Sortir de l'adoration des fétiches de l'économie : la croissance !
Suite de : "L'apologie des entités englobantes par les dominants."
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On pourrait trouver d'autres fétiches que celui de la croissance : la concurrence généralisée, la compétition partout mais aussi l'entreprise qui relève la fois de l'ordre du réel et de l'abstrait en sont des exemples. La "technique" qui semble perdre sa froideur pour apparaître comme synonyme "chaud" du progrès peut en être un autre selon le contexte !
A qui profite la croissance ? A tous et toutes ? Quid des générations futures ? Quelle croissance ? Quelle production ?
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Première réponse : prendre en compte les rapports sociaux.
"Moi je ne suis pas le camarade des patrons mais en revanche, je suis quelqu’un qui veut être le ministre des entreprises et le ministre de la croissance, c’est ça mon job" (1 - Moscovici Ministre). La religion de la croissance et des entreprises ne profite-t-elle pas surtout au capital, aux patrons ? Les autres n'ont-ils pas les miettes, et parfois rien ?
Se taire sur les modalités de la lutte des classes et ses issues, se taire sur les déterminants des compromis sociaux dans et hors de l'entreprise (branche, société civile globale) c'est rester dans le cadre de l'économie fétiche, celle qui ne cesse d'évoquer des grandes généralités, souvent des entités abstraites qui sont autant de dispositifs en surplomb au-dessus des rapports sociaux. Quand on en reste là, à ce type de généralité, on ne dit rien sur la justice sociale, pas un mot sur les processus d'émancipation des dominations agissantes au sein de ces entités. Au mieux on gère les "grands équilibres" au gré des contraintes, celles de la finance notamment. On y reviendra.
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Réhabiliter la pratique critique !
L'esprit de la critique sociale refuse ce fétichisme, cette adoration des fétiches en surplomb des humains, des humains toujours en opposition de classe au sein des dites entités, entreprise(s) ou nation(s). La "religion" de la croissance et de l'entreprise doit donc toujours subir la critique théorique et pratique des dominés contre les dispositifs technico-juridique ou technico-économique des dominants.
Un rapport social n'est pas une relation choisie, c'est un rapport nécessaire disait Marx. On ne peut qui entrer, tôt ou tard ! Qui dit employé dit employeur, qui dit locataire dit propriétaire, qui dit consommateur dit vendeur, qui dit administration dit usager du service public, etc... Chaque rapport social a ses spécificités, sa dialectique de la domination-résistance, sa complexité. Des rapports sociaux peuvent se croiser, se surimposer.
Dans le mode de production capitaliste mondialisé qui est dominant sur la planète on remarque une extension du rapport social salarial qui est lié à la production capitaliste, à la diffusion de l'entreprise capitaliste . Ce rapport social salarial voit s'opposer celui qui vend sa force de travail - le travailleur - au capitaliste qui lui l'achéte. Ce dernier veut tendanciellement toujours l'acheter le moins cher possible, la faire travailler le plus possible soit en durée, soit en intensité et si possible sur les deux plans en même temps. Si des règles existent, elles seront constamment tirées dans le sens de l'exploitation de la force de travail salariée.
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La finance comme pouvoir!
Ici, sur ce point, il n'y a pas à distinguer les PME des grandes sociétés faisant appel public à l'épargne. Mais cette distinction a néanmoins son importance aujourd'hui du fait de la place de la finance dans l'économie. La finance n'est plus un mode de financement mais un pouvoir. De ce fait, avec le néolibéralisme - autre nom du capitalisme financiarisé- , un autre clivage que celui travailleurs-patrons est apparu . Ce second niveau de clivage oppose les peuples-classes aux oligarchies financières.
La finance est-elle bien "l'art d'esquiver le rapport de classes" ? JM Harribey.
Cela rend plus complexe encore le monde contemporain. Ce niveau de conflictualité économico-sociale pose la question de la nationalisation des banques, de la création d'un pôle public bancaire en France, du changement de statut de la BCE pour l'Europe. Une question qui reste assez marginale dans les débats économiques.
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Néolibéralisme
Le néolibéralisme a une autre particularité que le poids imposant de la finance. Il tend à étendre et généraliser les rapports sociaux d'exploitation et de domination, non plus seulement sur des territoires géographiques nouveaux, mais au sein d'entités particulières qui ne sont pas capitalistes. C'est le cas des entreprises coopératives, des unités artisanales de production (2) et des services publics. La conflictualité sociale liée à l'intensification du travail, à la pression pour le travailler plus à prix serré ne se limite pas à l'entreprise capitaliste, petite ou grande. Dans ces structures a-capitalistes (a privatif pour non capitaliste) on retrouve les ingrédients classiques du capitalisme agissant dans les firmes multinationales mais aussi dans les PME. On y retrouve l'exploitation de la force de travail salariée sous des formes particulières. J'ai nommé cela "travaillisme" car le marxisme orthodoxe tend à l'analyser dans l'usine seulement.
Christian Delarue
(1) in Fiscalité: Moscovici critique l'«opposition simpliste» entre ménages et entreprises - Libération
2) Les artisants du BTP manifestent ce matin à Rennes.