De la théologie de la libération éradiquée à l’intégrisme religieux mondialisé
XX
Eradication par le Vatican ici, pas par les dictatures d'Amérique du Sud de l'époque.
- Sur la theologie de la libération , Michael Lowy :
https://www.iire.org/sites/default/files/iire-shop/pdf_cer_10.pdf
- Suite ici de Les intégrismes de Daniel Béresniak (et 1)
https://blogs.mediapart.fr/amitie-entre-les-peuples/blog/030525/les-integrismes-de-daniel-beresniak
I
Foi et combat social de libération
1) Document de 1973 (in M Lowy ci-dessus) ou le marxisme sert de médiation dans une foi religieuse maintenue :
Le processus historique de la société de classes et la domination capitaliste conduisent fatalement à l’affrontement des classes. Bien qu’il soit un fait chaque jour plus évident, cet affrontement est nié par les oppresseurs, mais il se trouve également affirmé dans cette propre négation. Les masses opprimées des ouvriers, des paysans et des nombreux sous-employés en prennent conscience et assument progressivement un désir renouvelé de libération. La classe dominée n’a pas d’autre issue pour se libérer que de suivre le long et difficile chemin, déjà commencé, qui mène à la propriété sociale des moyens de production. C’est là le fondement principal d’un gigantesque projet historique de transformation globale de la société actuelle en une société nouvelle dans laquelle il devienne possible de créer les conditions objectives permettant aux opprimés de récupérer l’humanité dont ils ont été dépouillés, de faire tomber les chaînes de leurs souffrances, de vaincre l’antagonisme des classes, et, enfin, de conquérir la liberté. (J’ai entendu les cris de mon peuple, Documents d’évêques et de supérieurs religieux du Nord-Est du Brésil, 6 mai 1973.)
2) Qui peut nier aujourd’hui la domination de classe au sein des nations?
Avec l’universalisation historique du phénomène national (Fougeyrollas) au sein d’un système mondial hiérarchisé (notamment "Nord-Sud" mais "il y a du Nord au Sud et du Sud au Nord") il y a eu constamment clivage de classe : quelle nation peut s’estimer hors de tout clivage de classe ? Même au sein de celles qui subissent l’impérialisme le plus féroce dans le Sud global on trouve une bourgeoisie nationale (tourne vers l’exploitation de la force de travail nationale) et une bourgeoisie compradores (tournée à l’international vers la finance, la corruption et les paradis fiscaux).
En France le 1% d’en-haut accapare les dividendes de la finance (Oxfam et France stratégie) et le néolibéralisme et la "thathchérisation du monde" ont fini par créer un véritable "séparatisme de classe" en surplomb du peuple-classe des 99%.
Combattre ce classisme ce n'est pas vouloir basculer dans le terrorisme athée décrit par certains. Abandonner sa foi peut certes se produire mais ce n'est pas obligé : des croyant-es se battent encore pour un autre monde !
II
Le Vatican a gagné : On ne parle plus de théologie de la libération
Néanmoins on trouve cette riche émission produite il y a trois ans, en 2022, et qui mérite écoute :
Deux regards à délivrer :
1) Le niveau global et général :
Nul n'en parle car le Vatican a combattu durement avec succès la théologie de la libération alors qu'il s’est montré plus accommodant avec l’intégrisme catholique.
La théologie de la libération se veut authentiquement et profondément démocratique et pro-justice sociale et en forte promotion de l’égalité bien loin d’une acceptation d’un monde aux inégalités multiples et accentuées . Si le Vatican a bien fait un pas vers la justice sociale c’est avec maintien assuré de l’ordre social dominant, du moins sans que l’ordre social capitaliste soit renversé même de façon démocratique, et ce d’autant plus que de l’autre côté, les intégristes catholiques veulent un ordre moral catholique traditionnel dans la société et l’Etat .
Quand à la démocratisation profonde des institutions le Vatican ne peut le vouloir pour lui même, car il est fondé sur un système hiérarchisé masculin fondé sur la cooptation les élections ne servant que pour la validation du système. Idem pour la féminisation face à un Vatican réservé aux hommes et favorable pour la société humaine une conception patriarcale de la famille fondée sur le couple marié pour la vie et ou le père reste le pilier.
Le Vatican reste fondé malgré les critiques pertinentes de la théologie de la libération sur une hypocrisie fondamentale qui se matérialise par une fraternité hiérarchisée avec le seul devoir du caritatif comme complément du lucratif systémique : il faut donc en ce sens aider les pauvres mais surtout ne pas participer à une libération collective - ce que font peu ou prou les syndicalistes croyant.es de toute religion - une émancipation collective des prolétaires du « péché capitaliste" , soit la recherche obsessionnelle du profit par exploitation de la force de travail mais aussi de la nature ainsi que de l’accumulation de l’argent dans les mains d’une minorité , d’une classe possédante.
2) Un examen par étape à produire :
L’expression Vatican peut prêter à critique car il faudrait distinguer l’orientation des différents papes (mais ce serait un autre travail à produire). Donnons néanmoins ici les grandes lignes pour aller plus loin :
- Paul VI (15 ans de 1963-1978) est connu pour avoir terminé le concile Vatican II mais s’est aussi "inquiété" des liens entre théologie de la libération et une pratique marxisante de la foi catholique (nb : marxisante ce n’est pas marxiste : exemple lire le premier Marx sur l’aliénation mais pas le Capital et sa dynamique, ses rapports sociaux, etc).
- Jean-Paul II (règne de 27 ans de 1978 à 2005) qui est le fameux Wojtila (ils ont des pseudos au Vatican !) et qui fut très conservateur par anti-communisme (tant avant 1989-91qu'après), notamment en Pologne d’ou il est issu (cf livre de Monika Karbowska pour les compromis passés avec les requins du néolibéralisme) mais aussi en Amérique latine .
- Benoit XVI son successeur (8 ans de 2005 à 2013 fin sur renonciation de charge) fut connu auparavant comme étant le cardinal Joseph Ratzinger chargé de la « doctrine de la foi » et de la mise au pas de la « théologie de la libération » : un travail de longue durée !
- Il faudra donc attendre l’arrivé du pape François en 2013 et qui vient de mourir (12 ans de 2013 à 2025) pour qu’il y ait évolution mais il faut dire que le « sale boulot » de destruction de la théologie de la libération était fait.
III
Retour du religieux : oui mais lequel ?
Deux remarques : la première par rapport au titre : il n'y a pas aussi nettement "de la théologie de la libération éradiquée à l’intégrisme religieux mondialisé" car il faut noter une émergence du contradictoire dans chaque religion autoritarisme vs émancipation , même si ce sont les intégrismes religieux qui sont surtout de retour . La seconde remarque le porte sur le pluriel aux intégrismes dans le monde .
1) - Côté émergence attendue d'une nouvelle théologie de la libération :
Quid de la fraction croyante de la génération du néo-altermondialisme des 99%, celle ayant vu les révolutions arabes de 2011 et Occupy Wall Street à l'âge de 18-28 ans ( plus les ancien-nes avec eux-elles) : Y-a-t-il eu apparition de formes de théologie de la libération, à partir de l’islam eu égard à la région en cause, au coeur des révolutions arabes de 2011, révolutions qui furent tout à la fois démocratique (contre des dictateurs) et sociale (pour sortir de la misère et de la mal-vie). Pas de réponse . Mais il y a eu impact hors de cette région et donc avec d'autres références.
Quel lien avec un altermarxisme même rudimentaire ? Recherche en cours.
Quelles autres formes d'émancipation outre celle de combat social contre combat classiste ?
Dans le néo-altermondialisme des 99% on trouve encore et toujours des jeunes croyant-es tout comme les ancien-nés altermondialistes , issu-es de religions différentes qui mènent des luttes difficiles pour échapper au classisme, au sexisme, au racisme, au néo-colonialisme, etc... Pour démocratiser les institutions, mieux répartir les richesses, barrer la route au productivisme, etc
2) - Côté renforcement des intégrismes religieux
- Ceux (pluriel nécessaire) de l'islam a continué à se répandre après la "décennie noire" algérienne (1991 - 2001) Renvoi ici au livre de Sophie Bessis (2) sur la double impasse.
- Celui (pluriel ?) du protestantisme se porte bien dans les Amériques et vu aussi en Outre-mer française
- Celui du catholicisme : Solalitium Pianum fut dissout en 1921 (D Béresniak page 103 cité)
https://www.sodalitium.eu/programme-sodalitium-pianum/
mais l'Opus Dei crée entre 1928 et 1933 sera plus dangereux encore . Et il est encore "au coeur du Vatican" : lire GEO :
NB : On trouve des prêtres nazis : un au moins vient de mourir !
Richard WILLAMSON, prêtre intégriste peu connu en France, est décédé début 2025. Il a cumulé les positions d'extrême-droite les plus obscurantistes et réactionnaires. On ne citera que le "gros" : il a nié plusieurs fois l'existence de chambres à gaz nazies. Outre ce négationisme, en bon complotiste, il a aussi accusé les autorités des Etats-Unis d'avoir organisé les attentats du 11 septembre 2001. Ce prêtre - destitué par le Vatican pour intégrisme - ne s'est pas contenté de tout ce fatras obscurantiste : Il y a rajouté l'antisémitisme en affirmant que les Juifs sont les « premiers serviteurs du diable » et probablement les créateurs de la Covid-19 ! Plus tout le reste constituant le quotidien réac de l'intégrisme ! (Cf wikipedia )
Christian Delarue
1) - Je me suis appuyé en 2016-17 sur ce livre de D Béresniak pour mon chapitre relatif aux intégrismes religieux dans l'ouvrage collectif "URGENCE ANTIRACISTE - Pour une démocratie inclusive" (Ed du Croquant - 2017) coordonné par Martine Boudet .
ALTERMONDIALISME et LAICITE, des recours face à l’islamisme radical et aux populismes
2) - Sophie Bessis in La double impasse. L’universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2014, 230 p. - Lors de ma conférence à Moulins j'ai vu qu'une nouvelle édition était sortie.