Emancipation ou l'orgueil du vouloir sortir de la religion pour vivre sans Dieu.
Publlié sous le titre "Amour total : comment vient l'amour païen" le 14 février 2010
http://www.lepost.fr/article/2010/02/14/1940789_amour-total-comment-vient-l-amour-paien-14-fevrier-2010.html
Réflexion sur un parcours personnel. Derrière le "je" de ce parcours, d'autres pourront peut-être s'y retrouver.
* Le charnel et le spirituel, la séduction et l'admiration.
Promouvoir l'amour total me vient de la contestation de la vision chrétienne. Vers 11 - 12 ans, je voulais être prêtre. J'étais sage, romantique, un brin austère. A l'adolescence l'apparition du désir sexuel a provoqué une critique de la vision chaste de l'amour chrétien. Peu à peu, après des tâtonnements, quelques erreurs de jeunesse j'en suis arrivé à promouvoir l'amour total. Il s'agit d'aimer sur les deux versants charnel et spirituel, de la séduction et de l'admiration (1). La critique la vision chrétienne a permis aussi de reconnaitre l'homosexualité. de respecter les homosexuels femmes ou hommes.
On peut critiquer la sévérité de quelques dogmes religieux sans mettre en cause Dieu ou parfois sans même remettre en cause les grandes lignes de la religion. Mais la question de l'amour est trop central dans le christianisme pour que la critique n'ébranle pas toute la religion.
J'ai aussi critiqué le penchant conservateur de cette religion mais là aussi un courant dit de théologie de la libération pouvait répondre à cette orientation.
En fait, sans trop savoir pourquoi je suis passé de l'agnosticisme à l'athéisme dit assertorique "Dieu n'existe pas. C'est au croyant de prouver qu'il existe (2). Dans une famille chrétienne on n'échappe pas à ces questions lorsque l'on dit vouloir s'en dégager.
* Le passage à l'athéisme fait peur.
Cette peur est entretenue . Il y a un imaginaire fort qui veut que sans Dieu l'humain devient fragile, sans force. Autrement envisager l'hypothèse de l'absence de Dieu est très dangereux. Dieu est donc perçu comme "un plus" indispensable, un plus qui sauve ici et maintenant mais aussi - ils font coup double - pour aller au ciel! Dieu comme force et athéisme comme vide tel a été la vision du monde que j'ai du renverser. C'est plus dur que porter la croix !
Manifestation d'orgueil s'il en est - car vouloir se suffir à soi-même relève d'une fatuité et d'un orgueil difficile à assumer - j'ai cherché à montré que Dieu sert de béquille aux croyants incapables de trouver la force en eux et de se poser comme être humain sain d'esprit debout seul pour affronter la vie. Seul et avec d'autres. L'athéisme n'est pas l'individualisme forcené. J'ai souvent pris l'image de se mettre à genoux devant Dieu et critiqué la forte propension des croyants à la déférence devant le clergé et les rituels. Je ne connaissais alors pas la critique en terme de fétichisme - surélévation du non humain et rabaissement de l'humain - mais j'en avais la trame puisque j'ai senti qu'il fallait construire une pensée bien solide pour remplacer le fatras théologique que je rejetais.
* L'orgueil de vouloir vivre sans lui.
Grâce à quelques conversations avec des athées qu'il fallait non seulement se débarrasser de Dieu et de tout la religion qui l'entoure en devenant pleinement humain donc en revalorisant l'humain écrasé par la religion en rétablissant son autonomie. Cette construction de sa propre autonomie doit faire l'objet d'un travail.Cela ne tombe évidemment pas du ciel.
Voici ce que dit Jean-Paul Sartre :
« Ce que j'aime en ma folie, c'est qu'elle m'a protégé, du premier jour, contre les séductions de "l'élite": jamais je ne me suis cru l'heureux propriétaire d'un "talent" : ma seule affaire était de me sauver - rien dans les mains, rien dans les poches - par le travail et la foi. Du coup ma pure option ne m'élevait au-dessus de personne: sans équipement, sans outillage je me suis mis tout entier à l'œuvre pour me sauver tout entier. Si je range l'impossible salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui ».
Eric Fromm psychanaliste culturaliste propose rien moins dans l'Art d'aimer de dire que l'amour est une discipline, un entrainement sportif en quelque sorte. Cet auteur défend des thèses rigoristes, critiquées d'ailleurs par Herbert Marcuse. Fromm matiné de Marcuse et de Reich fut mon longtemps ma référence intellectuelle. Le hasard a fait que 'ai rencontre Patrick Tort, épistémologue, historien de sciences, spécialiste de Darwin. Le combat pour la civilisation n'est plus celui des religions qui au contraire porte bien souvent - pas toujours - des combats barbares, il est celui des forces de transformation sociale qui luttent contre le racisme, le sexisme, le "classisme". Je dois beaucoup à Patrick Tort pour mon militantisme au MRAP et à ATTAC en faveur de l'égalité et la solidarité, la libération des humains et non celle des marchés et de la finance.
Aujourd'hui Andre Comte-Sponville, Michel Onfray, Yvon Quiniou sont les auteurs du moment à lire pour franchir le pas vers la liberté, la libération. Je pense qu'Andre Comte-Sponville avec ses derniers textes offrent des passerelles entre le christianisme et l'athéisme puisqu'il propose une spiritualité athée. Michel Onfray assume lui un athéisme plus hédoniste. Yvon Quiniou ouvre l'athéisme vers la critique du monde et la construction d'un autre monde. Un athéisme altermondialiste en somme. Lire de lui : Etudes matérialistes sur la morale - Nietzsche, Darwin, Marx, Habermas .
* Addendum du 4 janv.
Dans les religions, on trouve le bon et le pire. Mais même le bon suppose quand même une démission de soi. Aujourd'hui tout un chacun peut puiser dans un corpus athée pour se forger sa propre orientation. Compte-Sponville, Erich Fromm et le dernier Habermas sont des intellectuels athés (avec du Freud, du Marx, du Spinoza, etc...) qui ont parfois puisé dans le meilleur des religions. Fromm surtout. On voit beaucoup moins qu'ils ont effectué un tri, qu'ils ont repoussé le néfaste. C'est à chacun de faire ce tri pour s'émanciper. Cela relève de la liberté de concience, qui n'est pas se soumettre au premier Dieu qui se présente.
Cette émancipation individuelle n'est qu'un acte du processus d'émancipation global. Le trajet ne s'arrête pas là. Vivre sans Dieu incite assez rapidement à apprécier les capacités et les solidarités d'autrui. Mais c'est autre chose.
Christian Delarue
"La séduction est païenne, l’amour est chrétien".
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article78
Il y a plusieurs formes d'athéisme. Il est assez important de s'en faire une idée.
http://atheisme.free.fr/Atheisme/Formes_atheisme.htm5