Lutte de classement autour du peuple.
Nommer les choses, c'est les faire exister. C'est pour cela que la bataille se fait rude.
NB : Une version améliorée se trouve sur : Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article2363
La bourgeoisie tend comme classe dominante a montrer une division de classe parmi les couches sociales qui lui sont inférieures. Cette ou ces divisions ne sont pas fausses mais elles sont survalorisées. Il importe donc de relativiser la distinction entre les trois petites-bourgeoisies (1) qui disposent chacune d'une position sociale relativement favorable dans la société au-delà de leurs différences internes et la masse des prolétaires qui subit l'exploitation du travail et qui vit avec un salaire inférieur à 2600 euros net par mois (2).
Montrer la distinction entre bourgeoisie et peuple-classe revient à nommer un rapport social de prédation, une ponction de la classe dominante sur le reste de la société, petites-bourgeoisies comprises . On peut nommer peuple-classe l'ensemble des classes populaires à savoir les classes dites moyennes ou intermédiaires et en-dessous les classes "modestes" sans oublier les plus pauvres, les sous-prolétaires. La notion de classe(s) populaire(s) est indisponible pour remplacer le mot peuple-classe car elle est déjà prise pour évoquer un bas-peuple, grosso modo les ouvriers et les employés. Et des auteurs de renom (3) assurent la force de cette notion.
Idéologiquement, dans la perception dominante des luttes de classement, la ou les "classes populaires" ont au-dessus d'elle(s) les couches intermédiaires aisées ou les classes moyennes supérieures ou les petites-bourgeoisies. Cette tripartition vise à deux effets : d'une part à minoriser les classes populaires sur un volume plus restreint d'ouvriers et d'employés (cela rassure les dominants) ; d'autre part à nommer des couches sociales non populaires qu'on ne dit pas bourgeoises mais dont on répète qu'elles n'ont "pas à se plaindre" eu égard aux avantages dont ils disposent : cadres, professions libérales, patrons. Ce faisant cette distinction masque la domination de classe de la bourgeoisie - 2 % plus que 1 % - sur les petites-bourgeoisies et sur l'ensemble du peuple-classe. Il n'est donc pas anodin de parler de peuple-classe pour tous ceux et celles qui sont dominés soit au titre de l'exploitation salariale soit à un autre titre (volume des heures de travail des indépendants).
Bien souvent, la facilité de langage évoque le peuple sans plus de précision. Ce n'est pas une raison pour ne pas faire de distinctions au sein des différents discours. C'est la cas de JL Mélenchon qui use d'un "populisme social" à connotation communiste bien différent d'un populisme ethno-français source de xénophobie, à l'instar d'une Marine Le Pen (4). Avec elle comme d'ailleurs avec N Sarkozy on voit que le peuple, ce n'est pas nécessairement les 98 % d'en-bas, que l'on y mette ou non les résidents extracommunautaires d'en-bas. Selon les discours le contenu et le format du "peuple" change. Ce peut être le peuple-nation ou le peuple démocratique ou le peuple ethnique pour ne poser que les principales catégories de peuple.
En général le peuple, c'est toujours, au-delà des différences de sens, un très très large cercle d'individus sur un territoire donné. Cela le distingue des mots couches et classes qui posent des groupes sociaux de moindre importance. Pourquoi alors ajouter classe après peuple? Pour montrer, on l'a dit, un rapport de domination de classe. Jacques Bidet parle lui de "classe fondamentale".
Christian DELARUE
1) LES TROIS "PETITES BOURGEOISIES" C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1835
2) Traduction néomarxiste du livre de Régis Bigot : "Fin de mois difficiles pour les classes moyennes"
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article2225
3) Lire Olivier Schwartz, Annie Collovald in "Vacarme / haut, bas, fragile : sociologies du populaire"
http://www.vacarme.org/article1118.html
4) Le populisme c'est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais. C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article2216