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Billet de blog 17 mars 2020

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Nous sommes en guerre?

Réaction face à la situation actuelle

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Nous sommes en guerre ! »

Ah oui ? Et qui va au front ? Tiens donc, toutes ces personnes que l’on démolit depuis des années parce que ce sont des nanti-es, des privilégié-es : les personnels soignants, les enseignant-es, les conducteurs-trices.

Pour ces gens-là, on fait mine de se rappeler que leur rôle est essentiel dans la vie d’une collectivité. Mais ça n’empêche pas de supprimer des postes, des lits, de privatiser les services publics à tour de bras. L’épidémie va changer les choses ? Ah oui ? La contre-réforme des retraites est repoussée, pas annulée ! La casse du statut de fonctionnaire est en cours, sans vouloir s’arrêter pour l’instant.

Le gouvernement fait appel au sens du devoir des fonctionnaires. Je croyais que nous n’étions que des égoïstes arc-boutées sur nos privilèges !

Mais le lyrisme ne va pas bien loin et la réalité nous rattrape : les soignant-es vont dans leurs hôpitaux sous-équipés, en manque de matériel chronique, en manque de lits, en manque de matériel de protection. Mais ils/elles y vont, parce que c’est leur métier !

Et l’Etat, dans sa grande mansuétude, créé un accueil pour les enfants de soignant-es ; quelle générosité, et quelle preuve de reconnaissance ! Mais dans quelles conditions ? On regroupe les enfants dans des écoles, on fait appel au civisme des enseignant-es, des ATSEM, des animateurs-trices, en totale contradiction avec les recommandations de confinement et de respect des règles d’hygiène élémentaire. On les envoie au front sans préparation, sans protection. Pas de masque, pas de gel hydro-alcoolique, pas de gant, des regroupements par école à plus de 10 enfants,… Mais après tout, ces enfants ne sont pas grand-chose et ils pourront en toute transparence aller contaminer leurs parents, les personnes qui les gardent : vous savez, les parasites de fonctionnaires ! Ca va régler de façon bien plus radicale le problème des régimes spéciaux et des pensions exorbitantes!

Et aussi, on envoie au front tout-es celles et ceux qui ne sont rien : les ouvriers-ères qui ne peuvent télétravailler, les précaires qui ne peuvent envisager de perdre leur emploi. Parce qu’il ne faut pa foutre en l’air l’économie ! Nos vies valent moins que leurs profits !

Et qui stigmatise-t-on ? Tout-es celles et ceux qui, habitant dans des logements exigus ne peuvent faire autrement que de sortir un peu pour ne pas devenir fous/folles avec les enfants qui doivent bouger et vivre. Bande d’irresponsables…

Et quel meilleur moyen de généraliser l’épidémie que d’embarquer tout-es ses salarié-es dans des rames bondées, puisque le trafic aura été réduit ! Qui va morfler ? Les pauvres, pas grave ! Un salarié, c’est interchangeable, c’est « mobile » !

Les gens qui ont une résidence secondaire ou un grand jardin sont, pour leur part, de bons citoyens-nes responsables, car ils ne se mélangent pas à la populace !

De quelle guerre parle le président ?

De celle que le système capitaliste engendre en brûlant les écosystèmes et en rapprochant les animaux sauvages des villes.

Et, surtout, de celle des dominant-es qui n’hésitent pas une seconde à envoyer au front la « piétaille », pour protéger leur monde basé sur la destruction du vivant ! Pour combattre l’incendie qu’ils/elles ont eux-mêmes allumé.

Alors, avons-nous vocation à être des martyrs ? Ou bien tentons-nous de nous réveiller en les laissant régler la situation dont ils/elles sont la cause ? « S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre », disait Boris Vian.

Ca me va…

Et comptez sur moi pour l’après !

Eric Charles, enseignant dans le 94

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