I
99% : NOUS SOMMES LES PEUPLES CONTRE LA FINANCE
Pensée amicale ce 7 janvier 2025 pour Bernard Maris (que j'aurais bien vu, lui, vivre 10 ans de plus et pas l'autre mort ce jour) et sa critique de la " thatchérisation du monde », cette casse du social et du démocratique par les classes financières dominantes des grandes nations.
Une vidéo de Bernard Maris sur Public Sénat : https://www.youtube.com/watch?v=_SRjL3C5cmM
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Eléments d'une réflexion à poursuivre
Le pluriel à « peuples » indique une ouverture internationaliste qui diffère du peuple centré sur une nation. La conscience populaire du peuple part alors de son ancrage historique et politique pour s’ouvrir par un geste solidaire aux autres peuples frappés, comme lui par la finance, les oligarchies financières mondialisées. Mais la question démocratique se pose d’abord dans le cadre national (ou pluri-national parfois).
1 - Le peuple dépossédé de ses attributs politiques
Le peuple-communauté politique se distingue du peuple-masse dit-on en s’appuyant sur une séparation entre le et la citoyen.ne (vertueu.se) de l’individu.e (isolée et repliée) alors que nous sommes peu ou prou l’un et l’autre. Par ailleurs quid du processus qui dégrade continûment le premier vers le second ?
Le peuple est spolié de sa souveraineté disent celles et ceux qui mettent l’accent sur ce qu’il devrait avoir depuis la fin de la royauté : la souveraineté . En France, peut-être plus qu’ailleurs, on a voulu définir le peuple avec ce qu’il n’a pas vraiment, ce qu’il a formellement sur le papier constitutionnel mais pas ou peu en réalité. Le peuple n’a qu’une souveraineté fort limitée, réduite tout comme l’est aussi, et de plus en plus, sa démocratie.
Rien ne serait au-dessus du peuple dit-on. La dignité du peuple ne souffrirait, tout comme la dignité humaine, d’aucun fétiche surplombant. Pourtant les dispositifs-fétiches ne manquent pas . Il y a le fétiche de l’économie ou plus précisément le fétiche de l’Economique (cf livre d’Alain Bihr de 1979). Aujourd’hui il y a le fétichisme de la dette et plus largement celui de la finance nationale et transnationale, soit le pouvoir des grande entreprises du CAC 40 avec le pouvoir des ultra-riches et des riches du 1%.
2 - Ambivalence polysémique du peuple :
Il importe de prendre en charge plusieurs sens et ici plus particulièrement de considérer que le peuple est à la fois d’une part communauté politique des citoyens y compris donc le 1% financiarisé et d’autre part la très large fraction de peuple - le fameux « we are the 99% » de 2011 - contre la finance , contre la classe financière et son classisme . Il y a donc deux sens, deux compréhensions du peuple .
Le peuple des 99% (moins une large fraction de la sous-bourgeoisie sous le 1% ) milite partout pour le bien-être économique social et culturel du peuple, contre l’austérité décidée par le 1%. L’économie du 1% par le 1% pour le 1% permet l’accumulation des dividendes sur la classe financière et les politiques d’austérité contre les 99%.
Poursuivons : La démocratie est un idéal constamment empêché, borné, limité, réduit. La « démocratie réellement existante » fait constamment semblant d’accomplir sa promesse. Certes, elle s’est étendue de part le monde mais ce faisant elle a perdu de son contenu. Elle est devenue rabougrie sous l’effet de sa captation par des césars, des bonapartes, des jupiters, des manipulateurs méprisant le peuple. On évoque alors les démocratures. Notre Jupiter la construit au service des riches avec austérité pour les autres.
3 - Le peuple selon Patrick TORT (1986)
Alors il nous faut bien revenir non seulement à Bernard Maris mais aussi au propos ancien de Patrick Tort dans Etre marxiste aujourd’hui (Aubier RES 1986 ) . Ce serait alors le terme de spolié qui le caractérise le plus. Le peuple est celui qui n’a pas ou rarement ce qu’il devrait avoir. On pourrait ajouter que quand il lui arrive de l’avoir comme en mai 2005, les élites dirigeantes et spoliatrices s’emploient immédiatement exercer leur pouvoir effectif et à ne pas exécuter ce qui est décidé et à faire le contraire.
Patrick Tort écrit : Le peuple est l’ensemble de ceux et celles qui ne décident pas ou dont la capacité de décision n’engage aucune transformation, sur une échelle plus ou moins vaste des processus organisationnels. Il ajoute : De ce peuple assujetti a des décisions sur lesquelles il n’a pas prise - sauf en des circonstances très exceptionnelles de réussites d’une action syndicale ou d’un référendum - on peut dire qu’il est exploité économiquement, dominé politiquement, et influencé idéologiquement. De plus, il est conditionné dans sa vie quotidienne.
Plus positivement il est représentation dans la tête des dirigeants . Il est l’objet pensé d’un projet d’assujettissement et nullement de libération, d’émancipation. Il n’a pas conscience de lui-même.
4 - Conscience populaire et projet d'émancipation
A la différence de la conscience de classe, la conscience populaire n’est porteuse de quasiment aucun projet d’émancipation formé et développé en son sein sauf deux :
D’une part celui altermondialiste de « les peuples contre la finance » et derrière contre les entreprises du CAC 40 et les différentes classes financières nationales des pays développés
D’autre part celui venu des extrêmes-droites nationalistes porteuses d’une idéologie xénophobe et raciste moulée dans une sorte de communautarisme national-souverainiste.
Le peuple n’est donc quasiment pas porteur d’un projet d’émancipation sur les trois plans économique, politique, idéologique. Or dans le monde réel, on a des dirigeants et des gouvernants qui travaillent à produire plus de richesses financières et patrimoniales pour les uns (le 1% d’en-haut : la classe financière) moins pour les autres les 99%, le peuple-classe, mais le dit peuple en tant que tel n’en dit rien.
5 - Quel populisme pour le développement démocratique
Le populisme de gauche, comme idéologie éloignée du leader au-dessus du peuple et plus en autogestion, pourrait alors être le contenu d’une doctrine d’émancipation du peuple à l’encontre du projet de la classe dominante, la bourgeoisie, et ce sans haine xénophobe à l’encontre des résidents étrangers sur son territoire. Le populisme de droite se charge lui de féconder le peuple de haine xénophobe sans jamais montrer le classisme, soit la domination de classe dans et hors travail-emploi contre le peuple 99%, soit le peuple-classe formé des différentes classes sociales dominées (et divisées par des modes de domination différentiés).
Il s’agit là de construire un projet d’émancipation populaire contre la finance nationale et mondiale, contre le classisme comme domination de classe dans et hors travail-emploi, contre le racisme le sexisme, pour le social, l’environnemental et le démocratique
note
On a beaucoup glosé en France sur la distinction souveraineté populaire et souveraineté nationale pour finalement formaliser une synthèse inscrite dans la Constitution. Même là sa souveraineté est limitée : elle n’entre pas dans l’entreprise ou dans les appareils d’Etat . Qu’en est-il en vrai ? Le peuple démocratico-citoyen a droit de voter, de choisir ses élus et une fois ce choix fait il rentre chez lui . Son pouvoir tient dans l’élection. Une minorité use du droit d’être candidat à une élection.
in page 92 de Le marxisme aujourd’hui Aubier Coll Res
mardi 7 janvier 2025 sur https://amitie-entre-les-peuples.org/99-Nous-sommes-les-peuples-contre-la-finance
https://amitie-entre-les-peuples.org/La-thatcherisation-du-monde-et-l-extreme-droite-economique
texte suivi de
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FETICHISME DE LA DETTE PUBLIQUE.
On a pu évoquer ci-dessus l'Economie fétiche, ou plus exactement L'économique fétiche - Fragment d’une théorie de la praxis capitaliste livre (en 1979 - lien en 1) par Alain BIHR, le même auteur qui a poursuivit son fil critique ensuite sur plus de 40 ans . Il a notamment explicité le double processus de du fétichisme. Je ne fais donc que reprendre ici cette théorisation critique.
Citons l’apport d’Alain Bihr sur le sujet : « Si la notion de réification fait partie du vocabulaire marxien dans Le Capital, il n’en va pas cependant de même de celui de déification que j’ai forgé dans le souci de créer un homophone commode pour désigner l’autre aspect du fétichisme, à la fois opposé en complémentaire de la réification, par lequel les produits de cette dernière se trouvent élevés au rang de puissances surhumaines, personnifiées sur un mode religieux – en quoi on retrouve l’origine de la notion de fétichisme » .
Le fétichisme désigne un double procédé ou mieux un double processus vertical dont l'un consiste à élever au-dessus des humains un vulgaire dispositif matériel ou économique présenté comme ayant valeur sacrée (personnification, déification, dieu-fétiche, fétiche tout court) et l'autre consiste, parallèlement, à rabaisser les humains comme de vulgaires choses (réification de la personne humaine) sous ce dispositif sacralisé. Ce double processus vertical a pu avoir jadis une version « théologie de la libération » mais elle est surtout la matrice d’une critique marxiste qui s’insère en ce cas dans les rapports sociaux existants, lesquels se distinguent des simples relations interpersonnelles. A noter enfin qu’il s’agit d’une critique globale du monde existant et pas seulement de la science économique du Capital : (lire en 3) ce passage d’un texte de 2007 d’Alain Bihr.
En l'espèce, le nécessaire remboursement de la dette publique (2), mécanisme conçu comme une exigence morale en confondant personne privée et personne publique, une exigence fausse mais posée comme sacrée et placée ainsi bien haut, au-dessus des humains et de leurs besoins sociaux, ceux nécessaires à la pleine dignité humaine - n'est qu'un gros mensonge au profit du 1% d’en-haut de la nation et au-delà de la caste mondiale dominante.
Chaque peuple-classe, soit les 99% d'en-bas, a besoin de services publics à bas tarifs et même gratuits, de sécurité sociale, de retraite par répartition, l'ensemble social étant payé par des cotisation, des impôts ou des taxes sur les dividendes du 1%, les profits des sociétés du CAC 40, etc… L’Etat fiscal juste est redistributif à proportion des facultés contributives. Mais ce n’est pas tout : Il réduit aussi les inégalités sociales et donc l’écart entre les plus riches et les plus pauvres . Là c’est moins la sous-bourgeoise aisée qui est visée que les ultra-riches et en-dessous les riches du 1%.
A poursuivre
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1) L’économique fétiche
https://classiques.uqam.ca/contemporains/bihr_alain/Economique_fetiche/Economique_fetiche.html
2) On laisse ici toute la « technique » qui évoque le roulement de la dette, restructuration de la dette et d’autres mécanismes qui font qu’elle est constamment reconduite. Reste les intérêts à payer qui sont lourds
3) L’objet de la critique marxienne de l’économie politique ne se réduit nullement à la seule science économique ; et son objectif ne se réduit pas davantage à dénoncer les lacunes et les insuffisances de cette science et à la parachever comme science. Par delà la science économique, la critique marxienne s’en prend à la réalité même qui est l’objet de cette science, c’est-à-dire aux rapports capitalistes de production et au mode de production capitaliste dans son ensemble qui se constitue sur la base de ces rapports de production. Autrement dit, par delà l’économie politique comme représentation (science), Marx s’en prend à l’économie politique comme réalité (aux rapports capitalistes de production structurant le monde contemporain) : à l’économie politique comme monde.
III
Le CLASSISME de la CLASSE FINANCIERE
La « classe financière " est celle qui accumule les dividendes des placements financiers et se trouve ainsi en fort surplomb des peuples, ceux du continent comme de chaque peuple-classe (de France pour nous).
Elle déborde un peu vers le bas le 1% d'en-haut (1,7% selon France Stratégie mais OXFAM dit 2,1%) mais le coeur de l'accumulation est lui dans la moitié haute du 1% d'en-haut et plus encore chez les ultra-riches du 0,1% et 0,01%.
Elle est de composition surtout masculine et post 55 ans c'est la classe sociale dominante financiarisée et multi-propriétaire.
Elle n'est pas inactive sur d'autres champs que la finance mais au contraire elle est très classiste . Elle accroît donc de diverses manières et sur plusieurs fronts la domination de classe (ie le classisme) dans et hors emploi salarié, y compris, pour prendre un exemple récent, par une chasse contre les chômeurs.ses et aux migrant.es. Elle le fait dans le logement, la santé, l'éducation des jeunes, etc ....
C'est elle qui mène la lutte de classe et elle le fait sans cesse. Elle n'hésite ni à la répression policière violente en interne ni à des opérations militaires impérialistes très destructrices en externe, et ce en fonction de sa place dans l'ordre des puissances étatiques (ou para-étatiques) mondiales et des alliances entre classes ou castes dominantes selon les profils historiques.
Une fraction de la sous-bourgeoisie sert de classe d'appui du 1% : il s'agit de l'encadrement capitaliste chargé du "sale boulot classiste" . Les partis de droite et les chefs et cheffes de partis de droite et d'extrême-droite sont aussi là pour la mise en oeuvre de cette politique de classe et de casse de tout ce qui sert d'appui social aux classes populaires mais aussi aux classes plus aisées quoique hors du 1-2 %.