutes les provinces françaises la plus envahie par les étrangers et, chose grave, par des étrangers dont le pays natal est limitrophe de la France. Une telle particularité ne devrait pas être indifférente à nos hommes d'Etat. Les Italiens forment, chez nous, la colonie étrangère la plus nombreuse de toutes. Nous n'en sommes pas offusqués, mais est-il inévitable que cette colonie tende à constituer une masse ? 

NOUS FAUT-IL UN MINISTÈRE DE L'IMMIGRATION? 

 Revenons à notre question initiale. L'institut ion d'un ministère de l'Immigration nous serait-elle, en dernière analyse, nécessaire ? Il y a quelques mois, je n'en doutais pas. Aujourd 'hui, après enquête et réflexion, je le crois de plus en plus. Les questions qu'aurait à envisager le personnage chargé de jouer un tel rôle seraient des plus délicates et de nature à froisser certaines susceptibilités éminemment respectables, si elles étaient traitées sans des précautions qui, d'ailleurs, s'imposent aussi au rédacteur de cet article. 

 L'expérience nous a déjà prouvé que, même chez les peuples les plus amis de la France, ceux aussi où la natalité est surabondante et où l'enfance est souvent misérable, il y a des chefs politiques qui s'indignent, protestent quand nous dévoilons notre dessein de nous assimiler une partie des immigrants qui viennent manger chez nous. Aucun d'eux ne veut admettre que nous puissions ainsi songer à faire, au détriment de sa race à lui, des prélèvements de chair vive parmi les hommes qui ont franchi nos frontières. Le souci des Etats qui nous envoient des travailleurs est que ceux-ci conservent leur nationalité, tandis que, pour les mêmes raisons, nous devons désirer que les meilleurs d'entre eux s'enracinent sur notre sol. Tout dans l'activité d'un tel ministre devrait donc être silencieux. Il déterminerait quelles sortes d'Européens pourraient être accueillies et de quelles autres il conviendrait de ralentir l'invasion. Il s'efforcerait avant tout d'empêcher la concentration, l'agglomérat ion des sujets d'une même nation dans une seule de nos provinces ; et sa tactique fondamentale consisterait à « concasser », à répartir utilement la masse immigrée de telle sorte que, utile partout, elle ne puisse devenir dangereuse en aucun lieu. Nous ne voulons pas qu'il se constitue en France des petites patries étrangères où notre langue ne pénètre même pas. Notre droit est de tout mettre en œuvre pour composer, comme bon nous semble, la France de demain et lui épargner certains périls ; et ce droit-là prime, de beaucoup, celui que tendraient à s'arroger certains étrangers quand ils prétendent, sur notre territoire, poursuivre des fins qui ne sont pas les nôtres. Jamais la maxime suivant laquelle il faut diviser pour régner n'est plus juste et plus légitime qu'en pareil cas. 

Ce ministre invisible, inconnu mais vigilant, étudierait les moyens de favoriser l'implantation. Ayant judicieusement disséminé ses divers éléments étrangers, il rechercherait comment nous pourrions leur rendre la patrie française hospitalière, agréable et tutélaire. Car nous ne saurions, en aucun cas, employer la contrainte et il nous faudrait seulement songer à séduire. Pour que de nombreux étrangers éprouvassent le désir de devenir des Français, il faudrait. les y encourager par la promesse de quelques avantages ; il faudrait - point important - les loger décemment, les bien traiter; il faudrait aussi leur rendre la naturalisation plus expéditive et moins onéreuse qu'elle ne l'est. Que de chinoiseries bureaucratiques à réformer, que de prétendues précautions désuètes et don', un examen rationnel démontrerait l'inanité! 

Enfin, on tâcherait de favoriser le mariage des meilleurs étrangers avec des Françaises. Mais il serait urgent de décider que dorénavant toute Française épousant, en France, un étranger ne perd pas sa nationalité et qu'elle en garde toutes les prérogatives. Les enfants nés de ces unions auraient les devoirs et les droits des autres citoyens français. Nous l'avons vu en Irlande, en Prusse, et partout. c'est la femme qui est la grande conservatrice de la langue, des mœurs, des traditions et même des préjugés nationaux ; c'est la femme qui les transmet aux générations futures : c'est la femme qui, en quelques années, assimile à sa race à elle les éléments hétérogènes. L’enfant né en France d'une Française se sentira Français, rien que Français et, d'ailleurs, il sera, de par la loi, un Français. 

Mais sommes-nous capables de montrer l'esprit de suite indispensable à la réalisation d'un aussi vaste dessein? Sommes-nous aptes à mener patiemment et silencieusement cette tentative d'une reconstruction de la France? Au point où en sont les choses, il nous convient en tout cas de tenter cet effort, pendant qu'il en est peut-être temps encore. 

LUDOVIC NAUDEAU

 L'Illustration, 1er novembre 1924

Les passages en gras sont de moi

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